La vie n'est certainement pas un long fleuve tranquille pour le jeu de piraterie d'Ubisoft : lancé après un certain Black Flag et officiellement dévoilé lors de l'E3 2017, le titre a disparu des radars dès l'été suivant, après une première prise en main. En septembre dernier, Ubisoft annonçait prendre une toute nouvelle direction, et reportait finalement la mise à l'eau en 2022. Au moins.

Le radeau des médusés

Le journaliste Ethan Gach révèle aujourd'hui le naufrage interne des développeurs, après avoir mené une vingtaine d'entretiens : en plus d'avoir déjà englouti un budget pharaonique, Skull & Bones souffrirait depuis plusieurs années d'une vision absente et de revirements permanents parmi ses directeurs. Promis, on vous épargnera le parallèle avec Star Wars.

Le projet aurait ainsi coûté la bagatelle de 120 millions de dollars (environ 102 millions d'euros), ce qui n'est pas de nature à réjouir les principaux concernés :

Si Skull & Bones avait été développé chez un de nos concurrents, il serait déjà mort 10 fois. Travailler avec des gens pendant quatre ou cinq ans sans voir le projet progresser, ça détruirait n'importe qui.

Débuté il y a 8 ans, le projet aurait d'abord souffert du retard technique accumulé avec les années, et les changements de générations :

Très vite, il vous faut de meilleur graphismes. Et vous réalisez à ce moment-là que vos assets ne fonctionnent plus. Et plus vous modifiez des éléments, plus l'ensemble devient obsolète. Et lorsqu'un projet traîne pendant plus de deux ans, vos hypothèses de départ ne fonctionnent plus.

Dans le port d'Singapour...

Le jeu se serait un temps appelé Black Flag Infinite, et vu son action se situer tour à tour aux Caraïbes, puis dans l'océan Indien, ou dans le monde fantastique d'Hyperborea. D'après les témoignages recueillis par Gach, Skull & Bones aurait voulu chasser sur les terres de Rainbow Six Siege, de The Division puis d'Ark Survive, des revirements brusques qui expliquent la lenteur avec laquelle le projet n'avance... pas vraiment, en réalité :

À chaque fois que nous avions un retour de Paris, les directeurs flippaient et changeaient tout, même les gens qui travaillaient sur le jeu. C'est arrivé plusieurs fois.

Et les changements décidés à l'emporte-pièce sont loin d'être anodins, puisque le jeu de combat naval peut d'un coup opter pour l'exploration à pied des îles environnantes.

Près de 400 personnes auraient au total travaillé sur Skull & Bones en 2019, mais plusieurs "exodes" auraient déjà eu lieu - notamment chez Ubisoft Singapour, qui développe le jeu -, ce qui entraîne un rajeunissement des équipes, et un manque d'expérience qui n'aide évidemment pas à renflouer l'embarcation :

La culture toxique qui imprègne le studio de Singapour est en grande partie responsable de de bien des problèmes rencontrés durant la production, elle agit comme une peste depuis près d'une décennie.

Contacté par Kotaku, Ubisoft a réagit par l'intermédiaire d'un communiqué :

L'équipe de Skull & Bones est fière du travail qu'elle a accompli sur le projet depuis sa dernière mise à jour, la production entrant tout juste dans sa phase d'Alpha, et sera ravie de partager plus de détails lorsque le moment sera venu. Cela étant dit, toute spéculation infondée sur le jeu ou les décisions prises ne fait que démoraliser l'équipe qui travaille très dur pour développer une nouvelle franchise ambitieuse à la hauteur des attentes de nos joueurs. Au cours de la dernière année, nous avons apporté des changements importants dans nos politiques et nos processus pour créer un lieu de travail sûr et plus inclusif, et permettre à nos équipes de créer des jeux qui reflètent la diversité du monde dans lequel nous vivons.

Aux dernières nouvelles, le très protéiforme Skull & Bones est attendu quelque part entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023. Mais dans quel état ?