"T'as vu le dernier gros qui danse sur de la techno?"

"Non pas encore parce que je finissais la saison 25 de Lost et puis comme j'ai du faire ma 20ème heure de jeu à Red Dead Redemption pour le finir ça ma ralenti sur le dernier Pix n' Love que j'ai pas eu le temps de lire. Mais j'irai voir ce soir pendant que j'écoute le dernier podcast de Gameblog en faisant le tour des news d'aujourd'hui. Et puis après, un petit film en streaming et hop, au lit avant 3h du mat! Mais t'en fais pas dès que je l'ai vu je le tweet et je le share sur facebook!"

"Et sinon tu as bossé tes maths pour demain?"

"Mes quoi?"

Ce genre de conversation qui, pour un public non averti, est aussi clair qu'un scénario de Kojima, n'aurait pas pu avoir lieu il y a quelques années. Ainsi je m'interroge sur notre époque, sur les médias, leur accessibilité et leur place dans notre vie. Et là, une constatation me vient: Les journée de 24h ne sont plus adaptées à nos besoins!

Rappelez-vous, ou alors imaginez si vous êtes trop jeunes...

Il y a quelques années (disons 30 pour prendre un chiffre rond), une personne normale (que nous appellerons Jean-Pierre Lambda pour des raisons de commodité), avait un rapport aux médias et à ses centres d'intérêts tout différent d'aujourd'hui.

Imaginons que J-P soit fan d'aviation (ça arrive..). Il avait à sa disposition quelques médias, tous limités.
Il y avait les livres, trouvables en librairie.
Les magazines et autres journaux.
Les films au cinéma.
La télévision.
La radio.

Tous pouvaient parler de l'aviation d'une manière ou d'une autre. Mais tous avaient un prix ou alors étaient limités par le fait que la télévision (et à fortiori la radio) ne diffuse pas J.A.G. en boucle. J-P passait donc dans sa journée un peu de temps à lire un livre ou un journal, allait parfois au cinéma et écoutait la radio ou regardait la télévision quand une émission avait trait à sa passion (sur Arte par exemple).

De nos jours la donne a changé.

Certains médias se sont développés comme la télévision avec la multiplication des chaînes et l'arrivée des séries aux budgets faramineux ou le jeu-vidéo avec également l'escalade des budgets et la production de consoles en masse.

Et surtout un nouveau média est né: Internet.

Et là... c'est le drame! Comme dirait Jacques Legros dans Plein les yeux.

Car, si Internet est bien un nouveau média comme le jeu-vidéo, il influe de manière autrement plus intense sur ses congénères, et agit comme un multiplicateur de contenu, un accélérateur de  consommation, et à travers quelques truchements, légaux ou non, comme le distributeur gratuit de musique, films et séries.

Ainsi notre cher J-P, toujours aussi féru d'aviation (on est comme on est), accède désormais, non seulement à un nombre de médias augmenté, mais à une quantité de contenu presque infinie pour la modique somme de 0.- s'il est assez malhonnête pour télécharger illégalement (pas bien! Adopi va se fâcher!). Et, cerise électronique sur ce gâteau connecté, il y accède sans sortir de son salon!

De ce fait, son emploi du temps s'en ressent:

Il est 7h, J-P se lève, il en profite pour allumer son ordinateur et consulter les dernières nouvelles de www.aviation.com (quelle imagination!) et télécharge le dernier podcast de jaimlesavionsjassume.fr. L'heure avançant, il part à son travail d'enrouleur de Scotch et écoute la radio sur le chemin.

A midi il lit son Avion Magazine en mangeant, et consulte Wiki sur son iPhone pour vérifier le modèle de réacteur utilisé sur le dernier A380 (des beaux Rolls-Royce Trent 900).

Après une journée de dur labeur, J-P rentre chez lui à 18h. Et là... c'est le re-drame! Car notre passionné se retrouve devant un choix Cornélien (on reste dans les airs). En effet notre ami doit faire à manger, manger, ranger et faire une lessive, ce qui lui prendra en tout 2h, ce qui, s'il condense tout en arrivant chez lui nous amène à 20h, admettons que J-P aie une vie sociale et une femme, des enfants, ou pour un plus jeune des frères et sœurs et des parents, il leur consacre pour ne pas sombrer dans la folie une heure et demie de temps. Ce qui nous amène à 21h30.

Il y a 30 ans, les 2 ou 3h restantes de la soirée suffiraient largement pour regarder un film, lire un livre ou écouter une émission de radio, ce qui lui permettrait de faire le tour du contenu disponible sur son hobby.

Mais aujourd'hui, pour en faire le tour, il doit écouter son podcast (1h), regarder un épisode de J.A.G. en streaming (1h), jouer à Ace Combat 14 (2h), lire les dernières nouvelles sur le net (30min), lire les livres ou magazines sortis dans la semaine (1h30), faire le tour des derniers ajouts de Youtube en la matière (1h) etc.

7h donc pour profiter d'une partie infime du contenu disponible sur l'aviation, sans compter qu'il peut passer un temps infini à surfer sur des sites parlant de sa passion, écrire sur des forums, sur son blog (non non pas celui-ci), ou échanger des mails ou des messages facebook avec ses amis passionnés.

J-P est donc bloqué, s'il ne veut pas tout abandonner et partir avec un Biplan vivre sur une île avec des avions, il doit forcément faire une sélection drastique dans tout le contenu proposé par les différents médias sur sa passion.

Le pire dans cette histoire est que si J-P n'a qu'une passion, la plupart des gens ont plus d'un centre d'intérêt, ce qui multiplie encore le temps qu'il faudrait y consacrer pour être un brin exhaustif.

Ainsi je décrète qu'une journée de 24h n'est plus adaptée à notre mode de vie. N'étant pas fan de l'idée de décroissance (du moins dans l'accès à l'information et aux médias) je propose donc de convertir la vieille journée de 24h en une journée nouvelle de 34h, sans augmentation du temps de travail bien sûr, comme dirait un PDG.

Allez, sur ce je m'en vais lirejouersurferregarderécouter, médiater quoi...

CGB