Depuis que je suis petit, lorsque je pense à une éventuelle réincarnation, je m'imagine souvent en goute d'eau. Insaisissable, difficilement qualifiable. Me glisser partout, vivre mille et une aventures au gré des courants, des fleuves, des océans. Voir, entendre, découvrir. Vivre. Un jour monter au ciel happé par les rayons du soleil... puis repartir le lendemain dans un nouveau cycle lors d'une pluie torrentielle. Pénétrer la terre, plonger dans l'écorce terrestre, être bu... Aujourd'hui, j'ai mis de côté ma goute d'eau pour souffler sur un pétale de fleur. Et vivre le grand saut. Je suis le vent. Je te bouscule. Je dicte ton comportement. Je te fais t'envoler, tutoyer les cieux, raser les champs. Je fais éclore les marguerites comme dans ma jeunesse, je recolore le monde comme dans Okami. Je me laisserai embarquer ici ou là. Ou tu iras, j'irai...

Printemps

Flower me rappelle l'expérience vécue avec Rez. Les nombreuses couches de perception possibles qui, additionnées, constituaient le jeu dans son intégralité. Un livre peu épais... et pourtant constitué de mille et une pages. Ne voir qu'un pan de Flower serait ainsi singulièrement réducteur. Ainsi, oui, il est possible de finir le titre en près de deux heures. Un pétale actif, traçant droit au but tel le mistral. Niveau après niveau. Redonner de la vie à des zones asséchées et basta. Une possibilité qui s'accompagnera déjà de jolis moments, de sensations rares et d'un émerveillement visuel évident. La montée en puissance de cette expérience étant assez grisante... avec ce dernier niveau quasi euphorisant. Visuellement. Musicalement. Ludiquement. On friserait presque le shoot them up estival d'ailleurs, mais je n'en dirai pas plus...

Eté

Avant d'être un dépaysement total, Flower n'en reste pas moins un jeu, avec ce que cela sous-entend de règles. De mécanismes. De récompenses et de sanctions. Si la liberté s'érige en clef de voûte absolue de l'expérience, vous devrez néanmoins fouiller, faire éclore chaque fleur, entendre son murmure sonore (oui, la bande-son est célesto-planante), pour espérer découvrir l'intégralité du titre... Certaines fleurs/niveaux sont d'ailleurs cachées. Car Flower réserve des surprises aux plus persévérants. Flower est beau, superbe même, avec ces milliers de particules en mouvement, cette herbe grasse qui s'écarte, balayée par la vitesse de vos pétales flottants. Un superbe titre pour la PlayStation 3 aux allures de démo technique... et de parenthèse enchantée, zen. Flower m'a laissé une sensation douce. Presque duveteuse. Cette impression unique de danser avec les alizés. De briser les barrières, de m'élever, de ne peser qu'un gramme. D'être libre. En mouvant la Sixaxis, vous agitez les pétales et les menez où bon vous semble. Une farandole de couleurs, de bruissements. Le souffle du vent, l'immensité gorgée de chlorophylle face à vous. Nager dans l'air en suivant une histoire, légère certes, mais plus évocatrice qu'il n'y paraît. Flower est surprenant. Jusqu'à son générique de fin...

Automne

Flower coûte 7,90€ en téléchargement légal sur le PlayStation Network. Certains souhaiteraient probablement une démo avant de franchir le cap. A ceux là, j'aimerai demander s'ils réclament 30 minutes de film avant d'aller voir un long métrage ? Prenez le risque. Difficile de réclamer à corps et à cri de l'innovation, de la différence, de l'originalité dans le jeu vidéo, sans "oser" goûter à la différence quant elle se présente. Surtout à ce prix. Flower est imparfait. L'aimer est subjectif, mais si vous aimez le jeu vidéo pour ce qu'il a de rafraîchissant, d'unique, si vous aimez les expériences différentes, les sensations d'immensité, l'envie de pousser ceux qui tentent de nous étonner... alors plongez ! Flower n'est pas un grand jeu, mais une expérience tout simplement unique. De celles qui vous rivent à la manette pendant plusieurs heures, ou quelques minutes en coup de vent, sans voir le temps filer. De celles qui vous laissent une petite trace à l'esprit et à laquelle vous pourrez repenser demain, dans une semaine, dans quelques mois, en sentant un léger sourire se dessiner sur votre visage. Ces créations qui recellent d'un trésor, celui d'animer la vie.

Hiver

Thatgamecompany a réussi son pari. Celui de faire s'évader le joueur au loin. De briser la relation à l'écran, à la manette. "Le divertissement, c'est de la vitamine émotionnelle pour l'homme. Quand on a soif on boit, quand on a faim on mange, et quand on a besoin d'être soulagé d'un point de vue émotionnel, on recherche du divertissement sous toutes ses formes. Cela peut être se laisser aller sur des montages russes, regarder un film, ou jouer à un jeu. Pour ce dernier, il y a beaucoup de paramètres en même temps, on a tout ce qu'on a appris sur la manière de raconter des histoires en plus de deux mille ans, la vidéo, les graphismes, l'audio, et maintenant on introduit ce nouveau degré d'interaction. C'est un outil extrêmement puissant pour communiquer des émotions et des idées. Nous essayons de pousser ce médium au maximum de ses capacités, et voir jusqu'où on peut aller avec un jeu, montrer aux joueurs ce qu'il est possible de faire avec, et ainsi intéresser plus de monde aux jeux" confiait Kellee Santiago, game designer de Flower, lors d'une interview accordée au magazine Amusement. Son histoire, Flower la laisse découvrir pétale après pétale, telle une nébuleuse où l'émotion serait là, prégnante. Doux et frais à la fois, comme une légère pluie d'été. Un pétale dans l'immensité, un souvenir pour l'éternité...

NB : Voilà près de deux semaines que je plane, et virevolte... je suis un pétale. Je suis un bruissement de vent. Nous sommes dans un monde où les appréciations font référence. Où les gens ont besoin de savoir, plus que de ressentir. Ainsi, je viens de changer la note de Flower. De 4 étoiles, elle passe à 5. Tout simplement car chaque jour qui passent me font percevoir combien cette fleur ne cesse de s'épanouir au fond de mon coeur. Un coeur de joueur heureux. Charmé. Envoûté. Epoustouflé devant la force évocatrice de ce que je n'hésite pas à qualifier de chef d'oeuvre. A Jenova Chen et son équipe... mille et un merci.

Une fleur s'offre... Flower se partage...

On ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux (Le Petit Prince / Antoine de Saint-Exupéry)