Seulement Chronicles of Riddick (tCoR) est plus ou moins passé inaperçu en son temps. Du coup, beaucoup de joueurs ignorants du précédent établi découvrent avec The Darkness l'orientation qu'a choisie Starbreeze, studio suédois qui ne manque pas de talents. Pour ma part, avec le souvenir encore vivace de la maestria de tCoR, je suis plus réservé sur ce nouveau titre, qui ne manque certes pas de qualités (déjà présentes dans tCoR), mais pas non plus de défauts (qui, eux, n'y étaient pas).

Le meilleur cotoie le moins bon

Finalement, The Darkness est à l'image de son héros. Torturé entre vices et vertus, soutenu mais aussi dévoré par ses ombres... Une dualité qu'on retrouve jusque dans le gameplay. Adaptée de son comic dispensable, la version ludique de Jackie, retravaillée par le savoir-faire narratif de Starbreeze, offre bien des charmes, mais peine à faire oublier des faiblesses dont le Vin Diesel 3D de Riddick ne souffrait pas. Et je ne parle évidemment pas ici des personnages en eux-mêmes, mais bel et bien du périple qu'ils ont à nous offrir. Dans le cas de The Darkness, il s'agit d'un plongeon au sein d'une pègre Scorcesienne dans un New York crade, sombre et oppressant - le tout saupoudré d'un fantastique aux relents gore, autour du démon Darkness dont Jackie Estecado est l'hôte.

Gothic punk

Histoire et ambiance de The Darkness rappellent fortement les univers de The Crow, ou encore du jeu de rôle Vampire : la Mascarade. Modernité et anciens mythes, fantastique et héros torturés, démons, ténèbres et sacrifices composent l'essentiel d'un mélange mature dans lequel on plonge avec ravissement après une partie de Mario Party 8. La présence de mini-quêtes (essentiellement pour débloquer des bonus), et l'architecture en étoile des niveaux autour des deux stations de métro, offre un côté aventure vraiment agréable, mais beaucoup moins immersif que celui de Riddick (les scènes en taule, mémorables). Les rues trop désertes, et les quêtes souvent trop simples (une ou deux étapes bouclées en 2 minutes), le manque de puzzles ou de mini embranchements ne fait pas oublier la linéarité de l'aventure autant que dans Riddick. On s'y colle néanmoins avec un plaisir indéniable, collectionnant les numéros de téléphone pour débloquer les bonus, cherchant les éléments cachés, zappant les programmes sur un poste télé, tout en se délectant de clins d'oeils variés (des affiches rappelant Hitman, le répondeur d'un joueur de MMO hurlant "Pour les Forces Alliées !" et convoitant du "loot épique"), d'un humour noir ou absurde, et de moult détails d'un travail incontestablement passionné sur une narration interactive exemplaire.

Le souci du détail, des détails en défauts

Une ambiance merveilleusement retranscrite par un souci du détail bien trop peu commun en jeu vidéo, avec toute la superbe d'une maturité violente, tant graphiquement qu'au niveau des doublages, magistralement interprêtés en V.O. par de grands noms comme Mike Patton (la voix du Darkness), Kirk Acevedo (Jackie) ou Lauren Ambrose (Jenny), c'est bien. Mais ça ne fait pas tout. Quand on en vient au gameplay lui même, le tableau souffre de certaines ombres. D'abord, pour un FPS, on ne peut qu'être déçu par l'IA inexistante des ennemis. Certes, ils sont horrifiés par la vision du Darkness et de ses tentacules, mais ce qui aurait pu être des gunfights intéressants, un 9mm dans chaque main, devient vite un massacre pur et simple grâce au pouvoir de l'Ombre Rampante (un tentacule capable de se déplacer sur toute surface, discrètement, qu'on dirige en vue subjective). Et ce, dès le premier niveau. Les Darklings, ces diablotins à invoquer, sont des crétins finis, dont on préférera se passer, bien souvent, plutôt que de tenter des plombes de les envoyer sans succès où l'on veut avec le bouton X. Scène après scène, on enchaîne des combats qui sont vite expédiés, et manquent un peu de saveur, tant le jeu oublie d'exploiter un moteur physique pourtant présent, la faute souvent à des pouvoirs du Darkness aux mécaniques perfectibles (difficile de projetter des voitures efficacement avec le Tentacule d'Ombre, ou de naviguer facilement avec l'Ombre Rampante). Une fois encore, cela reste assez jouissif de se retrouver dans la peau d'un Evil Badass, et l'enveloppe technique de qualité comme l'ambiance suffisent à offrir une expérience bien meilleure que dans 80% de la production FPS console, trop classique, mais j'imagine que je suis un peu déçu. J'en attendais plus de la part de Starbreeze, qui était parvenu à un tel équilibre avec Riddick qu'ils en inauguraient presque une nouvelle catégorie de FPS.

Moins bon que son ancêtre

Riddick avait, lui, une base FPS réussie. Il offrait un ensemble plus homogène de mécaniques mieux implémentées. Par dessus s'ajoutait ce talent indéniable de la narration et de la mise en scène que cultive Starbreeze, des scènes variées et un côté aventure beaucoup plus valable. The Darkness reste un très bon titre, mais ce qui était la cerise sur le gâteau tCoR constitue cette fois l'essentiel du gâteau The Darkness, la génoise FPS étant moins réussie ; dommage pour une base nécessaire. Le titre est outrageusement facile (en moyen), et s'il reste un exemple à suivre pour de nombreux game designers à bien des égards, la formule reste moins bien maîtrisée cette fois. Reste un jeu qui sera probablement une expérience inoubliable pour ceux qui ne sont pas passés par la case tCoR, en attendant son remake annoncé, et qui fait tout de même partie du meilleur de la ludothèque 360 cette année, même pour les autres. Et puis quand un jeu présente des qualités si rares chez ses camarades, il faut savoir se montrer tolérant sur ses défauts... même celui d'un mode multi complètement anecdotique, que je maudis personnellement tant je suis persuadé que sans lui, le solo aurait pu toucher la perfection de celui de Riddick.

N.B. : récap' des vidéos parues sur Gameblog - multijoueurs, solo 1, solo 2, trous noirs, tentacules, la toute première scène du tunnel -