... des élucubrations sur les RPG occidentaux !

 

Je n'ai pas envie de refaire pour la énième fois le match RPG japonais vs RPG occidental, pour la bonne raison qu'il a certainement déjà été traité bien plus savamment que je ne saurais le faire. Ma conclusion personnelle serait qu'il s'agit de deux genres radicalement différents se cachant par facétie sous la même appellation ; les comparer serait donc une erreur de débutant menant fatalement à une impasse ou, au mieux, à une baston de fanboys. Il n'y a peut-être guère que Dragon's Dogma qui peut se targuer de bouffer aux deux râteliers, mais puisque je ne possède pas (encore!) ce jeu, j'éviterai volontairement la question. Il y a déjà tant à dire si l'on se cantonne à une seule face de cette magnifique pièce qu'est le RPG !

Pour rendre ce blabla moins indigeste à lire, j'ai choisi de l'illustrer avec des screens sexy pris dans mes différentes parties de Morrowind ! Je m'en excuse platement auprès de mes consoeurs les femmes. Voilà une nana que j'avais moddée pour mon perso (qui s'appelle, je vous le donne en mille, Udufru).

 

Les RPG japonais sont admirables à bien des égards, et ont connu un âge d'or sous l'impulsion de Monsieur Sakaguchi et plus globalement des grands hommes qui ont fait la légende de Square (Soft puis Enix, je ne vais pas non plus vous apprendre la vie). Hélas, cent fois hélas, cette période faste semble loin derrière nous, et aujourd'hui, les jeux de rôles nippons sont cantonnés aux consoles portables, avec des graphismes 2D superdeformed kawaii ; à moins qu'on daigne nous offrir un nouveau Final Fantasy, licence en sévère perte de vitesse dont les dernières itérations n'ont pas franchement remué les caleçons.

La dernière fois que j'ai été stimulée par un J-RPG, si l'on exclut les milliers de remakes DS et PSP dont ChronoTrigger fut la plus indispensable incarnation, c'était avec le sublime Lost Odyssey en exclu sur Xbox360 (un comble!). Comme par hasard, œuvre de Sakaguchi... Quand je pense à ce qu'il aurait pu faire avec les moyens mis dans FFXIII, j'ai envie d'insulter les gens de SquareEnix responsables de son éviction, pas vous ?

En voilà une tenue pour se promener à Sadrith Mora ! J'avais créé ce perso uniquement pour tester des mods coquins... Non je ne suis pas lesbienne =)

 

Le RPG occidental présente, à mon sens, davantage d'intérêt, surtout depuis qu'il traverse un véritable revival, pour lequel on doit sans doute remercier Bethesda Softworks. Les événements ludiques qu'ont été les sorties, à 5 ans d'intervalle, de Morrowind, Oblivion puis Skyrim, ont à chaque fois relancé l'intérêt pour un genre qui trouve pourtant ses origines dans les aventures textuelles des prémisses de la micro-informatique. Mais je préfère donner à l'excellent Matt Barton le soin de vous faire un cours d'Histoire avec son Dungeons & Desktops, pour en arriver directement à nos jours...

Aujourd'hui, on peut diviser le RPG occidental solo en deux grandes tendances :

  • Les RPG bacs-à-sable, dont les derniers efforts en date sont Skyrim et Les Royaumes d'Amalur : Reckoning (paix à son âme).

  • Les RPG narratifs, genre plutôt récent en plein essor avec les flamboyants Mass Effect et The Witcher.

 

Voilà ce que j'admire tous les matins dans mon miroir ! Plus ou moins...

 

Ces deux familles de RPG occidental titillent mon esprit depuis l'annonce du prochain projet de CD Projekt, basé sur l'univers du jeu de rôle papier Cyberpunk. En effet, ce studio polonais s'est fait une spécialité, avec la franchise du Sorceleur, des RPG au héros charismatique, dont les choix influent sur le déroulement du scénario. Hautement scriptées, les aventures de Geralt placent le gameplay au second plan, derrière une narration particulièrement chiadée, réfléchie pour proposer une expérience quasiment cinématographique.

Tous les joueurs ont été éblouis, à raison, par les évidentes qualités des deux opus de cette saga culte en devenir (notamment par le second, dont les graphismes encore inégalés soulignent une aventure exceptionnellement écrite quoi que trop courte, mais là n'est pas la question). Cependant, le mérite n'en revient pas entièrement à CD Projekt. En effet, les jeux se basent sur une série de romans actuellement réédités chez Milady et écrite dans les années 90 par un compatriote des développeurs, le trop rare Andrzej Sapkowski.

La plupart des éléments des jeux sont directement repris des nouvelles et romans de l'auteur : personnages principaux et secondaires, lieux, bestiaire, humour et même éléments de gameplay, sont copieusement décrits dans les sept livres qui composent l'intégrale des péripéties de Geralt de Riv. En concevant The Witcher, les gars de CD Projekt disposaient d'un background complet, très détaillé et d'une galerie de personnages hauts en couleur, idéaux pour des dialogues d'anthologie (Jaskier, je t'aime !!!). A ce titre, le second opus regorge littéralement de références aux livres, puisque chaque PNJ qui raconte un souvenir de Geralt apparaît dans les textes du maître. Il est donc passionnant de lire cette saga épique après avoir parcouru ce titre (quand on ne l'a pas fait avant). On découvre ainsi à quel point les jeunots de CD Projekt sont des fanboys de l'œuvre originale.

Angarade savait être sage le jour...

 

C'est diamétralement opposé à cette démarche que se positionne Bethesda Softworks avec ses franchises phares que sont The Elder Scrolls et Fallout (depuis le troisième épisode). Dans leurs RPG bacs-à-sable, les territoires explorables sont immenses et totalement ouverts, très peu de scripts émaillent une aventure souvent vécue en pointillé, voir complètement zappée au profit de la seule exploration et des quêtes annexes, qui sont légion. L'ambiance et l'univers y sont extrêmement travaillés, au détriment des personnages aussi charismatiques que des cabillauds. Le héros notamment ne présente aucun intérêt puisque, créé de A à Z par le joueur, c'est un Zozo devant l'éternel.

Je m'arrête là une seconde pour vous expliquer le concept de « Zozo », dont je partage la théorisation avec mon meilleur pote. Cela date du soir où nous cherchions un nom pour notre personnage de Dragon Quest VIII. N'étant pas inspirés, nous l'avons nommé Zozo. Depuis, nous englobons vous cette dénomination tous les héros de jeu muets, sans personnalité propre, qui subissent l'aventure sans autre choix que de répondre « oui » à chaque proposition de quête. Il semblerait que Link soit le plus célèbre des Zozo ^^

... mais au petit matin, on pouvait l'apercevoir quitter des donjons dans des tenues pas très catholiques.

 

Les héros des TES sont donc des Zozo, qui peuvent certes faire quelques choix moraux dans l'aventure, mais ceux-ci n'ont finalement que peu d'influence sur le monde qui les entoure. Je pourrais vous citer quelques exemples flagrants concernant Skyrim, mais cela reviendrait à décourager ceux qui n'ont toujours pas passé 200h de leur vie sur ce titre colossal. Quoi qu'il en soit, ce n'est certainement pas pour la trame principale que l'on apprécie un RPG bac-à-sable, mais pour son aspect contemplatif, son absence de contraintes, ses propositions ludiques plus variées, la possibilité d'y ajouter des mods éventuellement.

Ces deux sous-genres du RPG occidental offrent des expériences ludiques très différentes. L'un fait la part belle au scénario et l'autre à la sensation de liberté. La durée de vie des premiers est clairement définie et relativement courte, tandis que celle des seconds dépend entièrement du joueur, mais permet d'atteindre une forme d'infinité qui ne trouve son égale que dans les MMO (on se fait super chier quand même, au bout d'un moment). Les personnages sont, dans un cas, réalistes dans leur écriture et participent à l'immersion, alors que dans l'autre, ce sont de simples distributeurs de quêtes n'existant que par le Zozo qui leur parle.

L'absence prétendue de linéarité relève, dans les deux cas, de l'arnaque pure et simple, car les choix moraux proposés au joueur sont rarement suivis d'un résultat évident dans le background (on ne refera pas ici le débat sur la fin de Mass Effect 3 car je l'ai aimée, mais je comprends fort bien les critiques concernant l'absence de répercussions réelles des choix de Shepard sur son environnement) : les deux types de RPG occidentaux peuvent encore énormément progresser à cet endroit.

Ne doutez plus jamais du pouvoir protecteur de l'armure de verre !

 

J'en reviens donc à l'annonce de CD Projekt. Si ce prochain jeu est bel et bien un RPG, ce qu'il reste encore à confirmer, à quelle famille appartiendra-t-il ? Sera-t-il le pendant futuriste de The Witcher, avec un héros prédéfini à forte personnalité, un environnement réduit mais très travaillé, et une aventure bourrée de scripts et de dialogues à choix multiples ? On ne peut que l'espérer, tant les Polonais ont démontré leur maîtrise et apporté une étonnante maturité à notre médium préféré. Mais... mais l'œuvre originale, Cyberpunk, n'est pas une série de romans dont il suffit de tout adapter pour faire un hit ultime. C'est un background, très complet certes, mais juste un background. Il reste à inventer un personnage réunissant les caractéristiques les plus intéressantes du JdR et permettant des spécialisations sur un arbre d'évolution restreint (armes à feu, piratage, négociation, etc). Il faudrait lui adjoindre des comparses de la qualité de ceux de Geralt et leur construire des personnalités aussi fortes qu'au héros... sans l'aide du génial Sapkovski. Et il faudrait, évidemment, que ce personnage ait des enjeux capitaux, afin de nous entraîner dans son sillage sur les sentes d'une aventure prenante dégageant suspens et émotion. Un travail d'écriture considérable donc, que jusqu'à présent, les têtes pensantes de CD Projekt n'ont fait qu'effleurer, puisqu'ils se reposaient sur un matériel sans faille. Premier problème.

Le second problème réside dans la forme même de l'œuvre originale. Un jeu de rôle papier implique la création intégrale d'un personnage (et quiconque a joué à Cyberpunk se souvient forcément du système de conception de perso carrément génial, le meilleur que j'aie jamais testé). D'aucuns penseront aussi que l'adaptation d'un JdR se doit d'offrir une liberté totale digne d'un RPG bac-à-sable, mais à cela, je ne suis pas d'accord : ce serait négliger la toute-puissance du Maître de Jeu qui, quand il est talentueux, parvient toujours à faire suivre son scénario aux joueurs même les plus récalcitrants. L'accès libre au territoire est donc un faux problème, mais la conception du personnage en reste un. Les fans de Cyberpunk, dont je fais partie, accepteront-ils qu'on leur impose un personnage ? Ne seront-ils pas déçus par les limitations nécessaires du format ? Et les autres n'auront-ils pas envie que CD Projekt sorte de sa zone de confort et essaie de réaliser la transformation ultime, l'exploit vidéoludique tant attendu : la fusion des deux genres ?

Il paraît que les talents magiques sont inversement proportionnels à l'encombrement...

 

Après tout, qui n'a pas rêvé d'un Skyrim avec des PNJ charismatiques, des animations variées, et surtout un scénario correct dont les enjeux nous tiennent réellement à cœur ? Les gars de Bethesda connaissent leur boulot car en terme d'expériences contemplatives et riches, ils se posent là. Mais ils ne savent toujours pas écrire ni réaliser une aventure poignante. Leurs efforts sont tout entier dirigés dans la conception et l'entretien de leur méta-histoire, ce qui est très fort en soi, mais manque clairement de mise en scène.

D'un autre côté, qui n'a pas rêvé d'un The Witcher bien plus long, au territoire explorable à loisir, aux mécaniques de gameplay plus travaillées ? Les jeux de CD Projekt ne sont pas exempts de défauts : divisés en zones assez réduites, ils proposent des choix moraux dont les répercussions sont finalement de la poudre aux yeux (l'import foireux des sauvegardes du premier opus vers le deuxième confirme cette opinion). Alors, qu'est-ce qui justifie des expériences si courtes et des paysages si clos ?

A ce jour, un seul titre a tenté avec un certain succès cette fusion ultime, mais manque de bol pour étayer mes réflexions, il ne s'agit pas d'un RPG. C'est, vous l'avez deviné, le fantastique Red Dead Redemption, qui a réussi l'association entre une expérience contemplative au cœur d'une map immense, et un récit linéaire à la réalisation impeccable. Alors certains me diront que si l'on ne fait pas les missions du jeu, on s'y ennuie. D'où, plus haut, j'ai parlé d'un « certain succès ». Le terrain a juste été défriché, et avec quel talent ! CD Projekt va-t-il partouzer avec Rockstar et Bethesda pour nous offrir le meilleur RPG de tous les temps ? Car il s'agirait pour moi du mariage gagnant dont je voudrais qu'il ait beaucoup, beaucoup d'enfants.

Dans Oblivion aussi, on pouvait fantasmer à loisir ! Héhé je trolle et j'aime ça.

 

Et vous, qu'en pensez-vous ? Aimeriez-vous jouer à un clone de The Witcher au pays des Corporations, préféreriez-vous un bac-à-sable futuriste à modeler selon vos désirs, ou êtes-vous, comme moi, un fervent défenseur de la polygamie vidéoludique ?