Si vous n'avez rien compris à l'introduction de ce texte, faudra vous y habituer pour jouer à Total War : Shogun 2, car comme pour toutes les autres créations de The Creative Assembly, son gameplay, c'est du japonais. Laissez-moi vous placer le contexte de ce test : pas énormément de temps, une grosse grippe et une inexpérience des titres Total War. Mais je reconnais leur valeur tout en étant bien entouré en conseillers, je me suis donc dit qu'aborder ce type de jeu sans parler uniquement aux fans qui connaissent la licence par cœur apporterait un peu de fraîcheur. Oh, j'aurais pu m'amuser une vingtaine de tours et faire un papier consensuel, mais comme je suis maso, j'ai terminé la première campagne et je l'ai même gagnée, ce qui était totalement improbable ! Du coup, je vais vous filer quelques précieux conseils avant que vous ne vous lanciez dans l'aventure.

N'ayez pas peur !

D'abord, qu'est-ce qu'un Total War ? C'est un jeu de stratégie à deux niveaux. Le premier est global : vous devez conquérir des territoires, ici les provinces du Japon de l'ère Sengoku durant laquelle une poignée de clans ont décidé que le Shogun actuel était has been et qu'ils prendraient bien sa place. Rien de tel qu'un bon bain de sang pour unifier un pays. Je choisis de commencer par le plus aisé, avec les Chosokabe, un peuple de pêcheurs de baleine habitant le sud de l'île Shikoku et possédant d'excellents archers ainsi que des facilités de commerce avec l'occident. En tant que Daimyo de mon clan, je dois nommer des généraux, ou diriger ma propre armée en prenant des risques, gérer la diplomatie, construire et consolider chaque province conquise en m'assurant de leur bien-être économique (nourriture, croissance, taxes) et social (répression, religion), découvrir de nouveaux « arts » (civiques ou militaires), faire travailler mes agents (ninjas, moines, justiciers « Metsuke »), établir des liens commerciaux, des alliances, etc. Du boulot, il y en a, et il faudra être présent sur tous les fronts parce que l'IA ne fera pas de cadeau.

IA du niveau

L'autre aspect, c'est bien entendu les combats tactiques en temps réel qui vous placent sur le terrain avec des corps d'armée à ordonner. Si vous êtes sûr que votre force va écraser l'ennemi (le jeu vous donne une bonne indication), vous pouvez laisser l'IA déterminer automatiquement l'issue de l'affrontement. Mais en cas de doute, il est plus que conseillé de contrôler vos troupes vous même (si vous n'êtes pas une quiche). Et c'est souvent le cas, parce que vous aurez rarement le loisir de faire joujou avec les dites forces écrasantes... Ensuite, tout dépend des unités placées sur le terrain (et du terrain, si vous êtes malins) : l'exemple de rapport de force le plus connu est le lancier contre le cavalier. Mais si vous espérez qu'une charge de cavaliers ennemie va venir s'écraser sur votre défense piquante à tous les coups, vous vous fourrez le yubi dans le me jusqu'au hiji. Ça arrive dans le tutorial, à la rigueur. Ensuite, l'IA a tôt fait de vous feinter pour foncer sur un autre groupe, les archers par exemple, avec moins d'impact certes, mais plus de dégâts. Et des unités il y en a à foison. C'en est presque effrayant. On se prend à rêver à la victoire parfaite, quand après avoir patiemment espionné les forces adverses et assassiné un des généraux pour le coup de pouce, on l'attaque exactement sur le bon terrain avec les bonnes unités, en sous-nombre certes, mais ce n'est pas grave, parce qu'ils vont morfler. C'est ça, la quintessence du plaisir d'un Total War. Et The Creative Assembly vous donne de quoi y parvenir. En masse.

La chasse au bonus

J'avoue, j'ai un peu fait un peu n'importe quoi pour ma première partie. Et j'ai quand même gagné, attendez que je vous raconte ! Non, en fait, pour ma seconde partie. La première s'est terminée à la deuxième saison (un tour, une saison) quand mon Daimyo s'est fait buter par le clan d'à côté alors que je chassais quelques rebelles ailleurs. Ça ne rigole pas, je vous dis. Bref, faire n'imp', c'est construire sans trop faire attention aux priorités, c'est négliger sa force maritime. Mais aussi faire évoluer ses généraux et ses agents sans vraiment les rendre complémentaires, ou encore choisir les « arts » à apprendre au petit bonheur la chance. Pour ma défense, il y a un nombre incroyable de facteurs à gérer. Finalement le but du jeu est de connaître le gameplay par cœur pour additionner tous ces petits bonus qu'apporte chaque élément, afin de s'en servir à bon escient. C'est très très difficile, d'autant plus que Total War : Shogun 2 est aussi opaque qu'une soupe aux algues.

Débrouillez-vous

Il me semble que The Creative Assembly avait tenté de s'ouvrir un peu plus au large public. Avec ce dernier titre, n'espérez aucune aide de leur part. L'encyclopédie ingame fait le strict minimum, sauf pour les cours d'Histoire, le tutorial est ridicule et même des mécanismes de gameplay nouveaux et importants sont à peine survolés. C'est le cas de la réputation de votre clan. Soyez attentif, je vais vous raconter mes malheurs. Je suis revenu deux fois loin en arrière durant ma partie (sauvegardez souvent !). Une fois à cause d'un gros problème économique qui m'a fait changer d'orientation stratégique, et ensuite parce que j'avais provoqué l'ire du Shogun. C'est ce qui arrive quand on capture trop de provinces : on devient « légendaire ». Le pouvoir en place se réveille, s'inquiète et vous certifie 100% hors-la-loi. Et le reste du pays vous déclare la guerre. Même les clans alliés, avec qui vous commercez depuis des lustres... tous. C'est la fin du monde : la « division du pays ».

On appelle ça du réalisme punitif

Me voilà ainsi avec une sauvegarde où mon Daimyo est à deux doigts de devenir l'ennemi public n°1 et cherchant en vain des solutions pour descendre ma réputation. Le jeu indique « certains facteurs »pouvant réduire, mais alors lesquels ? En pillant une ville au lieu de l'occuper pacifiquement, je perds un peu d'honneur et quelques points de réputation, mais c'est négligeable. Il me reste quelques années en jeu pour conquérir la seconde moitié des provinces nécessaires pour gagner la campagne (j'en possède 10 sur 25). C'est pas possible, j'ai raté un truc. Je chouine quelques saisons de plus, durant une période de paix qui me permet de devenir très riche, mais déprimé à l'idée d'atteindre la date butoir, coincé comme un rat. Et là je me dis : quand est-ce que le shogun ne peut pas me déclarer rebelle ? Quand c'est moi le shogun ! À vrai dire, je croyais que le fait d'envahir la province de Kyoto, siège du pouvoir, déclencherait tout autant une « division du pays », mais non ! Certes, les relations diplomatiques avec tous les autres clans se refroidissent gravement, mais la guerre est évitable. Et ça, ce n'était pas très bien expliqué, môssieur Creative Assembly.

En même temps, c'était logique

Pour devenir Shogun à votre tour (reconnu par l'Empereur), il faut tenir la ville de Kyoto pendant quatre tours, à la suite de quoi les relations peuvent se tendre encore plus selon la loyauté des autres clans avec l'ancien Boss. Entre temps, à vous de travailler diplomatiquement pour remonter votre standing, à coup de cadeaux sonnants et trébuchants par exemple. De mon côté, j'étais bien content d'avoir stocké un beau petit trésor ! Ensuite j'ai rushé pour conquérir les dernières provinces, provoquant rapidement une succession de guerres et de trahisons d'alliance fort chaotiques. Plusieurs fois j'ai cru que c'était mort pour ma pomme : lorsque l'ennemi contre attaquait ou, pire, quand le blocus d'un des mes ports a failli me ruiner. J'ai dû sacrifier toute ma maigre flotte pour en venir à bout. Et au final, la dernière saison de la dernière année, mon armée est entrée dans le château de la dernière province du quota. J'en aurais pleuré. Ensuite je suis allé me coucher avec 40° de fièvre.

Communauté Gameblog Banzai !

Côté multijoueur, Total War : Shogun 2 se focalise sur les batailles en temps réel, en proposant de nombreux modes via Steam (haters gonna hate). Vous pourrez retrouver des amis et lancer des escarmouches paramétrées selon votre bon plaisir. Mais aussi vous investir dans une campagne aux allures stratégiques durant laquelle vous ferez évoluer votre propre avatar Daimyo. Il s'agit d'une conquête light que je n'ai pas pu essayer (je n'ai pas d'amis testeurs de Shogun 2 en ce moment) donc je ne m'étalerai pas dessus. Enfin, les batailles Drop-in sont de retour, ce qui vous permet, pendant la campagne solo, de rejoindre ou de laisser rejoindre quelqu'un le temps d'un combat. Une option fort utile pour ceux qui aiment remplacer une IA un peu prévisible par un être humain toujours plein de surprises. Nul doute que de gros efforts ont été faits du côté multi par The Creative Assembly, mais quand même, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils auraient pu faire mieux encore (une vraie campagne multi ? Oh la folie...)

Dis-moi des choses !

C'est aussi vrai pour le reste du jeu, qui n'est pas exempt de défauts. Déjà, l'interface est bien jolie, mais on aurait aimé un peu plus d'informations sur les troupes et les agents par exemple : savoir s'ils sont en vadrouille dans la campagne ou en activité dans une ville, c'est pratique quand on en a un paquet à surveiller. La sélection n'est pas toujours aisée et on fait parfois des erreurs en sortant une armée entière d'une ville alors qu'on voulait juste bouger un agent (ça peut être dramatique...). Contrairement à un Civilization, Shogun 2 ne nous aide pas trop à gérer de nombreuses unités et on en oublie souvent une ou deux durant un tour. D'une manière générale, comme je l'ai dit, un peu plus de clarté dans les mécanismes n'aurait pas fait de mal. Sinon, les musiques japonisantes sont très agréables bien qu'un peu saoulantes à cause du manque de variété et le jeu n'est vraiment beau qu'en qualité haute. En moyen, c'est encore potable, mais en qualité basse on est pas loin du look de Shogun 1. Espérons que vous ayez une bonne machine...

C'est pas fini ! (le jeu)

Il y a dans tout cela un certain nombre de choses qui j'espère pourront être corrigées / améliorées avec des patchs. Et même dès la sortie, car cette version review faisait un peu flipper parfois. Optimiser les temps de chargement ne ferait pas de mal, et parlons aussi des bugs. Celui qui remet à zéro les conseils à chaque lancement du jeu est irritant au possible, mais inoffensif. En revanche, je me suis retrouvé plusieurs fois avec des unités complètement bloquées et inutilisables. La première fois, je pense qu'une ville a grandi à côté d'un ninja et ça a dû le faire planter. J'ai pu le récupérer quand un Metsuke adverse l'a finalement mis en prison pour le relâcher quelques tours plus tard. La seconde fois c'est toute une armée et deux agents qui se sont retrouvés bloqués sur une plage parce qu'ils s'étaient empilés les uns sur les autres en sortant d'un bateau (rien de graveleux). J'avais perdu espoir lorsqu'un jour, l'armée s'est carrément téléportée sur un de mes territoires au hasard. OK... Ça sera probablement pas un souci dans le jeu final, mais mieux vaut prévenir que guérir, soyez prudents quand vous débarquez vos unités.

Vous vouliez savoir si Total War : Shogun 2 est accessible à monsieur tout le monde ? Maintenant vous savez : oui. Si monsieur tout le monde est un peu maso et aime apprendre dans la douleur. Les fans de la série vont s'en donner à cœur joie, même s'ils retrouveront ce petit côté brouillon dans la prise en main qui peut agacer sur la longueur (et les campagnes sont looooongues). Certaines innovations, comme la capture de positions clefs durant l'attaque des châteaux m'ont laissé perplexe, tout comme l'utilité des troupes ninjas, mais l'hyper spécialisation de quelques nouvelles unités est difficile à tester. Et je pourrai continuer encore des pages sur un tas de trucs, ce qui montre bien la richesse de Shogun 2, mais je me contenterai de vous dire : vous n'avez qu'à y jouer ! Car en matière de stratégie sur PC, et malgré ses écueils, il reste un titre riche, pointu, et soutenu par onze ans d'expérience à la barre d'une série rodée et incontournable pour les amateurs du genre.