Il est toujours délicat d'assister à l'achèvement d'une carrière cinématographique foisonnante encore plus lorsqu'il s'agit de l’œuvre d'un cinéaste devenue un pilier de l'imaginaire grâce à l'incroyable sentiment de pureté et d'humanité de ces créations. C'est avec un inévitable frisson nostalgique et une affection sincère que la dernière œuvre d'un génie se dévoile à nos yeux, un homme dont le talent lui aura permis de transcender l'animation pour s'imposer comme un cinéaste majeur du septième art.

Et en dépit des louanges mérités accumulés au fil des années, Hayao Miyazaki se refuse jusqu'à son dernier film à se complaire dans la stagnation, insufflant une nouvelle vitalité à son imaginaire quitte à désorienter son public. La plus grande réussite du Vent se lève, œuvre gorgée d'émotion pure, réside dans l'incroyable capacité du film à associer la dimension poétique et onirique de Miyazaki dans le cadre d'un récit plus réaliste et bien plus ancré dans l'Histoire Japonaise. La réussite de cette démarche est double. Sans éluder l'isolement mental du héros qu'il implique, le rêve est ici magnifié comme un carburant vital, un désir de s'accrocher à l'existence et non comme une souffrance névrotique comme cela devient trop fréquent avec cette thématique. Et surtout ce récit n'est plus une invitation vers un autre univers possible mais un rappel à notre propre humanité où les instants du quotidien retrouvent leur beauté onirique, à l'image de la plus belle scène du film ne nécessitant que deux amoureux, un avion en papier et le Vent pour faire rêver.

Mais ce procédé a également un prix, le film est le plus sobre et intimiste d'Hayao Miyazaki, entrainant ainsi un rythme lent et posé intensifiant l'identification aux personnages mais pouvant déplaire en comparaison de l'intensité habituelle de ses films. Quelques longueurs bien insignifiantes au regard de la charge émotionnelle du film. Histoire d'amour bouleversante, récit initiatique magistral, magnificence de la beauté du monde et regard amer sur les guerres humaines, le Vent se lève est tout cela à la fois et bien plus, l'ultime prodige d'un magicien dont il faudra bien des années pour saisir toute l'ampleur de sa création. Et c'est avec le cœur serré et des larmes dans les yeux qu'il faut maintenant quitter l'imaginaire d'un homme qui, à l'image des plus grands, aura montré le meilleur de la créativité humaine.

Adieu Hayao Miyazaki, tu nous as donné bien plus que des rêves.