Cette année, le studio japonais Arika signe le grand retour d’une de ses licences d’exploration sous-marine. Après s’être essayé au genre sur PS2 avec Everblue, il a exporté le concept sous une forme plus ou moins proche sur Wii. Endless Ocean a ainsi vu le jour en 2007, suivi d’un deuxième volet, « Aventuriers des fonds marins », en 2009. L’eau a coulé sous les ponts depuis, alors nous ne pensions pas revoir la licence un jour. Quelle belle surprise alors de voir Endless Ocean Luminous s’annoncer lors du Nintendo Direct de février dernier.

Parmi les studios qui travaillent main dans la main avec Nintendo, Arika est du genre touche à tout. Entre du Street Fighter, du Dragon Ball ou encore du Tetris, on est loin du type de jeu qui nous intéresse aujourd’hui. Car, avec Endless Ocean, on est moins dans l’esprit baston ou casse-tête, que dans celui de croisière. Mais que reste-t-il des précédents opus dans cette nouvelle itération ? Sommes-nous face à une nouvelle perle du catalogue de la Nintendo Switch ou plutôt à un titre coulé d’avance ?

Une histoire de corail

Pour se mettre dans le bain, Endless Ocean Luminous propose un mode Histoire. On se rend rapidement compte qu’il s’agit plus d’un didacticiel déguisé que d’une véritable aventure. Mais cela a le mérite de scénariser, certes avec simplicité, l’apprentissage des mécaniques de base. En quelques chapitres et sous-chapitres très rapides — comptez 1 à 5 minutes pour chacun, soit moins d’une demi-heure pour aller au bout —, on apprend à déplacer son personnage, scanner son environnement, ainsi que quelques éléments de lore venant justifier le fonctionnement des écosystèmes à découvrir.

Nous voguons dans cette histoire avec deux compagnons : OcéanIA et Daniel. La première est une intelligence artificielle dont la voix est entièrement doublée — un fait nouveau qui mérite d’être soulevé malgré son ton robotique — servant d’intermédiaire avec le Q.G. qui nous a missionné dans la mystérieuse mer voilée, le théâtre de Luminous. Le second est tout simplement un autre plongeur, doté d’un caractère excentrique qui apporte un côté humain bienvenu dans ces étendues d’eau où on a vite fait de se sentir seul.

Les joueurs et joueuses de la première heure regretteront probablement, et à raison, les équipages des premiers opus. D’autant que la voix d’OcéanIA tend à se superposer avec les images de Daniel dans Luminous, rendant certains échanges confus. Alors, avec une voix artificielle et un camarade, certes expressif, mais dont nous ne connaissons même le visage derrière le masque de plongée, ce duo de compagnons manque de chaleur humaine.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

Toujours est-il qu’une lourde responsabilité nous incombe dans ce mode Histoire : sauver l’arbre des mers et, par extension, l'écosystème marin et toute la vie qui en découle. Là encore, ce n’est qu’un enrobage qui manque de contenance. Même si certaines situations nous décrochent un sourire ou tentent de nous captiver par quelques efforts de mise en scène, le traitement est assez pauvre. À défaut de pouvoir profiter d’une histoire prenante, nous aurions apprécié de pouvoir surfer sur le mode d’une traite. Or, il impose presque à chaque fois des incursions par les autres modes de jeu, afin de scanner un certain nombre de créatures des fonds marins, de manière à débloquer le sous-chapitre suivant. C’est une progression contraignante dont on se serait bien passé, mais il a l’avantage d’inciter à profiter pleinement du jeu.

Seul dans l’océan, personne ne vous entendra nager

En parallèle du mode Histoire, Endless Ocean Luminous propose deux autres modes de jeu. Et finalement, ce sont eux qui représentent le cœur de l’expérience, à commencer par le mode “Plongée en solo”.

Tandis que le mode Histoire nous consigne dans des espaces restreints pour ses missions, la Plongée nous fait évoluer sur une vaste carte, générée aléatoirement à chaque nouvelle partie. Plusieurs objectifs s’offrent à nous : explorer au maximum l’espace donné et dissimulé dans l'interface sous forme de brouillard de guerre, identifier le plus d’espèces sous-marines possibles et repérer les anomalies afin de localiser des créateurs marines uniques.

Le temps nécessaire pour explorer variera selon chacun, mais rappelons qu’Endless Ocean Luminous est pensé pour prendre son temps. Dans l’ensemble, on peut compter entre trois quarts d’heure et deux heures, selon que vous vous aimiez foncer tout droit ou aller à un rythme plus calme. Mais rien ne vous contraint à vous arrêter, la plongée n’étant ni limitée dans le temps, ni par une quantité d’oxygène. C’est votre expédition sous-marine, c’est vous qui décidez. D’autant que vous vous pouvez mettre en pause votre partie quand vous le souhaitez pour y revenir plus tard.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

On pourra justement regretter qu’il n’y ait pas, même un minimum, d’éléments de gestion de sa plongée (réserve d’oxygène, entretien de son équipement…), d’autant que le jeu ne nous submerge pas d'activités. L’essentiel de l’expérience repose sur l’exploration et la collection (de créatures à répertorier, de trouvailles et de “mystères”). Mais le fait que la carte change à chaque nouvelle plongée repousse la lassitude et encourage à s’aventurer toujours plus loin dans les fonds marins. En ce sens, on sera ravi, après une carte peut-être un peu plate, de tomber ensuite sur une carte qui nous surprendra avec des grottes cachées ou nous entraînera dans des profondeurs abyssales.

En somme, l’envie de récolter tous les collectables, de jouer aussi avec l’environnement lorsque cela s’offre à nous, et de reconnaître toutes les espèces possibles constituent les principales motivations pour se mouiller à nouveau. Bien sûr, nous ne sommes pas face à toutes les possibilités dont disposerait un Subnautica, par exemple. Mais, la plongée telle qu’elle est proposée dans Endless Ocean Luminous propose tout de même quelques heures sympathiques... mais probablement pas suffisamment pour maintenir l’intérêt des joueurs sur la durée. En espérant qu’ils trouveront de quoi les passionner davantage dans le dernier mode de jeu.

À plusieurs, la plongée est (un peu) plus folle

L’ultime mode de jeu n’est autre que la “Plongée en groupe”, soit le multijoueur. Déjà présent dans les anciens Endless Ocean, il atteint une toute autre échelle dans Luminous. De fait, on passe ici de parties en binôme à des plongées jusqu’à trente joueurs à la fois ! Dans le cadre de ce test, j’ai été invitée à participer à une session multijoueur d’une heure. Ce fut donc un baptême court, mais qui a tout de même été une petite bulle de fraîcheur supplémentaire.

Globalement, la Plongée en groupe fonctionne exactement comme la Plongée en solo. Prenant place dans une carte aux mêmes dimensions que dans les parties seul, chacun part d’une extrémité différente et aléatoire pour partir explorer un environnement inconnu. Si nous ne sommes pas nombreux dans le groupe, comme ce fut le cas pour ce test, le temps peut être un peu long avant de croiser quelqu’un. Toutefois, si c’est la compagnie des autres que vous recherchez, à vous d’aller à leur rencontre. Et celle-ci peut-être amusante, car le jeu permet de communiquer via des emotes et des stickers à débloquer grâce à des points in-game.

Et des points, le multijoueur est un bon moyen d’en gagner. Nous n’avons pas encore parler, mais Endless Ocean Luminous profite d’une monnaie in-game permettant d’acheter plusieurs éléments de personnalisation, dont les fameuses emotes, mais aussi de quoi adapter notre combinaison de plongée un peu plus à notre goût. Cela reste basique et purement esthétique, mais c’est un ajout toujours appréciable. Qui plus est, ces points se gagnent facilement pendant les plongées solo et multi, simplement en récoltant des collectables, en scannant la faune marine et en dévoilant la carte. Or, tout cela s’effectue plus rapidement en groupe et est davantage récompensé.

Ichtyologue, analysez-les tous

Endless Ocean Luminous est, d’une certaine façon, un aquarium virtuel peuplé de créatures à identifier. Alors que les précédents opus comptaient autour de 300 spécimens, ici nous comptons un total de 578 espèces. Force est de constater, en outre, le soin apporté dans la modélisation. Parfois inégales, certes, les variétés de poissons se différencient d’un coup d’œil les unes des autres. Dans la même logique, on identifie sans mal celles qu’on connaît déjà (coucou Dory !).

D’ailleurs, nous sommes dans l’écosystème Nintendo. À ce titre, il y a une certaine satisfaction à croiser des espèces que nous avons pêchées dans Animal Crossing et, justement, qu’on peut facilement reconnaître (« Un chinchard sachant chasser… »).

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
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Ajoutons que chaque créature profite d’une fiche d’information qui nous en apprend davantage à son sujet. On ne s’attardera probablement pas à toutes les écouter — car elles sont lues par OcéanIA — ou toutes les lire, mais c’est le genre d’initiative qui invite à considérer le jeu au-delà du divertissement. Assurément, il y a un potentiel pédagogique dans Endless Ocean Luminous qui pourrait être exploité dans un cadre scolaire ou muséal.

Relativisons tout de même, car la pluralité d’espèces qui habite dans un seul et même écosystème est loin d’être réaliste. On relève seulement de minces efforts de cohérence entre les espèces qui cohabitent. Mais, par exemple, vous ne verrez pas de prédateurs attaquer de plus poissons, ni même vous, ce que le jeu justifie comme il peut par ce voile lumineux (vous avez dit « Endless Ocean Luminous ») qui les entoure. À défaut, nous profitons de la découverte de spécimens existant ou ayant existé. Ainsi, en plus des espèces toujours d’actualité, nous rencontrons, au gré de nos raids sous-marins, des créatures tout droit sorties de la préhistoire. Rien que pour ça, on a envie de se jeter à l’eau plus d’une fois, espérant tomber sur une espèce que nous n’aurions pas encore aperçue.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

Un océan pas si “endless” que ça

Si Endless Ocean Luminous s’offre le luxe de proposer des centaines de créatures marines, l’impression de richesse s’arrête à peu près là. Bien que les cartes soient vastes compte tenu de la vitesse de déplacement, elles restent vides. Les étendues de sable sont relativement parées d’algues, coraux et rochers. En contrepartie, les véritables zones présentant une topographie ou un écosystème originaux se font rares, du moins trop rares pour pallier la stérilité de ce grand bleu. Évidemment, les différentes cartes sont plus spacieuses que pour les précédents opus. Mais le fait qu’elles se renouvellent à chaque plongée résonne finalement davantage comme le mirage d’une variété de contenu finalement moins abondante qu’il y paraît.

La délimitation des cartes en est un exemple notable. Chacune est bordée de murs invisibles qui peinent à s'expliquer, si ce n'est par un pictogramme d’avertissement qui suggère qu'il serait dangereux d'aller plus loin. Si le ciel est la limite, la mer aussi, assurément. Or, une fois fait le tour du mode Histoire et de plusieurs cartes, l’envie d’en voir plus se fait tout de même ressentir. D’autant plus qu’une partie de l’expérience Wii est tombée à l’eau, que ce soit le temps passé dans l’embarcation ou le fait de caresser les créatures marines, au risque de rester sur notre faim avec ce nouvel opus.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

On peut toujours se consoler avec un jeu rehaussé graphiquement par rapport à la Wii — heureusement. C'est vrai que c'est agréable d’évoluer au milieu de textures HD et d’une ambiance lumineuse encore plus envoûtante. Mais quand on voit ce que la Nintendo Switch est en mesure de fournir, on ne peut s'empêcher de ce dire que ce titre aurait pu mieux faire. Qui plus est, on avait pu apercevoir un peu d'aliasing dans la bande-annonce et cela n'a pas été corrigé entre temps. Graphiquement, Endless Ocean Luminous montre quand même des limites.

Cela dit, le jeu réussit à ne pas subir de ralentissement, même en situation de forte concentration de poissons. De fait, il nous invite à de nager avec les poissons de notre choix selon un volume prédéfini, qui s’agrandit au fil des plongées. On peut ainsi former notre propre gang de requins sans craindre de baisse de régime, et ce aussi bien en mode nomade qu'en docké.

Une réalisation qui tient la barre

Nintendo Switch oblige, Endless Ocean Luminous ne brillera pas par des graphismes d’un réalisme forcené, ni par des effets visuels qui défient toute raison. Pour autant, on ne nage pas en eau trouble. Le titre est joliment conçu, avec une volonté esthétique timide mais néanmoins notable, spécialement lorsqu’il est question des créatures marines uniques, ces espèces peu communes, qu’on ne peut rencontrer qu’après avoir détecté des poissons, somme toute lambda, mais qui créent des perturbations dans l'eau — on les appelle des « anomalies ».

En outre, le jeu ne fait pas preuve d’une ambition démesurée. Dès lors, il reste à flot techniquement, et c’est tout ce qu’on lui demande après tout. Pas de ralentissement à déplorer et les temps de chargement pour lancer une partie restent raisonnables, de 10-15 secondes environ. Plus généralement, nous n’avons rencontré aucun bug dérangeant pendant ce test, même en situation de forte concentration de créatures marines. Il faut dire que les problèmes de collision sont évités avec notre personnage puisqu’elle n'est tout simplement pas gérer ; aucun risque de se cogner puisqu'on traverse la faune et la flore. Avec un peu d’attention, rien ne dit qu’on ne croise pas des poissons dans des situations des plus cocasses, mais en tout cas rien qui ne saute aux yeux.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

Les animations de notre personnage sont aussi appréciables et les déplacements sont fluides. Même si on perçoit la lenteur due à l’eau, on ne ressent pas la pesanteur de celle-ci. Les poissons eux-mêmes évoluent à un rythme propre à leur espèce et disposent d’animations adaptées à leur gabarit. Nous n’en dirons pas autant de la flore marine, qui manque cruellement de vie. On se consolera alors avec l’évolution de la lumière grâce au cycle jour/nuit. L’éclairage à la lampe frontale dans les zones obscures crée aussi des impressions d'exploration agréables. Ce faisant, le jeu parvient à créer des atmosphères différentes avec les moyens du bord.

Enfin, nous serons plus mitigés sur l’ambiance sonore. Si la musique, toujours très appréciée dans les Endless Ocean, s’offre de beaux moments atmosphériques, elle reste en retrait. C'est regrettable, car celui vient renforcer la sensation de vide de ce troisième opus. Pourtant, le jeu fait l’effort de proposer des bruitages qui devraient nous immerger dans sa mer voilée. Mais, il suffit de tomber sur une carte sans grande variété d’environnements pour que l’expérience s’en trouve pesante. Heureusement, certaines idées sont saisissantes, comme le son des bancs de poissons qui nous frôlent ou, plus encore, le chant d'une baleine au loin. Dommage donc qu’elles soient, elles aussi, trop discrètes.

Endless Ocean Luminous, un jeu fait pour buller

À l'instar de ses prédécesseurs, il ne faut pas s’attendre à une excursion de grande ampleur avec Endless Ocean Luminous. Le titre d’Arika propose avant tout des moments de détente à la découverte de fonds marins fantasmés. Théoriquement, en répertorier toutes les créatures et boucler le mode Histoire demande moins de dix heures. Parions toute de même qu’une partie du public se laissera happer plus longuement par sa plongée dans les abysses ou l’envie de relever les défis internes au jeu, comme le fait de scanner tel nombre de poissons de petite ou de grande taille, un peu à la manière d’un Légendes Pokémon: Arceus.

Pouvant s'inscrire dans la catégorie des « cozy games », les mécaniques de jeu sont par conséquent très accessibles, faute d’avoir droit à de véritables options d’accessibilités. L’interface en elle-même est bien lisible. L’ATH peut même s’effacer d’une pression du bouton - afin de mieux profiter de l’ambiance marine. Cependant, plus de personnalisation avec la carte aurait été bienvenu, comme le fait de placer des balises personnalisées. À défaut, le fait d'ouvrir la carte déclenche à chaque fois un effet visuel de divulgation en cascade des cases nouvellement visitées, ce qui a un côté très satisfaisant. Il n'empêche que la nostalgie rattrapera peut-être les anciens joueurs et joueuses qui resteraient, comme moi, attachés au charme de la boussole et de la carte à l’ancienne.

Endless Ocean Luminous (Arika / Nintendo).
© AUR - Gameblog.

Enfin, Endless Ocean Luminous intègre un mode photo. Les développeurs ont ainsi bien conscience de l’engouement autour de ce type de fonctionnalité. Cela dit, il se réduit au plus simple appareil. Ses seules options se limitent à quelques filtres, le fait de pouvoir zoomer et dézoomer, ainsi que plusieurs points de vue. C’est un ajout qui s’inscrit dans l’ère du temps mais qui reste mal abouti. Son utilisation peut être laborieuse du fait que les poissons soient en mouvement constant. Dans le même genre, on préfèrera donc un bon vieux Pokémon Snap, dont l’expérience photographique est au centre du jeu. Pour Endless Ocean, recourir au bouton de capture de la console sera généralement tout aussi bien. Toujours est-il que cette fonctionnalité traduit bien la promesse du jeu : une baignade faisant la part belle à la contemplation et à la curiosité.