C'est un peu le problème de la vague vintage qui frappe tous les domaines. On ressuscite les anciens hits, et les ringardises d'hier sont aujourd'hui presque plus courues que les dernières innovations. La mode, le design et la musique n'y ont pas échappé. Alors pourquoi le jeu vidéo, lorsque les gros pixels n'ont jamais été aussi hype, devrait-il se priver du bonheur d'exhumer ses tout jeunes fossiles ? Apparu en pleine mouvance retro gaming, 3D Dot Game Heroes ne pouvait laisser indifférente une génération qui écoute de la musique 8bits, s'orne de Space Invaders en plastique fluo, et découvre enfin l'histoire du jeu vidéo. Pas de doute, il est plutôt bien tombé. Et ce contexte favorable explique en partie l'enthousiasme généralisé qui accompagne sa sortie.

Nostal... Quoi ?

Pourtant, c'est un jeu de niche, un vrai. Que ce soit dans son aspect graphique volontairement passéiste, la conception de son récit simpliste ou ses mécaniques de jeu à l'ancienne ; 3D Dot Game Heroes réunit des arguments qui n'apparaitront séduisants qu'aux yeux des seuls joueurs de la vieille école. Les vrais, les purs, les durs, les psychorigides, quoi. Le pitch est d'une facilité assumée : une instance maléfique, six orbes dans six temples, et un roi qui fait appel à n'importe qui. Princesse, chevalier, requin ou même tank. Quant au cheminement, il ne surprendra en rien les vieux routards du genre. De villages en donjons, les étapes obligatoires se succèdent et se ressemblent. Ce leitmotiv Ô combien doux aux yeux du fan bienveillant va cependant rapidement l'ennuyer. En cause, une répétitivité à toute épreuve et une absence totale de surprise, dues à la trop grand fidélité du titre envers ses modèles. Quant aux blagues d'initiés et aux quêtes annexes prétextes, elles échouent à relancer l'intérêt du joueur pour cette aventure totalement dénuée d'enjeu.

The Legend of... Gaming

À leur sortie, les premiers titres de la saga Zelda - la principale source d'inspiration de 3D Dot Game Heroes - ont rencontré le succès qu'on leur connait parce qu'ils révolutionnaient les canons de l'époque. Action, énigmes, quêtes annexes, musique et même scénario, c'est tout un univers singulier qui a su se construire et se renouveler (parfois même douloureusement) depuis plus de vingt ans. Alors qu'aujourd'hui le jeu de rôle japonais peine à se réinventer sur console HD, que fait 3D Dot Game Heroes ? Il retourne littéralement en arrière. Puisqu'il pioche dans ses références et joue à fond le second degré, son univers n'a aucune cohérence. Pire, sa jouabilité d'un autre temps ne parvient à offrir de challenge qu'à travers ses limitations. Dans la même veine mais en plus costaud, Super Paper Mario distillait habilement ses clins d'oeils geek et ses auto-références, tout en offrant une expérience de jeu innovante. Et c'est là que se situe la différence entre une grosse licence, forte de son histoire, et une toute nouvelle identité forte de... eh bien l'histoire des autres. À trop vouloir jouer la carte de la parodie assumée, 3D Dot Game Heroes laisse donc passer sa chance de se démarquer. Et cette aventure, en rien comparable aux cadors qu'elle tente de pasticher, n'a plus alors que son joker tendresse à jouer.

Dans cet hommage plein d'attitude mais limité, certains trouveront leur compte. Ceux-là se replongeront avec délice dans les souvenirs d'une jeunesse vidéo-ludique à jamais envolée, et dont 3D Dot Game Heroes ne peut que se faire l'écho. Quant aux autres, ils déploreront la paresse générale d'un titre qui ne manquait pourtant pas d'atouts, à commencer par son héritage revendiqué. Propre mais sans âme, 3D Dot Game Heroes a la saveur d'une fausse pièce vintage dans un magasin de fringues bas de gamme. Le genre qui évoque plein de souvenirs mais qui ne tient pas après plus de deux lavages...