Vous voilà dans la pénombre la plus complète. Ou presque. Face à vous, éclairant faiblement un petit périmètre, une dague lévite. Vous avancez vers elle, la main tendue, l'empoignez. Il fait à nouveau sombre. Puis, au loin, vous apercevez une une étrange colonne flottante assez morbide, entendez des sortes de râles sataniques. Des crânes humains géants, d'autres, tout aussi massifs et ornés de cornes de béliers, surgissent de l'objet flottant non identifié. Vous parvenez à vous défaire de quelques uns de ces étranges et bondissants assaillants, qui semblent aimantés par votre présence, à l'aide de lames rougeoyantes sortant de votre poing.

Mais trop tard. Votre vigilance a été trompée. D'autres menaces sont apparues et une touchette vous envoie ad patres. Et vous y retournez illico. Et ça continue, encore et encore, le bal des décès soudains, des créatures plus horribles les unes que les autres. Et vous ne pouvez, à chaque fois, que vous apitoyer sur votre temps de survie ridicule. Mais quelque chose vous pousse à retenter votre chance et à dépasser la peur que vous allez naturellement ressentir dès le début.

Il gèle en Enfer

Ce quelque chose, c'est la nécessité ressentie de se dépasser, de dépasser ses amis et, dans le cas où l'on ne doute de rien, de dépasser tous les joueurs de l'unique classement online. Parce qu'on le devine assez vite : il y a la place pour progresser dans ce FPS entêtant conçu par Sorath. Le principe est diablement simple : il faut survivre le plus longtemps possible - 500 secondes donne accès au seul succès Steam - dans une arène avec toujours plus de monstres, toujours plus costauds (cela va des simples crânes sus-cités à des araignées géantes en passant par des sortes de mille-pattes volants impressionnants), toujours plus nombreux, toujours plus mobiles.

Toujours plus. Tandis que vous ne disposez que d'un jet continu de dagues ou d'un tir éparpillé équivalent au fusil à pompe pas très efficaces. Il y a des possibilités d'évolution avec un peu plus de patate, un double-saut ou de la tête chercheuse, encore faudra-t-il aller assez loin. Et le soin apporté par les développeurs à certains éléments essentiels - dont une maniabilité des plus instinctives (restreinte au clavier + souris) autorisant des réflexes adéquats, une ambiance sonore ultra-travaillée (assez rétro et glauquissime) permettant de se sentir aware en toute circonstance et un retour à la case départ instantané, sans aucun délai d'attente - pousse au fameux : "Bon, allez une dernière".

One Vision

Si vous appartenez à cette catégorie de joueurs adorant se sentir débordé en permanence, se voir entrer dans la "Zone" et où l'instinct précède la pensée et le réflexe, jusqu'à tout faire basculer en une fraction de seconde comme dans un Quake ou le Doom d'origine, voire Hotline Miami, vous vous offrez avec Devil Daggers un ticket pour le Paradis, avec un goût d'enfer. La réalisation volontairement rétro et ultra pixellisée aura évidemment son importance pour que s'accomplisse pleinement le feeling années 90. Mais attention, sans acharnement, pas de plaisir.

Celui où celle qui persévère verra en chaque échec un bénéfice, une leçon. On apprend les sons, les mouvements, la gestion de l'espace (évidemment restreint), les points faibles. Jusqu'à se jeter un oeil sérieux à son temps (dont on peut suivre l'évolution en temps réel via le seul élément de HUD activable). Et se lancer dans des challenges personnels. Mais ça, c'est en cas d'adhérence au concept. Les moins enthousiastes et/ou les moins aguerris, eux, ne chercheront pas à comprendre et risquent surtout de retenir une espèce de bouillie de pixels limitée, au gameplay trop minimaliste, redondant, inutilement insurmontable et auquel il manque de quoi varier les plaisirs. Alors que se trouve là une petite perle hardcore qui risque de faire parler, et enrager, pendant un petit moment.