Pièce sombre. Un homme charge le barillet de son revolver, une balle après l'autre, consciencieusement. A côté de lui, sa femme et ses deux enfants sont enchaînés à une chaise, bâillonnés, gémissant pour qu'on les libère. Il les abat de sang froid.

Un homme se réveille chez lui, seul, couvert de sang, quand le téléphone sonne.

Paranormal Activity

Autant dire que dès les premières minutes, le ton est donné. Le titre nous invite à entrer dans la peau de ce personnage, Dwayne, à travers les yeux duquel toute l'aventure se fera. Comme la quasi-totalité de jeux d'horreur aujourd'hui, Visage opte donc pour la vue subjective, plus à même de nous faire ressentir la terreur qui peut saisir le personnage face aux évènements qui se déroulent autour de lui. Autre facteur d'identification : son mutisme. En somme, le temps de cette plongée horrifique, Dwayne, c'est nous.

C'est au cours d'une nuit pluvieuse, alors que le protagoniste se réveille chez lui, que le joueur prend son contrôle. Après quelques pas dans des couloirs grisâtres rappelant fortement ceux de P.T., on entend un message sur le répondeur du téléphone : il s'agît de la voisine qui s'inquiète de n'avoir vu personne sortir de la maison depuis plusieurs jours. Très vite, le joueur comprend que quelque chose cloche. Tandis qu'il avance dans les couloirs, les lumières ont tendance à clignoter sans raison, des portes s'entrouvrent à son passage, des grincements de parquet se font entendre à l'étage... On ne saurait d'ailleurs que trop vous conseiller de jouer au casque pour profiter du très bon travail sur les bruitages du jeu.

En plus de jouer sur nos propres nerfs, les développeurs ont eu la bonne idée d'inclure une jauge de santé mentale. Elle se matérialise par l'apparition d'un cerveau entouré d'un halo rouge en bas à gauche de l'écran. Ainsi, chaque fois qu'il reste trop longtemps dans l'obscurité, les évènements paranormaux auront tendance à s'intensifier autour de lui. À nous de faire en sorte de trouver des sources de lumière pour ne pas perdre définitivement la boule.

Let There Be More Light

À plusieurs endroits de la maison, le joueur pourra dénicher des bougies ou des ampoules qui lui permettront de générer de la lumière à des emplacements spécifiques. Néanmoins, ces bougies auront tendance à s'éteindre et ces ampoules à éclater si la fameuse jauge de santé mentale est à un niveau critique, plongeant de nouveau notre personnage dans le noir. De quoi se sentir vite désemparé. Heureusement, des comprimés à retrouver un peu partout seront bien utiles pour calmer les angoisses de Dwayne et faire chuter la tension. Par ailleurs, plusieurs briquets seront à sa disposition pour emporter un peu de lumière avec lui, mais leur faible durée de vie invite à l'économie.

Grosso modo, il existe deux types d'objets : les objets dits dynamiques et les objets permanents. Ces derniers font progresser l'histoire : clefs et cassettes vidéos principalement (on y reviendra). Quand aux objets dynamiques, ce sont ceux que l'on peut tenir en main, comme les comprimés ou les briquets évoqués plus haut. Le joueur peut également empoigner de nombreux objets de la maison (peluches, canettes, cadres photos...) et les retourner à sa guise sans qu'ils ne puissent toutefois rejoindre l'inventaire.

On peut tenir un objet dans chaque main, qu'il s'agisse d'un objet de la maison ou un objet dynamique. Le souci, c'est que l'attribution des touches (jeu testé sur PS4) semble particulièrement hasardeuse et même après plusieurs heures de jeu, on se surprend encore à s'y mettre à plusieurs fois avant de pouvoir lâcher un objet ou de l'intégrer dans l'inventaire dynamique. Pour faire simple, au-delà de ces bizarreries de gameplay, il semble évident que la gestion de l'inventaire a d'abord été pensée pour les clics d'une souris.

A Saucerful of Secrets

Le titre exhorte le joueur à se familiariser avec la maison, à visiter chaque pièce pour en découvrir les moindres secrets. On passera ainsi pas mal de temps à ouvrir des placards ou à retourner des objets afin de dénicher le moindre indice quant à la suite des évènements. En fouillant un tiroir par exemple, le joueur trouvera une clef qui permettra à l'un des trois chapitres principaux de se lancer. Ces derniers peuvent être joués dans n'importe quel ordre, sachant qu'il faut en terminer un pour passer au suivant, et nous invitent à nous plonger dans l'histoire tortueuse de chacun des membres de la famille.

Quittant le confort déjà très relatif de la maison, dont on comprend qu'elle fait office de hub, le personnage est alors emporté dans un tourbillon de séquences plus terrifiantes les unes que les autres et qui apportent un peu de lumière sur les circonstances de la mort de l'épouse, de la fille et du fils. Au joueur d'assembler lui-même les différentes pièces de puzzle pour saisir le tableau d'ensemble.

C'est là toute la subtilité de Visage puisque le joueur doit à la fois faire abstraction de l'horreur qui l'environne tout en étant attentif aux quelques éléments de l'intrigue donnant une petite idée sur la marche à suivre. La progression dans le jeu se fait donc par à-coups, par une succession d'allers-retours dans les différentes pièces de la maison. Certains pourront d'ailleurs pester contre le côté très scripté, puisqu'il faut que le joueur découvre un élément bien spécifique présent dans l'environnement ou qu'il agisse d'une certaine façon pour que la progression puisse se faire.

PTSD

C'est au cours de la résolution de ces chapitres que le potentiel horrifique de Visage se dévoile pleinement. Si l'influence de P.T. est évidente (radio qui s'allume toute seule, porte qui se ferme soudainement après un zoom sur son entrebâillement etc.), le titre de SadSquare Studio va beaucoup plus loin que ce que la démo de Kojima laissait entrevoir en matière d'horreur psychologique, rappelant davantage à ce titre la série des Amnesia : portes qui disparaissent, pièces sans fond... Une fois bien avancé dans un chapitre, le joueur doit ainsi accepter de se perdre pour pouvoir avancer.

Le titre associe astucieusement mise en scène et idées de gameplay afin d'inclure le joueur au coeur de l'expérience. Pour ne prendre qu'un exemple, l'un des chapitres voit notre personnage plongé dans le noir total, n'ayant qu'un appareil photo à sa disposition. Le joueur devra se contenter du flash de l'appareil pour avoir une idée de ce qui l'entoure. Le concept s'avère très efficace en matière de frissons puisque le personnage ne fait qu'entrevoir pendant une fraction de seconde son environnement. Evidemment, c'est aussi l'occasion d'intégrer quelques apparitions fugaces à même de glacer le sang du joueur. Le flash de l'appareil photo permet d'ailleurs de dévoiler d'autres éléments invisibles en temps normal et qui sont essentiels à la fois à la compréhension de l'intrigue et à la progression du jeu.

En résumé, les développeurs de Visage mettent tout en oeuvre pour proposer une expérience à la fois intense et variée en matière de séquences horrifiques. Je pourrais évoquer également le cas des cassettes VHS qui, une fois jouées dans le magnétoscope du salon, font succéder des images anodines de vie familiale avec des visions sombres et cryptiques, ce qui n'est pas sans rappeler le bien-nommé Sinister, petit bijou d'horreur cinématographique de 2012. Avec tout cela, si, comme moi, vous êtes du genre à effectuer un 360° à chacun de vos pas pour vérifier qu'il n'y a rien, comptez une dizaine d'heures pour arriver au bout de l'aventure. Si vos nerfs n'ont pas lâché avant.