Après avoir rencontré un succès inégal de la part des anciens fans du studio Rare, Play Tonic remonte encore un peu son arbre généalogique, et propose avec cette suite baptisée Yooka-Laylee and the Impossible Lair leur version revue et corrigée de la truculente série des Donkey Kong Country.

C'est quand même marqué dans les livres

On prend donc les mêmes, à savoir nos deux héros colorés et complémentaires qui peuvent aussi bien se substituer au célèbre ours et son volatile qu'à un duo de singes habiles, et on recommence. Les décors, les personnages, les ambiances et les items restent, mais ce n'est pas la même soupe pour autant : conservant le moteur 3D de l'épisode éponyme, Yooka-Laylee and the Impossible Lair se joue bel et bien comme n'importe quel jeu de plate-forme en 2D, même si les déplacements sur la world map permettent une plus grande liberté. Pour ceux qui ont un jour croisé les aventures mémorables des singes de la famille Kong, la mécanique est connue : puisque l'on tire parti des compétences du caméléon ou de la chauve-souris pour déambuler avec grâce et rebond au sein de niveaux remplis d'ennemis et de collectibles dissimulés.

Sauf qu'à l'exception des canons du genre, le jeu s'offre un twist qui va le structurer et lui conférer une dimension singulière pour un jeu de plate-forme. Nos deux héros vont ainsi directement se retrouver face à leur nemesis Capital B en plein stage final. On commence donc par expérimenter l'éponyme Repaire Impossible, un niveau aussi velu que son nom le laisse présager, retors, et prenant des allures de marathon. L'échec est donc vite de rigueur, et le duo se fait éjecter manu militari, non sans aussitôt découvrir que la vile abeille et son Repaire Impossible le seraient beaucoup moins avec l'aide des Soldabeilles, l'armée d'insectes locale. Sauf que les troupes se sont fait capturer au sein de livres qui forment - vous l'avez deviné - autant de niveaux à parcourir avec brio.

Ils courent, ils roulent...

La quarantaine de stages reprend bon nombre des codes théorisés par Donkey Kong Country période Rare, puisque chacun d'entre eux se prêtera largement à l'exploration tous azimuts, en plus d'enchaîner les sauts et les ennemis à dégommer par dizaines. Avec une palette de mouvements un poil restreinte, Yooka et Laylee courent, roulent, sautent et planent (sous conditions) en collectant les plumes dorées qui dessinent souvent des trajectoires idéales pour les speedrunners de la plate-forme. Si les environnements restent variés et colorés, ils pêchent parfois par un manque de profondeur et de détail en ce qui concerne les backgrounds, que l'on cessera bien vite d'observer pour se concentrer sur le seul premier plan.

Il faut dire que chaque stage renferme cinq pièces d'or souvent bien cachées, et il faudra faire preuve d'observation et ne pas trop accélérer le tempo pour s'en emparer. Les murs invisibles sont légion et riches en secrets, mais il faudra aussi par moments récupérer une série de plumes dans un temps donné ou défaire plusieurs ennemis pour débloquer certaines pièces. La référence à Donkey Kong Country Returns est claire. En revanche, Yooka-Laylee and the Impossible Lair pèche un peu par sa trop grande diversité en la matière, et les complétistes auront bien du mal à faire la part entre les défis nécessaires à l'obtention des pièces, et le reste ne rapportant que... des plumes !

Yooka faut qu'on

Mais c'est là que la proposition prend un peu de hauteur : les plumes récoltées dans les niveaux ne feront pas seulement office de collectible à la con, mais deviendront une véritable monnaie qu'il va falloir dépenser à l'extérieur. À l'instar de Donkey Kong Country 3 (et du premier Yooka-Laylee, soit), la world map est un véritable niveau à part entière, qui fourmille de trouvailles et rend son exploration absolument passionnante. Les différentes parties de cet univers forment une sorte de grand puzzle que l'on découvre au fur et à mesure, ouvrant des raccourcis et des chemins dérobés en multipliant les énigmes. Les plumes permettent alors parfois de débloquer certains items clés pour progresser, ou d'acheter des bonus grâce aux potions que vous découvrirez en chemin. Filtres noir et blanc, rétro, inversé, sont au programme, tout comme des améliorations dans la palette de coups qui infligent en revanche un malus au compteur des plumes ramassées. Se faciliter la vie ou avancer à bon rythme, il faudra donc choisir.

L'exploration de la carte permet également de mettre en lumière l'une des spécificités de Yooka-Laylee and the Impossible Lair : le caractère bicéphale de ses niveaux. Chacun des 17 "stages" du jeu possède en effet un revers, une revisite cachée qui modifie un élément pour en offrir une seconde lecture : l'eau se transforme en glace, obligeant à jouer un environnement aquatique en surface, ou active des ventilateurs qui dévoilent un peu de verticalité. Sauf que pour en profiter, il faudra justement déclencher ces faces B en explorant la world map, et en venant à bout de ses nombreux défis. La boucle est ainsi quasi-infinie, et on alterne donc sans cesse entre les phases de gameplay, qui se complètent à un rythme toujours maîtrisé.

T'as les abeilles ♫

Si la physique du jeu aurait sans doute faire preuve d'un touuuuut petit peu de travail supplémentaire, Play Tonic réussit tout de même à offrir une prise en main agréable et réactive. Le duo se manie facilement, mais certains frames d'animation continuent jusqu'au bout de l'aventure de semer le doute par moments. Rien de grave, ni de frustrant, dans la mesure où l'aventure délaisse volontiers le système de vies de l'ancien monde, pour simplement vous sanctionner avec une perte de plumes, qui dont ici office de monnaie d'échange. Super Mario Odyssey est passé par là, et on ne peut que saluer le choix de game design. Sauf qu'à la fin, ce sont bien les Soldabeilles qui feront office de points de vie dans le marathon final, et c'est les influences sont donc ici à chercher du côté de The End is Nigh, à n'ne point douter.

En revanche, les ennemis rencontrés par centaines ont visiblement été torchés en deux coups de cuillère à pot, tant leur look s'avère d'une banalité confondante. Pour arriver au niveau des Kremlings, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir... Heureusement, les compositions signées d'un quatuor composé de David Wise, Grant Kirkhope, Dan Murdoch et Matt Griffin fait bien souvent des merveilles, recyclant les bonnes vieilles recettes dont on aura bientôt soupé, mais sortant également de leurs zones de confort respectives en tâtant du hang, comme avec Passage en Production ou l'éclate d'une guitare sèche virtuose sur Émeute Urbaine. De ce côté là, personne ne sera véritablement surpris, au vu du palmarès des zicos sus-cités.