C'est l'histoire d'un môme qui atterrit par erreur dans une caverne où les monstres vivent enfermés depuis leur défaite dans la guerre qui les a opposés aux humains. Un bambin au t-shirt rayé que vous incarnez et qui va ne manifester, sans mot dire, qu'un seul désir : retrouver la surface et les siens. Evidemment, le chemin sera long et périlleux jusqu'à la barrière séparant les deux mondes. Voilà un pitch tout ce qu'il y a de plus bateau pour un jeu de rôle qui semble transpirer le classicisme par tous les pores de ses graphismes ère 8 bits. Et qui n'est pas sans faire songer à un autre titre rétro composé en solo ayant conquis le monde, un certain Cave Story. Comme cette "Histoire de la Caverne", le "Conte d'en-dessous" cache sous son apparence volontairement proche des Mother de Nintendo de quoi rivaliser en modernité avec les cadors actuels du genre. Cela en employant d'autres armes. D'ailleurs, des armes, UnderTale propose de ne pas en employer du tout.

Vraiment classique ?

Les premiers instants perturbent. On traverse de décors pas très engageants, les interruptions sont fréquentes dans la marche vers l'écran suivant. On a du mal à comprendre ce qu'on attend de nous. La figure protectrice qui nous avait pris sous son aile se met même à nous barrer la route alors que, quelques instants plus tôt, elle nous sauvait d'un agresseur déguisé. Ce n'est qu'après ce prologue un peu flottant que l'ensemble va commencer à prendre forme et révéler son potentiel. Dans les faits, on évolue dans un RPG en 2D où, entre les rencontres avec des personnages hauts en couleur et quelques casse-têtes, les affrontements aléatoires avec des bestioles au design étonnant rythment la progression du protagoniste. Il y a de l'expérience à gagner, du butin à récolter, des armes et armures à équiper. On peut la jouer "normalement", en faisant fi des mises en garde de la personne qui nous a recueilli. Mais tout de même, durant les combats, certaines fonctionnalités nous attirent.

L'âme de fond

Mais d'abord, décrivons ces rixes. Proposant du tour par tour et pouvant vous opposer à une ou plusieurs créatures, elles amènent une représentation étonnante lors des phases de défense. Vous prenez les commandes d'un coeur rouge symbolisant l'âme du héros, limité dans ses déplacements par un cadre dont la taille pourra varier selon les situations. Il sera question d'éviter les projectiles et autres types d'agression adverses. Et suivant ce que vous affronterez, les routines et règles appliquées à votre âme varieront grandement. Pour certains bestiaux plus importants, capables de modifier la teinte de votre curseur, la sensation shoot them up fera place à celle d'un jeu de plateforme ou encore de type Game & Watch. Certaines attaques demanderont la manipulation d'un bouclier dans la bonne direction, d'autres, de couleur bleue, l'immobilité la plus totale. Vous pourrez même récupérer de l'énergie avec des obstacles teintés de vert. La variété des mini-jeux avancés pendant les batailles constitue à coup sûr une parade de génie à la redondance et la monotonie inhérentes au genre. Voilà pour la défense. Et lorsque vient notre tour ?

Caisse d'épargne

C'est là la particularité la plus frappante d'UnderTale. Si l'on vous laisse la possibilité de taper, avec un petit jeu de précision pour des dommages accrus, d'utiliser des objets pour récupérer, il y a aussi ces deux onglets peu communs qui se présentent au bas de l'écran. Le premier, intitulé Act (agir) vous laisse le droit d'analyser un antagoniste mais surtout employer des actions contextuelles spécifiques. Ainsi, vous pourrez flatter, prendre dans vos bras, nettoyer, rassurer, séduire, choisir de ne pas toucher, motiver à faire des flexions, critiquer et j'en passe. Du relationnel en plein conflit, mais dans quel but ? Eh bien pour tenter de trouver une issue pacifique - qui vous rapporte un peu en or et rien en XP. En trouvant la bonne méthode (et certaines demandent de la persévérance) vous pourrez en venir à épargner l'ennemi dont le nom apparaîtra jauni dans la case Mercy (clémence). Et à force de croiser des personnages attachants, aussi drôles que touchants, vous en aurez envie, de toutes vos forces.

Human after all

Votre attitude façonnera votre aventure. Et la difficulté grimpante pourra probablement vous faire perdre de vue l'idée que rester une personne ne désirant pas verser le sang, c'est cool. Peut-être que, pour être sûr d'avancer dans le scénario, vous en viendrez à craquer et à taper dans le tas sans plus réfléchir. Des boss aux patterns un eu violents et qui semblent un peu trop repousser la fin de la lutte vous y pousseront. On ne veut pas connaître la frustration, c'est humain de chercher la facilité plutôt que de se surpasser. Le problème, ce sont les conséquences. Ne vous sentirez-vous pas sale de n'avoir pas exploré toutes les options en vue de fraterniser avec une créature toute mignonne au lieu de la déglinguer ? Elle qui a peut-être une famille, des amis, à la façon des hommes de main du Docteur Denfer dans Austin Powers ? Pensez-vous que le scénario et les individus croisés ne se souviendront pas de vos agissements ? Qu'ils omettront un coup porté au tout début de la partie dont vous n'aviez même pas le souvenir au moment de vous juger ? Le jeu se rappellera, y compris dans la partie suivante, que vous vous sentirez obligé d'accomplir pour avoir cette impression de connaître UnderTale sur le bout des doigts.

Merci pour ce moment

La réussite du RPG atypique de Toby Fox vient essentiellement de ses idées de gameplay, du fait que celui-ci va de pair avec la narration et qu'il amène le joueur à s'interroger fréquemment. Et pour parvenir à ce miracle vidéoludique, le développeur a tout simplement façonné un univers fantastique, soigné, détaillé - et bourré secrets que vous souhaiterez connaître. Certes, l'exécution n'a rien de divine en termes de réalisation, hormis du côté de la bande-son, magique. Mais même si l'on peut noter quelques bavures visuelles ou au niveau du tempo, il est difficile de ne pas saluer la puissance de l'expérience proposée. UnderTale, ce sont des rencontres avec des personnalités mémorables, des combats intenses, surprenants, ponctués de répliques qui font mouche. Des moments d'humour particulièrement probants mais aussi de véritables instants d'émotion, parfois larmoyants. Des références et hommages très réussis également. Et un quatrième mur dont il ne reste plus que quelques tas de poussière au terme des différents runs (comptez 6-7 heures la première fois, trois voies possibles). Bref, un RPG qui, sous ses atours nostalgiques, va de l'avant.