En préambule de ce test, une petite mise en contexte s’impose. J’ai personnellement découvert la licence Shinobi avec les deuxième et troisième opus sur Mega Drive. Ces deux titres ont bercé ma tendre enfance et ont grandement contribué à ma fascination pour les jeux d’action et le mythe du ninja tel qu’on le connaît dans la pop-culture. Malheureusement, cette licence de cœur a ensuite longtemps disparu des radars. En découvrant l’annonce de Shinobi Art of Vengeance par Lizardcube, et compte tenu de la superbe lettre d’amour qu’était Streets of Rage 4, une autre licence iconique de SEGA, dire que j’étais excité à l’idée de retrouver Joe Musashi est un euphémisme. Dans les grandes lignes, j’ai le plaisir de dire que le ninja légendaire ressort de l’ombre dans une magnifique forme olympique, malgré quelques shurikens qui ne touchent pas parfaitement leur cible. Passons ensemble tout cela au fil du katana

Shinobi : l’art de la vengeance et de la résurrection qui déboîte la mâchoire

Shinobi Art of Vengeance test

Après de très longues années d’absence, Shinobi Art of Vengeance nous permet ainsi de retrouver ce bon vieux Joe Musashi, qui a profité d’une retraite bien méritée pour faire prospérer son clan Oboro. Au début du jeu, on le voit couler des jours heureux avec sa compagne enceinte d’un garçon, dans un paysage rendu en 2D avec des décors d’une beauté époustouflante, qu’on croirait dessinés à la main. D’emblée, Lizardcube nous assène encore une claque artistique et visuelle magistrale, avec une belle adaptation du style adopté sur Streets of Rage 4. Si l’ensemble offre une patte « cartoonesque » très colorée qui dénote avec l’approche plus « réaliste » et crue des jeux originaux de la franchise de SEGA, force est de constater que, sur ce point, Shinobi Art of Vengeance est une véritable œuvre d’art, du début jusqu’à la fin du jeu, avec en prime des environnements agréablement variés, d’un village traditionnel à un laboratoire secret bien glauque en passant par une ville typée cyberpunk ou un port, pour n’en citer que quelques-uns. Et ce avec une fluidité parfaite, tant sur mon PC que sur mon Steam Deck, sur lequel le titre tourne à merveille, pour le plus grand bonheur des possesseurs d’appareils similaires. Il s’agit clairement d’une excellente manière de dévorer ce jeu très peu gourmand en ressources et en espace-disque (environ 10 Go).

Le prologue de Shinobi Art of Vengeance va toutefois mettre abruptement fin à ce moment de quiétude pour notre héros, histoire de justifier son titre. Dans le reste du monde, un certain général Ruse, doté de pouvoirs surnaturels, sème en effet la terreur et la mort. La seule menace restant l'empêchant de régner sans partage sur la Terre n’était autre que Joe Musashi, maître du clan Oboro. Dans une offensive dévastatrice, le grand méchant du jeu va donc décimer tous nos apprentis, pour ensuite essayer d'assassiner notre protagoniste. Celui-ci ne va cependant pas se laisser faire, et va ainsi partir dans une croisade vengeresse contre celui qui a mis sa famille et sa patrie à feu et à sang. Même si on attend pas forcément un jeu Shinobi sur son scénario, celui de Art of Vengeance a le mérite d’être convaincant, quoique convenu, et avec ceci dit quelques belles fulgurances. On saluera par ailleurs un doublage très compétent, tant en anglais qu’en japonais. Pas de version française des dialogues à signaler malheureusement, malgré la nationalité du studio derrière le titre. Il faudra sur ce point se contenter du texte de l’interface et des sous-titres. 

shinobi test

Outre le scénario, quid alors du gameplay de Shinobi Art of Vengeance, la clé de voûte de cette licence prenant historiquement la forme d’un jeu d’action-plateforme en 2D ? Là encore, d’entrée de jeu et jusqu’à la fin de l’aventure, j’ai le plaisir de rapporter que Lizardcube a rendu un magnifique hommage à l’esprit original de la franchise. Joe Musashi est en effet un véritable bonheur à contrôler manette en main (le clavier/souris n’est hélas clairement pas adapté pour ce genre de jeu). Il répond au doigt et à l’œil à des commandes très ergonomiques, tant dans les phases de plateforme classiques que dans des combats absolument jouissifs. Trucider des adversaires globalement plutôt variés, mais avec de nombreuses redites et variantes plus dangereuses au fil de l’aventure et des boss épiques et uniques (mais plutôt faciles à battre) est en effet un défouloir proprement jouissif, avec des animations ultra pêchues et une panoplie de coups qui ne cesse de s’améliorer au fil du temps. 

Lizardcube pousse l’hommage jusqu’au bout, avec diverses phases emblématiques de la franchise, comme des passages en monture ou en surf, ainsi que des phases de plateforme de type course-poursuite ou des chutes de rocher en scrolling horizontal et vertical, entre autres exemples. Les vieux fans de Shinobi comme moi seront donc aux anges avec Art of Vengeance, qui se présente dans l’ensemble comme un excellent jeu d’action-plateforme en 2D entre tradition et modernité, avec un habile équilibre d’une difficulté montant progressivement au fil des niveaux, en tout cas avec les paramètres par défaut. À noter qu’il est possible d’ajuster cela sur-mesure, en fonction de vos besoins.

Seul, mais malgré tout assez gros bémol à ce superbe tableau : certaines phases de plateforme ont sérieusement ruiné mon expérience autrement impeccable sur Shinobi Art of Vengeance. Pour accéder à certains secrets sur lesquels je reviendrai juste après, il faut en effet se farcir par des passages entièrement recouverts de pièges, souvent avec des plateformes qu’il faut attendre pour progresser. Sauf que la hitbox assez imposante de Joe Musashi et le fait que toucher le moindre bout de pixel d’un piège nous ramène au tout début desdits passages se sont avérés inutilement frustrants. J’ai probablement passé un cinquième de mon temps de jeu global à recommencer en boucle certaines de ces phases de platforming à s’arracher les cheveux. Joe Musashi est à son meilleur lorsqu’il virevolte à corps perdu vers les prochaines victimes de sa vengeance sanctifiée, et ces phases franchement poussives pour pas grand-chose ont grandement entaché mon plaisir sur ce jeu. 

Metroidvania no Jutsu

test Shinobi Art of Vengeance

Pour apporter un gros vent de fraîcheur à Shinobi Art of Vengeance, Lizardcube a par ailleurs pris le parti d’ajouter à la formule action-plateforme en 2D traditionnelle une petite touche de metroidvania. Dans la dizaine de niveaux qui composent le jeu, nous aurons en effet droit à une structure très similaire à des titres comme un Castlevania, un Metroid, ou plus récemment un Ori ou Hollow Knight. À savoir un chemin principal et des embranchements renfermant divers secrets. Au début du jeu, ceux-ci sont pour la plupart inaccessibles, demandant de trouver une capacité ou un pouvoir spécifiques plus loin dans l’aventure ; comme celle de s’accrocher à certaines surfaces, un grappin ou un coup de poing capable de briser des surfaces autrement indestructibles ; en vue de nous faire revisiter les précédents niveaux afin de les terminer à 100%. 

Sur le papier, l’idée n’est pas mauvaise et modernise plutôt intelligemment la mythique franchise de SEGA. Dans l’exécution, on peut toutefois un peu pester contre cet allongement assez artificiel de la durée de vie de Shinobi Art of Vengeance, en plus du fait que cela casse sérieusement le rythme autrement effréné du jeu si on l’exécute en ligne droite. Alors qu’on a juste envie d’aller de l’avant, sauter partout et découper du méchant à la pelle, on nous force donc à faire du backtracking pour récupérer différents bonus plus ou moins indispensables pour poursuivre plus sereinement l’aventure. Lesdits bonus apportent par ailleurs une petite dimension RPG également plutôt pertinente à l’arsenal de Joe Musashi. Outre l’augmentation de notre jauge de vie ou le nombre de shurikens qu’on peut porter, on obtient en effet de la monnaie pour acheter de nouvelles techniques et ninjutsu à lancer avec les ressources correspondantes, ainsi que des jetons à équiper pour profiter de capacités actives ou passives encourageant divers builds en fonction de la situation. C’est notamment en quête de certains de ces bonus pour finir le jeu à 100% que j’ai été confronté aux fameuses phases de plateforme que je honnis tant, ce qui n’a clairement pas aidé dans mon sentiment général quant à cet aspect metroidvania de l’expérience. 

Shinobi Art of Vengeance nous permet donc d’incarner un Joe Musashi plus puissant et versatile que jamais, ainsi qu’en prime un jeu plus dense et diversifié par rapport aux opus originaux, mais au détriment du rythme global. On peut même aller jusqu’à dire que cette composante du titre est quelque part une forme de cache-misère pour rendre l’aventure plus longue qu’elle ne l’est vraiment. J’ai en effet terminé le jeu et sa dizaine de niveaux à 100% en une douzaine d’heures, dont facilement deux d’entre elles à m’arracher les cheveux sur les phases de plateforme les plus perverses du jeu. C’est assez léger, et on peut clairement finir le tout en ligne droite en moitié moins de temps. Fort heureusement, les réjouissances ne sont pas totalement terminées une fois le boss final occis. Après cela, nous avons en effet la possibilité d’affronter un boss « secret » nettement plus difficile que les autres, et on a aussi accès à deux nouveaux modes de jeu dont je vous laisserai la surprise. Il s’agit toutefois d’éléments déblocables qui devraient de leur côté agréablement augmenter, et ce de manière plus naturelle à mon sens, la durée de vie du titre.

Shinobi Art of Vengeance Equipement RPG (5)