En 1987, Taito, société alors prolifique dans le développement et la publication de jeux d'arcade, propose au compositeur Hisayoshi Ogura, alias OGR, de regrouper l'activité de création sonore dans une seule et même entité, une sound team qui, pendant plus de trente ans, accompagnera les créations vidéoludiques de la firme au triangle.

Autant vous le dire d'emblée, le groupe dont il m'a pris l'envie de vous causer aujourd'hui est, pour l'heure, une madeleine de proust fraîchement sortie d'un vieux paquet. Ainsi, à défaut de pouvoir vous proposer une rétrospective pointue sur un groupe que j'aurais vu grandir et mûrir (quand celui-ci s'est formé quelques années avant ma naissance), c'est avec la verve de l'explorateur lacunaire, celui-là même qui, chaque jour un peu plus, mesure l'étendue de sa découverte, que je m'apprête à partager avec vous les quelques pépites, perles et autres pierres-qui-brillent auditives que j'ai pu exhumer jusque ici, entre moult anecdotes personnelles et tentatives maladroites de vous exprimer en qualificatifs tout ce que cette musique m'inspire.

Avant tout, une remarque d'importance : à l'occasion des trente ans du groupe, plus de 3000 titres ont été mis en ligne sur la plate-forme Spotify, accessible à 100% gratuitement. Bien que j'ai pu mettre la main sur quelques vidéos afin d'illustrer cet article, je vous recommande chaudement d'aller là-bas pour écouter les moult pistes énumérées ci-dessous, dans une qualité bien meilleure vous pouvez même arrêter de lire cet article tout de suite et découvrir le groupe par vous-même, après tout.

Pour commencer, parlons de Shoot 'em Up, puisqu'il s'agit là du genre par lequel la musique de Zuntata s'est le plus illustrée. Darius (1987), bien sûr, et ses suites, Darius II (1989), Darius Gaiden (1994), mais également RayForce, Raystorm ou Raycrisis (1993/1996/1998), sans oublier des titres plus méconnus (me semble-t-il, hein !) comme Night Striker (1989), un SHMUP en simili-3D à la Space Harrier, ou encore Metal Black (1991), plus conventionnel. Mais c'est avec G-Darius (1997), quatrième de lignée, dans sa version la moins reluisante (sur PS1), que j'ai pour la première fois été exposé aux sonorités électro-planantes, électro-étranges, électro-niriques, bref, en un mot, électrisantes de nos amis nippons qui, à l'époque, ne m'ont pourtant pas autant marquées que le mode Boss Rush, et toute la poiscaille méchanique qu'on y affrontait à coup de grosses vagues déferlantes jubilatoires dites "en éponge", c'est-à-dire, capables d'absorber d'autres grosses vagues déferlantes jubilatoires pour devenir encore plus grosses et jubilatoires.


Sans nul doute, à mes yeux, le meilleur jeu DBZ de la Playstation.

Or, bien des années plus tard, c'est en regardant un épisode de l'émission Superplay dédié à ce même G-Darius, sur feu Nolife Online, que je redécouvre non seulement le jeu en lui-même, mais également la bande-son, pour laquelle mes oreilles semblent désormais plus sensibles. Pourtant, une seule piste attise réellement ma curiosité au point d'entamer des recherches sur ce célèbre site d'infraction au copyright dont nous tairons ici le nom, mais avec lequel un autre compositeur émérite, Yuzo Koshiro, partage la moitié d'un prénom.

Le thème susnommé, dont le titre, sordide, vous rappellera peut-être avec émoi ce petit sobriquet enfantin à deux syllabes qu'on utilisait parfois pour qualifier un cheval, se laisse entendre au cours d'un stage en plein espace, où il nous faut naviguer entre moult débris d'astéroïdes. C'est un thème d'ambiance, qui a ce je-ne-sais-quoi de suspendu, qui vous hante, de ces fantômes à la dérive qu'on ne trouve qu'en dehors de la troposphère, et qui n'ont pour seul désir que celui latant de vous latter. Le silence est d'or, et pourtant, on entend ; on entend par instants cette lamentation menaçante, grandissante, assourdissante qui essaie de nous broyer de nous noyer !, comme si l'univers n'était au fond qu'un océan d'eau et de ruines dont nos ennemis seraient les déités ravageuses. Mais leur étreinte n'est que fumée ; comme le rythme constant qui résiste au milieu des plaintes, nous survivons et continuons d'avancer vers notre but, mûs que nous sommes par notre indéfectible instinct de survie...

Ou par le scrolling automatique. J'sais pas.

Bref, il s'agissait là, dirons-nous, de ma première zuntatane. Mais l'OST de G-Darius recèle d'autres thèmes qui valent qu'on y jette une oreille. Citons par exemple Adam, qu'on a l'occasion d'écouter contre une poignée de gros poissons, G-Zero, qui nous donne l'impression de flotter au milieu du chaos, ou encore Biophoton qui, presque, nous ordonnerait de le suivre dès les premières notes.

Pour autant, la curiosité de franchir les lignes et de partir explorer le catalogue fourni de Zuntata ne s'est pas ensuivie ; ce n'est que ces derniers mois, en cherchant à élargir mes horizons video-musicaux, que je suis tombé sur l'album Zuntata Night (1998).


Mais je ne l'ai pas cassé ; ça prouve déjà que c'est du solide !

Zuntata Night, ou abrégé ZN, consiste en un long medley ininterrompu d'une heure vingt reprenant moult thèmes emblématiques du groupe jusqu'alors.

Quoi que... pas tout à fait, puisque qu'on y retrouve, en musique d'ouverture, un hommage au mythique Space Invaders qui, rappelons-le, fut l'oeuvre de Taito en 1978, soit neuf ans avant la création du groupe. S'y trouvent également deux thèmes tirés de l'obscur Gamera 2000 (2000 1997), un SHMUP en 3D ayant pour guest-star l'un des plus célèbres kaijūs, ces grosses bêbêtes nippones spécialisées dans la destruction de cités miniatures comme Godzilla, Mothra, Rodan ou encore Sophie la girafe dans un rêve chelou que j'ai fait pas plus tard que cette nuit. Quand au plus incontournable de ces fameux thèmes emblématiques, que nous aurons l'occassion d'évoquer plus loin, il est tout bonnement... absent.

Alors oui, cet "emblématiques" était un poil racoleur, je l'admets. Ceci étant dit, après avoir écouté certains albums et jeté un oeil sur la tracklist de quelques autres, il m'apparait évident que ce terme n'est pas complètement galvaudé. Fake, Visionnerz, G, The end of 1996 H.K., ou encore Urban Trail ; ces noms figurent sur bien des listes, et ont eu droit à bien des reprises. Mais en ce qui me concerne, je les ai découvertes avec cet album en un sens, je les ai donc redécouvertes avant même de les découvrir.

Et comme disent les jeunes vieux, c'était trop chanmé !

Je pourrais faire comme pour G-Darius et vous livrer une interprétation ampoulée d'un titre qui m'aurait marqué, mais primo, ça m'embête de m'attarder sur un album qu'il m'est impossible de vous faire écouter par l'intermédiaire de Monsieur Tube, qui ne l'a point en réserve. Mais Spotify l'a ; alors pourquoi ne pas vous en faire une idée par vous-même ? Bon, c'est sûr, sans compte payant, vous vous mangerez de la pub toutes les deux ou trois pistes, ce qui est (très) agaçant, d'autant plus pour un medley. Mais je ne peux pas réellement vous proposer mieux.

Deuxio, une seule piste ? Ca me ferait de la peine. Si vous tenez à vérifier la température de l'eau avant de vous y plonger, vous pouvez essayer les quelques titres que j'ai énumérés plus haut (et y rajouter Motherless Children, tiens), sachant qu'à mon sens, tout ça met un peu de temps à démarrer.

Enfin, tertio, j'ai aucune foutre d'idée de ce que ça pourrait exprimer, ni aucune image précise qui me vienne à l'esprit quand j'écoute ça ; mais je kiffe le son, le synthé, l'ambiance générale, le rythme, les mélodies catchy, les rares mais toujours bien senties incursions de guitare, ou de ce piano cristallin qui m'évoque certaines compositions d'Hamauzu (FFX, FFXIII, Saga Frontier 2...). Peut-être que ça fera trop années 90 ou trop jeu-vidéo pour certains, peut-être que vous trouverez ça long et répétitif, mais moi, ben, je kiffe grave. A tel point que je m'abstiens de le réécouter trop souvent, de peur de m'en lasser trop rapidement...

Le troisième et dernier album dont je souhaitais vous parler, Güten Talk, n'est en réalité que l'enregistrement audio d'un concert donné en 1998 au Japon, et non en Allemagne comme je l'ai d'abord pensé (naïvement ?). Et oui, je sais, sur 31 ans de carrière, j'ai choisi de me focaliser sur 1997, 1998 et re-1998. J'aurais aussi pu vous parler de leur premier concert, en 1990, qui est tout à fait correct mais qui, je trouve, a plutôt mal vieilli. J'aurais eu cependant bien du mal à vous parler des années 2000, qui sur le papier sont assez pauvres, ce qui s'est s'explique sans doute par l'instabilité de Taito à cette période à tel point qu'ils se sont fait racheter par Square Enix en 2005, c'est dire !

Quoi qu'il en soit, ce live est assez maouss puisqu'en deux heures il reprend pas moins de 24 pistes, dans un style sensiblement plus rock, voire carrément hard-rock des années 80, avec des bonnes lignes de basse et de la guitare qui électrise bien. On y retrouve ainsi les Fake, Visionnerz ou encore The end of 1996 H.K., qui devraient maintenant vous être familiers, mais qui n'ont plus grand-chose à voir avec ce qu'on a pu entendre dans ZN. Il ne s'agit pas simplement de reprises mais de véritables versions alternatives, remaniées, réarrangées, bref, méconnaissables mais non moins réussies !

On y trouve également ceci :

                                                   La vidéo ayant douze ans, je ne saurais que vous recommander à nouveau Spotify.

Ça va peut-être vous surprendre, mais je trouve que cette pièce ferait un suberbe thème de boss final dans un JRPG. De cette petite intro de guitare aux allures de Stairway to Heaven à ce brusque changement de rythme, de ces notes pures et résonnantes jusqu'aux ressentis tantôt épiques, tantôt nostalgiques, tantôt frénétiques ; bref, un large événtail de tonalités qui me procure cette sensation galvanisante que j'ai pu éprouver à maintes reprises de me tenir au crépuscule d'une aventure longue et haletante, quand vient le moment de régler des comptes qui n'ont cessé d'être ajournés. En écoutant ça, je m'imagine tout plein de scénarios et de mises en scènes pour rendre cette musique fonctionnelle, et ça, figurez-vous que c'est mon dada.

En parlant de ça, et au terme d'une transition qui, j'en suir sûr, vous aura époustouflé le cerveau, je vous signale, comme ça, que le concert ouvre avec trois ré-interprétations de G-Darius ! Et c'est là que, quelque part, je me félicite de ne pas connaître la version d'origine de la plupart des autres titres, puisque des trois, il n'y a que G-Zero qui trouve grâce à mes yeux, les deux autres (Adam et B-T-Dutch) me donnant l'impression d'être un rien poussives par rapport à leur modèle de base.

Quant à la conclusion, ce n'est ni plus ni moins que Daddy Mulk, l'emblématiquissime, le One-Winged Angel de Zuntata, tout droit sorti d'un beat'em all arcade de 1987, The Ninja Warriors, dont une particularité notable fut d'afficher un format 4:1, soit trois écrans 4:3 alignés comme ceci. Et à cette singularité en répond une autre, un solo de shamisen (!) complètement fou à mi-piste qui envoie la musique dans un improbable virage jubilatoire que je vous laisse l'opportunité de découvrir par vous-même en guise de conclusion pré-conclusive :

                               Sauf qu'en fait, c'est la version Live 90, que je préfère un chouïa. La 98 est ici. Les deux sont sur Spotify.

Bref, j'aime beaucoup ce groupe.

Si les années 2000 semblent l'avoir émoussé (parait qu'ils ont bossé sur pas mal de petits jeux sur téléphone) Zuntata perdure encore à ce jour, avec à son actif des compositions pour des jeux plus confidentiels, comme Period Zero (2016), sorte de jeu de carte sur Android/iOS/etc, ou encore la série des Groove Coaster (2011-), ersatz d'Audiosurf qui ne manque pas de faire apparaître ce genre de vidéos. Et ce, bien que les membres qui l'aient constitué à l'orée des années 90 ne soient plus là Hisayoshi Ogura ayant quitté l'aventure à l'orée des annes 2010 pour devenir freelance, après avoir été crédité de deux pistes sur Dariusburst (2009). Mais OGR n'est pas Zuntata ; bien qu'il ait composé la grande majorité de toutes ces musiques que j'ai voulu partager avec vous aujourd'hui, et qui auront, je l'espère, piqué l'intérêt d'une poignée d'entre vous. Zuntata reste, et n'a toujours été au fond, qu'un masque, un costume d'apparat dont la vocation initiale fut d'inspirer le talent des musiciens qui l'enfilaient avec, je crois, un certain succès.

Est-ce toujours le cas aujourd'hui ? Hmm... J'sais pas (encore).

(Par contre, je connais le lien d'une chouette interview d'OGR)