Ah, le fameux débat sur la notation des MMO. Tout est histoire de compromis. Une fois qu'on a établi que la note reflétait le jeu tel qu'il est à sa sortie, ce qu'il propose, et ses perspectives d'avenir, c'est plus facile à digérer. Et les titres « parc d'attractions » à la World of Warcraft tels que Rift ou The Old Republic aident pas mal : on comprend vite comment ça marche, on jauge correctement le contenu, on évalue sans trop de problèmes le potentiel sur un an ou plus. En ce qui concerne Wakfu... Comment dire ? Ce n'est pas votre MMO habituel, le Wakfu, oh non. Il navigue quelque part entre l'univers bac à sable et le gameplay parc d'attractions. Et en plus il faut le rejoindre à la nage, parce que les développeurs sont partis loiiiin, pfiouuu très loin.

Post Apocal'hips !

Mais trêve de comparaisons, faisons le tour du propriétaire. Wakfu est la suite de Dofus et, comme son grand frère, il offre un univers tout mignon et tout fou, avec un bon panel de classes de personnage et des combats en tour par tour. Par dessus cela, Ankama a décidé de mettre une dose de politique, d'écologie, et de voir un peu comment l'économie se débrouillerait si on la laissait toute seule. Le projet, au tout début, souhaitait abandonner entièrement le monde de Wakfu aux joueurs, sans aucun PNJ. Finalement, le résultat sera un peu plus classique et limité. L'univers est composé de quatre nations et d'une zone gratuite pour les débutants. Chaque nation est à son tour divisée en territoires, chacun comportant ses propres besoins écologiques, avec un PNJ qui annonce régulièrement les déséquilibres. Toutes ces zones sont peuplées très densément de joueurs qui traînent, discutent, tuent les monstres & animaux du cru, plantent, récoltent, commercent, etc. Quelques quartiers urbains viennent se greffer ici et là, et on y trouve des ateliers d'artisanat (en tout cas, plus que dans la nature).

Le monde à l'envers

Le monde de Wakfu propose donc 12 classes, et chacune offre un gameplay vraiment très spécifique. Eniripsa, Enutrof, Xelor, Féca, Sadida... De l'eau va passer sous les ponts avant que vous ne les connaissiez toutes suffisamment. Et c'est pourtant nécessaire pour jouer correctement en groupe. J'ai choisi l'archer Crâ et je dispose donc de 15 sorts répartis sur trois des éléments (en l'occurrence, air, feu et terre). Ces attaques se débloquent puis progressent lorsqu'on les utilise ; elles ont leur propre barres d'XP. Les combats rapportent de l'expérience et le gain de niveau vous permet de dépenser quelques points dans les caractéristiques générales de votre personnage, mais aussi dans un panel de compétences toutes plus utiles les unes que les autres. C'est surtout là que vous définirez votre perso en tant que combattant. Et c'est souvent un sacré dilemme. Il y a divers moyens de se spécialiser, que ce soit dans un élément ou dans une combo de compétences...

Faune qui peut

Côté action, les bestioles se baladent seules, ou plus souvent en groupe à peu près partout à travers les différentes cartes. Lorsque vous attaquez, ou si vous êtes agressé, le jeu crée un terrain limité en instance et qui exclut le reste du monde autour, sauf vous, vos alliés et l'ennemi. L'affrontement se déroule ensuite au tour par tour, avec des points de mouvements et des points d'actions à dépenser, ainsi que des points de Wakfu pour les sorts balèzes. À vous de gérer comme il vous plaît, mais il faut parfois changer de stratégie, car les monstres déploient des tactiques et des capacités spéciales assez variées. Il est conseillé de se frotter à un peu tout ce qui bouge pour apprendre rapidement les diverses possibilités. Très tôt dans le jeu, vous aurez débloqué toutes les attaques de votre classe, mais les combats ne sont que rarement ennuyeux ou longuets, car les situations changent régulièrement. D'ailleurs, vous aurez des bonus si vous agissez vite à votre tour.

Dématérialisation forcée

En plus de l'expérience personnelle et l'amélioration de vos sorts, le combat vous mettra face à un tas de butin très hétéroclite : n'importe quel mob peut lâcher des pièces d'armures, des armes, des clés pour entrer dans les donjons de la zone, et diverses ressources d'artisanat plus ou moins rare. Il faut savoir que la gestion de l'inventaire est très difficile dans Wakfu. Le commerce aussi. Vous possédez une toute petite banque dans votre havre sac, qui est votre maison portative, et vous pouvez stocker quelques bricoles dans les présentoirs qui servent normalement à ouvrir une boutique. Mais l'un dans l'autre, vous finirez pas jeter pas mal de matos, que personne ne pourra ou voudra vous acheter. On le verra plus tard, l'économie est encore un peu à la ramasse. Il est tout de même dommage que l'on ne puisse pas déconstruire des objets, pour récupérer ne serait-ce que quelques ressources, ça aurait déjà été moins frustrant.

Rome, en trois jours chrono

En plus, des trucs et des bidules à stocker, vous allez en avoir si vous voulez vous lancer dans l'artisanat. Il existe six métiers de récolte dans Wakfu, et dix métiers de production qui utilisent à des matériaux très divers, trouvés dans la nature ou sur les monstres, avec une différence s'ils sont vivants ou morts. Vous n'avez pas de limite à ce que vous pouvez apprendre alors profitez-en ! Seulement, bon courage pour vous organiser, surtout avec le peu de place dans votre sac. Bon à savoir : chaque nation possède ses artisanats de prédilection. Ce sont ceux que vous rencontrerez rapidement en début de jeu, après avoir choisi quel pays vous rejoindrez. Mais n'hésitez pas à parcourir les territoires plus hauts niveaux pour trouver les PNJ qui vous apprendront tous les métiers. De toute façon, on passe son temps à courir dans ce jeu. Fouillez partout, regardez, analysez : vous aurez une meilleure vue d'ensemble.

Bonus vert

Concernant la récolte, vous aurez aussi à surveiller l'écologie de chaque territoire, car vous pourriez mettre le dawa pour tout le monde si vous coupez trop d'arbres ou si réintroduisez trop de Bouftous dans les champs. Dans les zones bas niveaux, c'est assez simple : un seul élément est à prendre en compte et le reste n'est pas important. Enfin, ce n'est pas une raison pour faire n'importe quoi, mais ça n'affectera pas le bonus général offert à votre nation par le PNJ content de son champ. Par exemple, il faut entre 150 et 200 Bouftou. Et les Bouftous, il y a un paquet de monde qui les bute. Il faut donc récolter de la semence de Bouftou et les « planter » pour en faire réapparaître. S'il y en a trop, c'est que les chasseurs sont partis pioncer : il faut éliminer ! Dans les zones plus balèzes, ça devient compliqué, avec des exigences sur deux trois, ou tous les éléments de l'écologie (arbres, fleurs, animaux, etc.) Si vous faites n'importe quoi, vous vous retrouverez même avec de sévères pénalités, surtout si les problèmes se cumulent sur plusieurs zones ! C'est comme cela que l'on voit ses dégâts et ses points de vie fluctuer de façon notable, selon le bilan vert national.

Élection 2012

L'écologie et bien d'autres choses peuvent être manipulées par la politique. Là encore, un gros morceau d'innovation introduit par Ankama, mais dont il est très difficile d'évaluer les implications. Chaque citoyen vote pour un gouverneur dans sa nation. Ce dernier nomme un gouvernement, et promulgue des lois. Pour l'instant, tout cela se met un peu en place, et c'est assez difficile de savoir ce qui est fait ou pas fait. Une fois que les grosses guildes seront bien assises sur chaque territoire, on verra sûrement apparaître des tensions plus fortes et de gros changements dans les lois, histoire de favoriser un groupe de personne tout en évitant de se mettre le peuple à dos. Car comme d'hab' avec le pouvoir, c'est souvent une histoire de s'en mettre plein les fouilles le plus longtemps possible.

Anti MMO solo

Tout cela est bien compliqué et vous allez grave galérer en début d'aventure, surtout si vous n'êtes pas non plus spécialement habitué à Dofus. Ankama ne viendra pas vous prendre par la main pour vous expliquer le jeu, ils ont plutôt tendance à vous l'écraser à coup de talon aiguille avant de filer un coup de genou dans la tronche pour finir par vous rouer de coups au sol. Mais avec un peu de volonté, on se relève et l'on finit par comprendre les gros et les petits rouages de Wakfu. Monter en puissance c'est pas désagréable du tout, et si vous aimez l'artisanat, vous risquez de ne plus savoir où donner de la tête. Bien entendu, Wakfu est très communautaire : il faudra trouver une guilde, choisir une nation et gagner le minimum de points de citoyenneté pour participer un peu à la vie de votre territoire. Inutile de rester dans la zone gratuite de débutant, elle est bien trop petite et restreinte. Wakfu n'est clairement pas un F2P ou un Freemium, c'est vraiment un jeu à abonnement. Heureusement, il n'est pas cher. Notons tout de même que la boutique virtuelle vend des armes spéciales (faibles, mais évolutives), et j'ai du mal à comprendre pourquoi Ankama a pris le risque de se mettre à dos la communauté pour une poignée d'objets qui ne sont certainement pas les bienvenus.

La crise du Kama

À part ce point noir, les soucis que l'on rencontre en ce moment sont surtout liés à l'économie, puisque les kamas sont très rares dans le jeu. Cette monnaie est le fruit d'un travail d'artisanat comme les autres, et elle n'est pas encore très commune. Le métal qui sert à sa fabrication est convoité par d'autres producteurs, et ceux qui frappent effectivement des kamas les gardent pour eux en général. Le commerce se fait donc surtout via le troc. Il faut connaître les besoins de chacun, la valeur de ses ressources, la rareté des objets récupérés, etc. On se croirait revenu aux méthodes d'Everquest premier du nom, et je sais bien que ça pourrait en attirer plus d'un.

Wakfutur

Wakfu devrait vite s'animer avec des guerres entre nations, des guildes de hors la loi, des razzias anti écologiques (j'ai moi-même pillé les réserves de bois des voisins sans aucun égard pour leur écologie avant de rentrer chez moi), et tout un tas de trucs roleplay. Et au-delà ? C'est un peu flou... on peut se dire : à quoi bon tout ce bordel ? À quoi ça sert ? Est-ce que le jeu ne va pas tourner en rond ? Mais c'est aussi ce qu'on pourrait se demander pour EVE Online, et pourtant, cela fait des années que le jeu prospère. Wakfu suivra-t-il la même voie ? Va-t-on vivre de grand moment de Drama, avec des infiltrations, des trahisons, des arnaques, des retournements de situation ? C'est tout le bien que l'on souhaite au jeu.

Respirez une rose

Quoiqu'il arrive, on ne s'ennuie pas dans Wakfu. Vous pourrez être frustré parce que ce que vous vouliez faire ne marche pas bien pour l'instant, ou pas du tout, ou vous n'avez pas compris encore comment le faire. Comme dirait Maëtel de la Guilde La Communauté du Croton que j'ai rejoint : "Après tout, après quatre ans de bêta, on est encore là." Il faut aborder ce nouveau MMO de manière très zen, en mode explorateur. Tout est en train de se mettre en place, et en soi c'est déjà intéressant. Il s'avère aussi très agréable de découvrir l'univers loufoque de Wakfu, si on n'est pas trop allergiques aux jeux de mots d'Ankama. C'est vraiment très joli et super bien animé, avec de belles musiques par dessus : on a presque envie de s'asseoir avec une bière et de regarder pousser les fleurs (c'est ce qu'on fait souvent d'ailleurs.)

Alors, comment noter Wakfu ? Personnellement je suis dans le flou rien que pour le contenu actuel, alors les perspectives sur l'année... Mais si on prend comme critères la folie, les risques, l'envie d'innovation et la taille des testicules nécessaires pour sortir un MMO pareil, alors Wakfu ne peut qu'être récompensé d'un bon 4/5. Comme Rift, comme The Old Republic, voici un titre qui n'est pas exempt de défauts, mais reste sûr de trouver un public. Je vous recommande d'essayer pour voir à quel point vous accrochez, la zone de n00bs est là pour ça. Longue vie a Wakfu, en espérant qu'Ankama ne casse pas son jouet en tentant de l'améliorer.