La France serait-elle en passe de devenir la nouvelle nation du beat'em all 2D ? Plus d'un an après le succès critique et commercial de Streets of Rage 4, et dans l'attente de Teenage Mutant Ninja Turtles Shredder's Revenge, voilà donc que les franciliens de Mr. Nutz Studio (du platformer éponyme, vous l'aurez deviné) offrent aux plus célèbres gaulois du neuvième art une aventure à l'ancienne, façonnée à la main. Pour Baffez-les Tous, Astérix et Obélix reviennent aux fondamentaux : martyriser encore et toujours l'envahisseur transalpin... et plus si affinités.

Astérix et Obélix Baffez-les Tous, image de gameplay

Les albums de la maturité

Vous connaissez la chanson : contrairement à ce que nous racontent les livres d'histoire, en 50 avant l'ère commune toute la Gaule n'est pas occupée par les troupes de Jules César, puisqu'un petit village d'Armorique résiste encore et toujours à l'envahisseur. En bon héritier d'une longue (et inégale) sage de bandes-dessinées, Astérix et Obélix Baffez-les Tous pioche dans l'œuvre d'Uderzo et Goscinny pour structurer son récit, et varier les décors autant qu'il multiplie les clins d'œil. À l'inverse des plus grands représentants du genre, ce beat'em all se démarque par son envie de structurer le récit, et d'emprunter à de nombreux albums leurs péripéties.

Si seuls Astérix et Obélix sont jouables, les fidèles lecteurs pourront donc croiser la route de quelques célèbres villageois, parmi lesquels figurent évidemment Abraracourcix, Ordralfabétix ou Cétautomatix, mais fait également intervenir Goudurix, Périclès ou encore le flegmatique Jolitorax, pour ne citer qu'eux.

Ce casting cinq étoiles qui ne s'exprimera malheureusement que par l'intermédiaire de vignettes sous-titrées est pour l'occasion croqué par l'illustrateur Philippe Dessoly, dont le trait rend un bel hommage à celui d'Uderzo, sans pour autant le copier. Nos deux héros sont d'ailleurs doublés par Jean-Claude Donda et Guillaume Briat, un choix judicieux qui permet d'éviter les élucubrations de Christian Clavier, mais qui peine encore à trouver le bon dosage, tant les répliques s'enchaînent un peu trop rapidement pour ne pas finir par lasser, même si les interactions entre nos deux héros se révèlent bien travaillées.

Astérix et Obélix Baffez-les Tous, image de gameplay

Partir, c'est nourrir un peu

La grande force d'Astérix et Obélix Baffez-les Tous est justement visuelle : durant une bonne cinquantaine de niveaux, nos deux Gaulois vont évoluer dans des décors dessinés et peints à la main... et sans doute pas mal d'amour. Depuis la sortie du village jusqu'au cœur de la capitale de l'Empire, les décors se révèlent aussi variés que splendides, et laissent même volontairement apparaître quelques coups de pinceau, comme pour appuyer l'hommage à l'œuvre originale.

Entre les paysages côtiers de la Bretagne (la Grande), les reliefs ibériques ou la magnificence du désert égyptien, il n'est pas un environnement qui n'accroche le regard. Les zooms et dézooms réguliers permettent d'ailleurs d'accentuer certains passages, et de faire s'attarder les joueurs les plus curieux.

Les Gaulois et leurs nombreux ennemis ne sont pas en reste, puisque l'infini défilé de romains, pirates et autres bandits de grand chemin multiplie les clins d'œil à la bande dessinée, et l'on devine aisément l'intervention des éditions Albert René dans le respect systématique du character design. C'est peu dire que cette fidélité quasi-maladive achève de nous immerger visuellement dans l'univers d'Astérix et Obélix, et nous rappelle à quel point la 2D peut avoir de beaux jours devant elle lorsqu'elle est exploitée avec justesse.

Astérix et Obélix Baffez-les Tous, image de gameplay

Quand les Gaulois boivent, les Romains trinquent

Mais parce que l'on passera bien plus de temps à distribuer marrons et châtaignes qu'à admirer les arbres sur lesquels ils poussent, attardons-nous sur le gameplay. À l'instar de bien des productions signées Microids, Baffez-les Tous se veut résolument familial : nos deux Gaulois possèdent chacun des coups de base qui automatisent les combos, des attaques spéciales personnalisées qui consomment une jauge dédiée et profitent de très jolies animations.

La course, le saut et la garde complètent la panoplie, et la complémentarité d'Astérix et Obélix se révèle bien pensée : le blondinet se déplace avec vigueur et se faufile entre les rangs des troupes ennemies, tandis que son rouquin de compagnon maîtrise les attaques de zones pour faire le ménage et étourdir ces si chics Romains.

Si le gameplay se révèle des plus classiques, Baffez-les Tous fait preuve d'originalité en s'amusant à emprunter aux Musō de Koei ses vagues d'ennemis pléthoriques : passés les premiers niveaux, Astérix et Obélix doivent rapidement faire face à des adversaires toujours plus nombreux. Fort heureusement, les hitboxes se veulent très généreuses, et l'on comprend rapidement comment dompter la moitié de l'armée romaine à la seule force des poings. Il faut dire que les rebonds sur le bord de l'écran facilitent l'exercice, et si l'écran se retrouve parfois à la limite de la saturation, on prend plaisir à martyriser autant de chair à pilum en même temps. 

Astérix et Obélix Baffez-les Tous, image de gameplay

À deux, c'est mieux

Malheureusement, la technique n'est pas toujours au niveau de la plastique, comme en témoignent les nombreux problèmes d'IA qui plongent trop régulièrement vos ennemis dans une rêverie diurne, comme s'ils avaient accepté leur triste sort. Le casting se diversifie évidemment au fur et à mesure de la progression, mais les techniques simples du début fonctionnent (presque) toujours aussi bien jusqu'à la conclusion de l'aventure.

Les combos s'enchaînent si facilement grâce aux rebonds sur les murs très généreux qu'il faudra rapidement aller chercher le challenge dans les niveaux de difficulté supérieurs sous peine d'avoir l'impression de rouler sur le jeu. La potion a beau être magique, il ne faudrait pas non plus en abuser... Sauf à le lancer aux côtés de vos chères têtes blondes, nous conseillerons à nos lecteurs avisés de directement passer en difficile, histoire de trouver un peu de résistance dans le camp adverse.

C'est d'ailleurs à partir de ce niveau de difficulté que la maîtrise des coups spéciaux devient indispensable : pour réussir à occuper l'espace sans prendre trop de dégâts, il faudra user au bon moment de l'iconique uppercut d'Astérix, de son lancer de romains ou encore de l'attaque au sol d'Obélix pour faire rapidement le ménage dans les situations les plus compliquées. Le choix est discutable, mais la difficulté d'Astérix et Obélix Baffez-les Tous ne change pas d'un poil de moustache que l'on joue seul ou à deux, puisque l'on pourra changer rapidement de personnage en solo, tout en gardant un oeil sur la barre de vie : si les des deux venaient à tomber, il faudra recommencer le niveau en cours. Les attaques spéciales profitent toutes d'une très belle animation, et l'on en abusera d'autant plus que la jauge dédiée se recharge très rapidement. Vous avez dit "défouloir" ?

Astérix et Obélix Baffez-les Tous, image de gameplay

Faux raccords

Et c'est qu'il y en a, des niveaux ! L'aventure s'étale en effet sur six chapitres, et aurait même tendance à traîner en longueur. Certes, la promesse de retrouver quelques moments cultes d'Astérix chez les Bretons, Astérix en Hispanie ou Astérix et Cléopâtre est belle, mais l'ensemble ne fait pas preuve d'un grand équilibre. Dans un souci de cohérence, Mr. Nutz Studio a tout tenté pour relier entre eux les différents épisodes, mais les jonctions s'avèrent bien maladroites, et souffrent d'une mise en scène trop simpliste à base de vignettes fixes, qui n'hésitent pas à nous téléporter du village gaulois sur la côte en une fraction de seconde, et sans transition par-dessus le marché ! Pire, chaque fin de chapitre se traduit par un retour systématique au village, et la lassitude l'emporte sur émerveillement des débuts lorsqu'il faut traverser la forêt pour la xème fois, et c'est la peur de manquer qui semble avoir arbitré les débats.

Les développeurs ont pourtant tout fait pour insuffler un peu de variété en proposant de temps à autres quelques phases de gameplay un peu différentes comme la course à la Track'n Field ou la destruction gratuite de tonneaux, mais ces séquences trop brèves et parfois répétées ne parviennent pas à faire oublier cette sensation de remplissage régulier, comme si les développeurs avaient eu peur de manquer.

Il faut dire qu'Astérix et Obélix Baffez-les Tous ne propose finalement qu'un mode supplémentaire une fois l'aventure bouclée. C'est là tout le paradoxe de sa longueur, et de son absence de routes alternatives : une fois les quelques modes de difficulté apprivoisés, aura-t-on vraiment envie d'y retourner ? Pour un beat'em all, voilà qui est sanglier singulier...