Si Bioshock a accaparé à juste titre l'attention sur les FPS narratifs durant la dernière génération de consoles, un autre titre a témoigné d'ambitions aussi louables en parallèle sans rencontrer la même renommée. La réussite narrative de The Darkness pourrait être décrite en des milliers de lignes comme tenir dans cette seule phrase : le jeu était l'un des trop rares FPS à donner le sentiment de contrôler un véritable personnage plutôt qu'un simple tireur. Prenant le temps de développer son récit crépusculaire quitte à imposer un rythme lent, témoignant d'une ingéniosité rare pour mettre en scène l'intimité et le chaos mental du héros, The Darkness était davantage un First Person qu'un Shooter, une plongée incroyablement immersive dans un univers désespéré où le potentiel immersif des jeux à la première personne était enfin exploité pour donner au joueur le sentiment d'être véritablement au premier plan de l'action.

Il est toujours délicat de donner une suite à un jeu vidéo réputé pour sa qualité narrative et émotionnelle, encore plus lorsque le jeu passe entre de nouvelles mains, et en dépit de la sincérité explicite des nouveaux développeurs en charge de The Darkness II, leur démarche montre rapidement ses lacunes. Le jeu ne peut légitimement pas être qualifiée de trahison du premier opus tant cette suite s'efforce de reproduire, avec une efficacité aléatoire, la construction du jeu originel. L'intimité mentale de Jackie Estacado est donc une nouvelle fois le c½ur du récit, ce dernier multipliant les séquences contemplatives où les amateurs de la gâchette devront faire preuve de patience. Mais le principal problème de The Darkness II vient de son manque de cohérence où le respect du jeu initial devient un contraste avec les nouveautés du second opus.

L'aspect visuel en cell shading et la violence décomplexée de Darkness II sont symptomatiques en la matière car elles emportent le jeu dans une dimension surréaliste qui s'accorde difficilement avec la sobriété et la lenteur des scènes intimistes là où le premier opus parvenait à conserver une cohérence globale avec son style visuel réaliste et sa violence gore mais pas extravagante. Et au delà de ce paradoxe désagréable, le récit tente tellement de reproduire le schéma du premier opus qu'il en devient une caricature grossière la faute à une écriture beaucoup plus simpliste où les dialogues apparaissent superficiels et les personnages plus stéréotypés, avec en premier lieu ce pauvre Jackie devenu un gangster badass multipliant les Fuck à outrance.

C'est d'autant plus regrettable que le jeu sait parfois témoigner d'une véritable efficacité narrative à l'image du niveau de la fête foraine illustrant efficacement la confusion mentale du héros et surtout l'illustration de l'Enfer offrant une alternative déroutante et efficace à la représentation cauchemardesque de la Première Grande Mondiale dans le précédent opus. Quelques fulgurances immersives qui sauvent ce second opus d'une déception totale mais ne peuvent atténuer les regrets quant au potentiel immersif et émotionnel que cette suite n'a pas su exploiter. En espérant qu'un autre First Person narratif poursuivra un jour efficacement l'immersion tortueuse développée dans The Darkness.