Oubliez les survivalistes cintrés et les fous de Dieu. Aujourd'hui, le Montana a d'autres chats à fouetter. Cela fait 17 ans que le monde a été frappé par une catastrophe nucléaire. Rien n'a été épargné. Mais du désastre et des cendres est né un nouveau monde. Les animaux, quelque peu mutés, gambadent toujours aussi nombreux. La végétation a repris ses droits, la verdure et le rose ont envahi le paysage. Les rescapés tentent de rebâtir comme ils le peuvent. Il leur manque juste quelques connaissances. Un homme essaie de les regrouper : Thomas Rush. Avec une poignée d'experts, il traverse les États-Unis pour enseigner à différentes communautés la meilleure façon de générer de la croissance.

Malheureusement, dans ce futur post-apocalyptique bien tassé, les Ravageurs, pillards sans foi ni loi, viennent à la rencontre du train qui amène Rush à Hope County. Vous, chef de sa sécurité, ne pouvez empêcher le drame. Vous êtes le seul à en réchapper. Et vous voilà entre les mains bienveillantes de Carmina Rye, jeune femme qui vous amène au village de Prosperity. L'endroit est un havre de paix. Les enfants gambadent pendant qu'un joueur de guitare s'égosille sur le perron du bâtiment central. Il y a quelques infrastructures, un jardin... Régi par Kim Rye, Prosperity a besoin de votre aide. Doublement. D'une part, il faut réussir à recruter des spécialistes qui permettront de mieux se développer. De l'autre, faire reculer les Ravageurs, menés par les impitoyables jumelles Mickey et Lou.

Comme à la maison

On retrouve la formule de FPS en monde ouvert avec moult possibilités chère à la série. La map, bien que plus resserrée et condensée que celle de Far Cry 5, est évidemment familière. Vous reconnaîtrez de nombreux bâtiments et extérieurs visités dans la peau de l'adjoint du shérif local 17 ans auparavant. Des photos seront d'ailleurs là pour vous rappeler certaines choses. Mais tout est maintenant en ruines, sale. Un nouveau monde à la Mad Max où ce ne sont pas les allumés du Nouvel Eden qui menacent les routes, mais des gugusses encore plus violents vêtus de fringues de motard fluos. Et des bestioles (ours, carcajous et autres loups) qui ont l'air d'avoir mangé toutes les radiations.

Les activités locales pour gagner du terrain et des points de compétences diverses et fort utiles, qui popperont souvent en discutant avec des PNJ qui se ressemblent tous assez étrangement, n'ont presque pas bougé. Entre deux agressions aléatoires sur votre chemin, il y a des alliés potentiels à qui filer un coup de main pour qu'ils deviennent des accompagnants, chacun ayant ses spécialités, des caches où sont disposées de précieuses ressources et, vous vous en doutez, des avant-postes à conquérir. Du gunfight, des échappées, des courses et de la bonne humeur. Sans aucun changement autre que l'atmosphère générale ? Bien sûr que si.

Moins égale plus

Les bonnes gens d'Ubisoft Montréal ont eu envie, en plus de proposer des expéditions hors carte dépaysantes (à Alcatraz, ou encore en Floride), d'expérimenter quelques nouveautés typées RPG. Première d'entre elles : un système de niveau pour les ennemis. Quel que soit l'être vivant qui vous barre la route, il a un level. Et votre chance de le zigouillerdépendra de l'arme employée (ou de l'évolution du talent de meurtre furtif). Si vous disposez d'un arc de niveau 1 et que vous vous attaquez à des antagonistes plus aguerris, ce sera plus compliqué. Et motivant peut-être pour certains - bien qu'il soit toujours un peu spécial de voir qu'on peut, vers la fin, tuer quelqu'un en lui dégommant le lobe de l'oreille là où il résistait à 6 tirs de chevrotine en pleine tête dans les premières heures. Pas sûr que le public de Far Cry en raffole. Mais cela a au moins le mérite de rafraîchir. Et de vous forcer à looter un minimum, seul ou en coopération, pour sentir une réelle progression.

Vous devez ramasser tous les boulons et ressorts, toutes les plantes, toutes les viandes et peaux de bêtes. Cela vous permet de fabriquer des munitions, de vous refaire un arsenal... À condition d'avoir déniché les différents experts et mis un peu du vôtre pour que les ateliers de Prosperity évoluent. Et là, pas de secret : il est nécessaire de récupérer la ressource la plus précieuse : l'éthanol, qui permet de passer à la vitesse supérieure dans les domaines de la médecine, des explosifs, des véhicules terrestres et volants. Grâce à lui, on améliore aussi le rendement des mercenaires. Et on avance dans l'histoire principale. Des convois en transportent. Mais ce sont les avant-postes (une bonne dizaine en tout) qui, une fois conquis, en donnent le plus. Et pas qu'une fois.

Qui est sur la première base ?

Pour faire suffisamment de réserves, monter en assurance et aller au bout de la campagne proposée (qui dure entre 10 et 15 heures si vous ne comptez pas vous fader toutes les missions annexes) sans trop souffrir, notamment face à des boss redoutablement efficaces, il va falloir faire un choix pour chaque base adverse conquise. Laisser les lieux aux mains de la résistance, ce qui vous fait un point d'ancrage et de voyage rapide. Ou piller le reste d'éthanol avec retour des Ravageurs immédiat MAIS option reconquête pour encore plus de quantité de ce précieux liquide. Reste que c'est plus compliqué. Il y a davantage d'ennemis, d'un niveau plus élevé, qui ont eu la bonne idée d'installer plus d'alarmes pour appeler des renforts. Un nouveau challenge, donc, au prix d'un tantinet de répétitivité, pour ceux qui aiment les défis. Sauf qu'entre vos associés qui vous foutent en l'air votre mission parce qu'ils ont décidé de se mettre dans votre ligne de mire ou de sauter d'un véhicule en marche sans prévenir - voire simplement de s'arrêter-, les PNJ auxquels il faut s'adresser pour passer à la suite mais qui refusent sans raison, entraînant un redémarrage, les ennemis bêtes à manger du foin par le cul qui ne font attention à rien, demeurent statiques alors qu'ils se font avoiner dans un corps-à-corps risible et ont même la délicatesse de prendre leur temps pour sortir de voiture, on a bien du mal à vivre l'expérience de façon optimale.

Aube ou crépuscule ?

Ces problèmes de bugs récurrents et d'I.A. défaillante, Far Cry : New Dawn n'est pas le premier de la série à en avoir. Mais, tout en sachant qu'on peut quand même s'éclater comme des fous avec pas mal d'activités et une arme inédite, le lance-scies, dont les projectiles rebondissants amusent et aident, on les soulignera plus volontiers. Pourquoi ? Le traitement apporté à l'histoire et aux personnages. Là où le cinquième volet avait posé un univers plus qu'efficace et dressé face à nous un Joseph Seed fascinant, tout comme ses généraux, on n'a ici droit qu'à une galerie de personnages, amis comme ennemis, décaféinés, peu présents, peu convaincants. Les jumelles font vilains de série Z lambda. Les mercenaires, qui aiment répéter les mêmes répliques à quelques secondes d'intervalle ? En dehors de quelques blagues moyennes, pas de quoi s'attacher, même si l'on peut être heureux de retrouver de vieilles connaissances ou avoir un toutou trop mignon qui monte dans notre side-car. Globalement, le scénario et la mise en scène, avec des flashbacks supposés nous émouvoir, n'ont que peu de prise sur le joueur. Même le point d'accroche principal à Far Cry 5, censé nous faire vibrer et remettre un coup de mystique dans l'aventure (et dans le gameplay, mais chut), ne semble pas bien s'intégrer au tableau global. Reste alors un sentiment de frustration face à cette "suite", qui peut augurer du bon pour l'avenir sur certains aspects. À condition de soigner l'essentiel et de panser les plus grosses blessures.