Tout le monde le sait maintenant : j'ai adoré Bioshock. Cependant, il faut bien avouer que parmi les reproches tout à fait valides qu'on peut lui faire (et il y en a), l'un d'entre eux concerne la fin, ou plutôt les deux fins, quand on replace l'ensemble dans le contexte de la liberté de choix qui fut mis en avant par les développeurs eux-mêmes comme une force du titre.

Objectivement, on est forcés de le reconnaître : le plan une fin peace and love, "je suis le gentil, mangeons des chamallows", et une fin "bouh, horreur, je suis un vrai salaud", c'est tout sauf de la liberté de choix. Rien de gris entre le blanc et le noir, et, surtout, du vu et revu sans grand intérêt scénaristique ou artistique.

Et Ken Levine, le créateur principal de Bioshock, le reconnaît lui même, n'hésitant pas à clarifier les choses : ce n'était pas sa décision.

Ca n'a jamais été mon intention de faire deux fins pour le jeu. C'est plus ou moins venu assez tard [dans le développement] et c'était quelque chose qui est venu de quelqu'un de plus haut que moi dans la chaîne alimentaire.

Inévitablement, plutôt que le look barbe de trois jours et regard mystérieux de Ken Levine, on imagine plutôt une eau de cologne de jeune premier et une cravate en soie derrière une telle décision. Quoique ça aurait pu être bien pire, heureusement. Alors qu'est-ce qu'il aurait vraiment voulu, le Levine ?

L'une des raisons pour lesquelles j'étais opposé à de multiples fins, c'est que je n'ai jamais voulu faire des choses qui aient plusieurs fins numériques, par opposition à des issues analogiques. Je veux le faire à l'image du système de combat de BioShock. Il y a un million de choses différentes à faire avec dans chaque combat ; on peut y jouer d'un million de manières différentes. Avec l'avenir de la franchise en tête, c'est quelque chose que j'aimerais, qu'au moment où vous parvenez à la fin de la voie que vous avez choisie, vous sentiez l'impact que vous avez sur le monde au travers de nombreuses petites permutations, plutôt qu'un grande fin d'une traite, si vous voyez ce que je veux dire.

Pour ceux qui ont du mal avec le parallèle numérique/analogique, c'est en fait une métaphore très puissante, qu'il nous lâche là le petit Ken. Le numérique, c'est l'incarnation d'un ensemble de valeurs précises et arrêtées, l'analogique d'un spectre de possibilités beaucoup plus important.

Je crois que nous avons fait un travail raisonnablement bon avec ces fins, mais il n'y en a que deux. Et ce n'est pas un jeu à propos de l'option A et de l'option B. C'est un jeu qui s'intéresse à Une possibilité au milieu d'un million d'autres, et à toutes ces permutations de choix. En pensant au futur de la licence, je crois que c'est par là que je veux l'emmener.

Comment créer dynamiquement une multitude de fins reflétant autant de choix en cours de chemin ? Voilà un bon challenge de game designer et de narrateur. Ceci dit, tu nous aurais fait 4 ou 5 fins différentes avec de vrais embranchements à la Deus Ex, moi ça m'aurait suffit.

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