Nous découvrirons des facettes inconnues du Master Chief, alias John-117, dans Halo 4 (cliquez pour agrandir).

L'un des grands challenges de Halo 4, et vous avez en fait déjà dit ça pour Reach, c'est de ressusciter ce sentiment d'émerveillement et de découverte que nous avions ressenti avec l'original. De mon point de vue, c'était même peut-être sa principale force. Quand vous vous attaquez au design d'une nouvelle planète aujourd'hui, en 2012, pour Halo 4, avec tout ce qui a été fait ces 10 dernières années, au cinéma, dans les comics, etc., comment envisagez-vous la création de quelque chose de véritablement frais, innovant, qui soit complètement nouveau comparé à tout ça, à des films comme Avatar, ou ce genre de choses ? Essayez-vous au contraire d'incorporer certains aspects de cette partie de la culture ?

Vous savez, ce qui est amusant dans ce qui s'est passé avec Halo au fur et à mesure des années, c'est que Halo a forcément été inspiré par une variété de choses dérivées d'autres licences, de science-fiction ou non. Et ce n'est pas juste un gros mélange de tout ça. Il y a eu beaucoup de réflexion pour arriver à ça, mais il est possible de deviner quelles ont été les inspirations, au moins les plus évidentes. Mais année après année, Halo a comme mué, laissé le poids de ces influences derrière lui, pour laisser émerger les meilleures et les plus fortes des idées, qui venaient de quelque chose d'original. Du coup, Halo donne une sensation qui lui est propre. Et je dis ça quasi littéralement, dans le sens où quand vous entendez le son d'un warthog, ça fait le bruit d'un warthog. Ca ne sonne pas comme un humvee, une jeep, ou un camion, ça sonne comme un warthog, il a sa propre personnalité. Et je crois que c'est une des grandes réussites de Halo ; la nouveauté a su émerger au-dessus du dérivé, pour dépasser cette sorte de tendance du jeu vidéo à être similaire à d'autres choses. C'est une des choses que je trouve fascinantes avec cet univers, qu'il ait acquis sa propre personnalité, avec sa riche histoire, et ses traditions.

En fait, il me semble que plus difficile encore que d'inventer une nouvelle planète, il y a inventer un nouvel ennemi ; une des promesses les plus fortes de Halo 4. Parce qu'il doit être différent des Covenant, différent du Flood, et cela agglomère tout depuis la direction artistique jusqu'au gameplay, à chaque étape. Comment avez-vous approché ce défi ?

Vous avez bien résumé le problème : comme c'est un jeu bac-à-sable, tout a un impact sur tout le reste. C'était donc en effet l'un des défis les plus importants à surmonter. Mais c'était aussi du coup un des aspects les plus appréciables de cette création. Non pas vraiment "rebooter" la licence, mais la "rafraîchir". Nous étions très conservateurs dans la création de nos méchants, on n'a jamais vraiment rajouté grand chose à part les Berserkers dans Halo Reach, en termes d'espèce, et c'est finalement juste une autre forme de Jackal. La dernière fois que nous avons eu un ajout de taille aux ennemis, c'étaient les Brutes. Ce n'est qu'une seule unité, dans les faits, pas une classe d'unités. Donc, oui, nous avons été conservateurs jusqu'ici, et pour de bonnes raisons, puisque cela soulève dans le cadre d'un environnement bac-à-sable des problèmes incroyablement complexes, notamment d'IA. Ca a donc été une grosse décision. Mais du point de vue de la fiction, il n'y a aucun souci. Du point de vue de l'histoire, c'est incroyablement approprié, et intéressant. Et ce sera une part importante du jeu. La manière dont nous avons approché les changements en termes de gameplay sera vraiment intéressante je pense. C'est en quelque sorte un écart, un nouveau départ de plusieurs manières, vis à vis des rencontres conventionnelles de Halo. J'aimerais pouvoir vous en dire plus à ce sujet. C'est quelque chose qui a considérablement augmenté la complexité et la taille du côté bac-à-sable, mais de manières qui s'inscrivent parfaitement dedans. Et je crois que ce nouvel ennemi bouche des vides dont vous n'aviez probablement pas conscience jusque là, en termes de combat.


Un artwork préparatoire pour Halo 4 (cliquez pour agrandir).

Est-ce que je peux me laisser aller à tenter de deviner à quoi il peut ressembler ?

Vous pouvez, mais j'ai ma poker face (rires).

De ce que vous en suggérez, il semble que, du point de vue technique, il y ait beaucoup en matière d'IA autour de lui.

Oui.

Vous avez dit explicitement qu'en faisant face à un unité de cette nouvelle classe d'ennemis, elle agira d'une certaine manière, puis d'une autre manière lorsqu'elles seront deux, puis trois, etc. Et, globalement, on a tout de même l'impression que l'IA ne progresse pas à la même vitesse que, par exemple, les moteurs graphiques, ou la physique. Le premier Halo était une étape marquante dans le monde du FPS en termes d'IA. Quand vous avez commencé à concevoir ce nouveau... cette... j'ai même oublié le mot que vous avez utilisé pour les désigner, ce n'est pas "unité", mais...

... oui, on n'a pas encore déterminé vraiment quel était le mot le plus approprié. "Classe" n'est pas exactement juste, "espèce" n'est pas exactement juste...

... Bref, est-ce que vous avez d'abord déterminé ces comportements, d'un point de vue fiction, puis développé l'IA en fonction, ou l'inverse ? Avez-vous développé les deux en parallèle ?

Je crois qu'il y a eu une évolution naturelle du processus. Le première décision qui fut prise était "qui" ils sont.

Vous voulez dire dans la fiction ?

Oui, dans l'histoire, l'univers. Puis, ce que cela signifierait. Puis comment cela se comporterait. Comment cela interagirait avec d'autres choses dans l'univers. Il y avait une finalité logique à atteindre, mais il y a aussi eu des éléments significatifs qui ont favorisé l'inspiration, venus de chez les développeurs, auxquels on ne s'attendait pas forcément.

De quoi incorporer à la fiction des éléments qui ont été pensés plutôt, à la base, dans un but de gameplay ?

Oui et non ! Ce qui est amusant c'est que la plupart des idées qu'ils ont incorporé au gameplay n'étaient pas contradictoires avec la fiction.

A quel point êtes-vous précis lorsque vous écrivez tout ça ?

C'est une collaboration. Comme quand ils ont finalisé, par exemple, la façon dont quelque chose meurt. Alors on l'enregistre et on peut l'utiliser ailleurs dans la fiction. Par exemple, si l'un de ces méchants arrive dans un autre élément de la fiction, et doit y mourir, il y mourra de la même façon que dans le jeu. Et vice-versa, il y a des choses qui existent déjà dans les bouquins et ont déjà été canonisées ; on a décrété que ça allait être la façon dont les choses étaient, et cela nourrit aussi les jeux.


L'un des fameux Scarab de Halo 3.

Il y a quelque chose, du point de vue game design, que je trouve assez difficile à bien faire, ce sont les combats de boss. Je ne me souviens pas vraiment, à part peut-être la séquence du Scarab dans Halo 3, qu'il y ait eu vraiment de combat de boss de grande envergure dans la série. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez considéré par rapport au game design et au rythme narratif pour Halo 4 ?

Je crois que les boss remplissaient un rôle important dans certains jeux, surtout à l'poque de l'arcade. Ils définissaient le rythme pour le joueur qui était face au cabinet : un défi, un repos, un défi, un repos. Je crois que dans les jeux modernes, dans lesquels on sauvegarde, et face auxquels vous ne jouez pas dans une position ou à un rythme qui a forcément été prévu par les concepteurs, ça change assurément la façon dont on "digère" tout cela. Mais sans parler spécifiquement de boss, nous voulons bien entendu qu'il y ait, dramatiquement et logiquement, un rythme aux rencontres. Il y a beaucoup de moyens d'obtenir cela, dont l'affrontement de quelque chose de vraiment gros et difficile, mais il y a aussi d'autres moyens dans un jeu bac-à-sable, qui peuvent être un peu plus émergents que cela... Et il y aura des choses qui seront d'une nature purement cinématique. Donc on use d'une combinaison de choses. C'est vrai, parmi mes combats préférés de toute la série se trouvent les Scarabs, avec toutes la manières dont on peut les approcher. Depuis des marines avec des lance-roquettes, jusqu'à des sauts de malade en Mongoose depuis une falaise, ce genre de trucs. J'adore ça. C'est évidemment quelque chose que nous considérons pour Halo 4.