En prenant possession de l'éditeur Eidos, le président de Square Enix fraîchement débarqué de son poste pour "pertes colossales", évoquait la nécessité d'inspirer une meilleur gestion de ses ressources à cette ancienne gloire britannique du jeu vidéo. Yochi Wada refusera de s'épancher sur ce qu'il entendait par les efforts de rationalisation à entreprendre que la conduite d'un audit interne avait révélé aux yeux des dirigeants nippons. A la lumière des révélations apportées par le site Polygon.com sur les soubresauts qui ont émaillé le développement de Thief, les mots de l'ex homme fort du géant de l'édition japonaise ont maintenant un sens.

Cela fait maintenant cinq ans que Thief est en production au sein du studio Eidos Montréal. Selon les sources confidentielles du site, ce développement marathon s'expliquerait par un pilotage en roue libre du studio. Politique d'entreprise absente, direction artistique confuse, auto-contrôle défaillant ont provoqué une hausse vertigineuse des coûts de fabrication, entravés la réalisation du jeu et conduits à des licenciements. Cette mauvaise fortune commence en 2008. Des membres du personnel d'Eidos multiplient les réunions pour discuter de l'opportunité de relancer cette franchise. Des concepts sont proposés, une démo est réalisée afin d'évaluer le potentiel du jeu (direction artistique, gameplay...). C'est à cette même période qu'une seconde équipe de la branche canadienne d'Eidos se lance dans la production d'une autre franchise star de son catalogue, Deux Ex : Human Revolution.

Pendant ce temps, la soif d'expansion économique de Square Enix conduit l'éditeur à s'offrir début 2009, une pépite européenne à l'éclat légèrement ternie (surexploitation de Tomb Raider), Eidos. Après avoir multiplié les accords de distribution avec éditeurs (EA...) et constructeurs (Sony...) en Occident, l'éditeur japonais souhaite désormais se passer de coûteux intermédiaires pour s'attaquer directement aux marchés internationaux. C'est avant tout le catalogue éclectique d'Eidos qui intéresse le spécialiste du rpg. Par le passé, Square Enix s'est essayé avec des fortunes diverses à différents genres. Tomb Raider, Thief, Deus Ex, des marques bien ancrées dans l'inconscient collectif, donneront le change à une société éditrice trop dépendante de Final Fantasy.

Square Enix favorise donc la revitalisation des franchises de l'éditeur anglais. Les dirigeants japonais fondent de grands espoirs sur celle de Deus Ex, accaparant toute leur attention au détriment de Thief. L'équipe travaille sans une direction pour l'encadrer. Human Revolution est une réussite critique et commerciale, l'éditeur se frotte les mains et injecte de l'argent frais apporté pour gonfler le budget de développement de Thief afin d'atteindre le précieux sésame du triple A. La naïveté des nouveaux dirigeants nippons est confondante. Aveuglés par leur premier succès, ils donnent carte blanche à Eidos Montréal pour poursuivre le projet déjà mal engagé. Le noyau de l'équipe embauche à tour de bras afin de gonfler l'effectif de la branche canadienne. Très vite, les accointances professionnelles minent l'ambiance de travail. L'équipe est divisée, démobilisée. Le fréquent turn over touchant les postes de designers principaux oblige inévitablement à modifier les acquis. Les stages et mécanismes de jeux sont constamment rediscutés.

A ce titre, la création de démos promotionnelles destinées aux points presse et diverses participations au GDC de mars 2013, illustre la tension permanente au sein du studio. Il aura fallu près de 10 mois pour la développer quand d'ordinaire trois mois suffisent. La présence d'une séquence sexuellement explicite provoquera même des remous au sein de l'équipe. Les décideurs de Square Enix commencent à s'inquiéter des lenteurs de production, une enveloppe financière supplémentaire sera apportée par un fond d'investissement allemand afin d'amener le projet à son terme. L'éditeur japonais fait effectivement face à de graves difficultés financières (138 millions de pertes escomptées) qui poussent le studio anglais dans les bras d'autres bailleurs de fond externes à la société mère.

D'après les sources de Polygon.com, la version publiquement dévoilée ne ressemble guère au concept initial. Celle-ci ferait même face à des problèmes techniques, surtout lorsque trop de personnages sont affichés à l'écran. Etonnant, malgré l'apport de l'Unreal Engine 3. Thief sera présent à l'e3 de juin prochain. L'occasion pour l'équipe de recueillir les premières doléances des joueurs et de rectifier certaines directions. Le jeu est prudemment annoncé pour "courant 2014".

source : PlayStationline.com