Avec leur réécriture du jeu de 1989, les développeurs de Heavy Spectrum ne s'en sont jamais cachés : ce Shadow of the Beast crû 2016, qui reste cantonné au genre action/plate-forme avec déplacements en 2D, est un projet de fans à destination des fans. Et aucun doute, lorsque défilent les plaines verdoyantes de Karamoon qui, accompagnées de quelques notes réveillant les souvenirs de la bande-son signée David Whittaker, semblent telles qu'on les avait connues il y a 27 ans sur Amiga, le charme opère.

L'amoureux des aventures d'Aarbron, monstre sanguinaire désireux de se venger de ses maîtres, ne trouvera pas grand-chose à redire sur la plan de la fidélité esthétique et sera même ravi, qu'entre des décors, designs et sons évocateurs, les bestioles mécaniques et le décor automnal conçus par Roger Dean pour les packagings et pages de chargement d'époque aient même eu droit de prendre vie... Ajoutez à cela la possibilité de débloquer l'oeuvre d'origine - avec un God Mode de bon aloi - ainsi que ses musiques pouvant s'appliquer à la nouvelle version et on se dit que le bonheur est complet. Surtout si la modernité s'est invitée à la fête.

Coucou, tu veux voir ma Beast ?

Le problème, c'est que l'enthousiasme des premiers instants suscités par ce jeu d'action et de plate-forme en 2,5D s'éteint assez rapidement. Le stage d'initiation laisse entrevoir des combats techniques, dans lesquels on bénéficie d'attaques hyperviolentes que ne renieraient ni Wolverine ni Freddy Krueger, d'esquives, de blocages, de parades, d'étourdissements et d'un mode dans lequel on peut enchaîner plusieurs ennemis à l'aide d'un QTE au timing des plus rigoureux. C'est nerveux, percutant, gore et on sent poindre une motivation à accomplir des combos plus élaborés. Avec la progression et les nouveaux ennemis sur lesquels il faut employer des attaques spécifiques, il y a toujours plus d'exigence. Le button mashing paraît proscrit, on s'en lèche presque les babines.

Sauf que malheureusement, ça ne fonctionne pas très bien. Lorsque l'on est encerclé, les outils mis à notre disposition ne suffisent pas. Le temps de réaction ne convient pas. Vous êtes en pleine boucherie bien rythmée... et voilà que vous ne pouvez pas bloquer une estocade parce que le héros préférait continuer à théâtraliser une mise à mort, ou met un temps fou à se retourner, ou parce que la caméra, mal située, voire le sang ayant giclé sur l'écran comme une tâche d'huile de Mario Kart, ne vous a pas permis de voir un coup partir. La frustration s'installe, même en faisant de son mieux en matière de skill, même avec l'accumulation de points d'expérience et de nouvelles capacités à débloquer - aux côtés de quelques surprises permettant de mieux comprendre le scénario ou des trésors liés au passé de la licence cités plus haut. Et en réalité, on serre les dents dès le deuxième niveau.

Aarbron à tout faire

Les affrontements basiques, aussi redondants, cloués au sol, encarcanés et décevants sur la longueur soient-ils, ne se révèlent peut-être pas les pires. Dans son délire old school, Shadow of the Beast a tout simplement oublié de proposer des Boss qui relèveraient la sauce, sauraient se montrer aussi épiques que plaisants à zigouiller. Alors oui, certains sont gigantesques. Mais les routines sont encore une fois d'un autre temps et, pire que tout, il n'y a aucune envergure et aucun sentiment de satisfaction une fois le job accompli. Le premier adversaire de taille donnait le ton. On se contente de bloquer pour étourdir ou d'effectuer une roulade avant de frapper. Attendre, frapper. Pas de twist. La suite n'est guère plus reluisante. Sans parler du tout dernier antagoniste qui, s'il fait s'exprimer un double hommage qui prête à sourire, n'a rien de très palpitant.

Shadow à problèmes

Et en dehors de ces arènes imposées, dont on retient surtout une propension à nous en donner pour notre argent côté hémoglobine et démembrements ? Une fois encore, beaucoup de faux pas. On peut s'attendre à ce que l'exploration, salopée par un temps de latence effroyable en ce qui concerne la commande de saut, donne lieu à des moments de grâce côté secrets et puzzles. Que nenni, n'espérez pas qu'un Metroid, Castlevania ou Shadow Complex, pour ne citer qu'eux, aient été une source d'influence.

Le level design est tristement daté. Les rares détours sont sans issue favorable, les pièges se contentent de sortir du sol pour que, une fois de plus, on patiente, les énigmes s'avèrent bien trop rares et simplistes, et l'emploi des griffes pour grimper au mur ou du fusil pour en abattre confinés à un parcours rectiligne et terriblement décevant. Pas pour trop longtemps, cela dit, puisqu'il n'y a que 7 stages, de longueurs vertigineusement variables, à se mettre sous la dent. L'aspect "social" (croiser des cadavres de joueurs sur son chemin et les défier à une épreuve de button-mashing) et les classements (de score et de vitesse dans les trois niveaux de difficulté) amuseront peut-être les fans. Mais il n'y a bien qu'eux, à condition d'avoir dormi ces 30 dernières années, qui y verront autre chose qu'un hommage trop maladroit (ou borné) pour concrétiser son potentiel convenablement.