Plusieurs dizaines de milliers de Japonais et étrangers se sont rassemblés à Shibuya ce soir là, d'après The Japan Times. Forcément, avec une telle concentration de personnes, la police avait mis en place des mesures exceptionnelles pour éviter au maximum les mauvaises surprises : de nombreuses routes ont été détournées afin de réserver leur accès exclusivement aux piétons, des patrouilles de police supplémentaires ont été convoquées avec du personnel étranger spécialement embauché pour l'occasion, prêt à donner des instructions en anglais, tandis que de nombreux messages d'avertissement, rédigés en anglais et en japonais, étaient affichés un peu partout dans les gares et à l'intérieur des métros pour rappeler les règles de bienséance aux "fêtards" venus s'amuser.

C'est un dispositif de sécurité impressionant, qui tire ses origines des premières soirées "sauvages" organisées par des étrangers et qui ont laissé un goût particulièrement amer dans la bouche de nos amis tokyoïtes.

Dans les années 90, bien avant qu'Halloween devienne l'événement mainstream qu'il est aujourd'hui au Japon, le soir du 31 octobre était synonyme de "gaijins" (étrangers) déguisés, buvant plus que de raison et criant à l'intérieur des rames de métro au grand dam des passagers japonais excédés par de tels comportements. Rapidement, ces rames de train devinrent le point de ralliement privilégié des gaijins pour fêter Halloween, avec plus ou moins de respect pour leurs prochains...

Il faudra attendre Halloween 2009 pour qu'un groupe de protestataires japonais décide de montrer son mécontentement à la gare de Shinjuku. Ces derniers brandissaient des pancartes destinées aux étrangers, leur demandant de cesser leur "stupide célébration d'Halloween". Finalement, ces rassemblements se sont déplacés de l'intérieur des trains jusque dans les rues de Roppongi pour, aujourd'hui, se dérouler dans Shibuya sous la supervision des autorités locales.

C'est cette transition de réunion sauvage à événement régulé qui rapprocha japonais et étrangers lors de la célébration d'Halloween. Toutefois ne vous attendez pas à croiser de petits enfants à la chasse aux bonbons à Shibuya. Parce que les festivités se déroulent tout au long de la nuit du 31 octobre jusqu'au matin, on y retrouve surtout des tokyoïtes d'une vingtaine ou trentaine d'années qui profitent ensemble, avec les étrangers présents, de cette fête d'Halloween.

D'Halloween, c'est principalement l'idée du déguisement qui a marqué l'esprit de nos amis japonais. C'est un soir lors duquel japonais comme étrangers peuvent oublier les tracas du quotidien, mettre de côté les obligations des cours ou du travail et simplement porter un masque pour se laisser aller sans penser au lendemain. Le rôle que chaque individu a au sein du peuple japonais et les responsabilités que ce rôle implique peuvent être particulièrement difficiles à supporter au jour le jour, notamment au coeur d'une société dont les moeurs sont si codifiées. Une soirée comme celle d'Halloween permet de laisser tomber le masque, et de se libérer de ces chaînes le temps d'une nuit, aussi bien pour les étrangers que les locaux, ce qui crée indéniablement du lien.

Encore parfaitement propre la veille, le quartier s'est transformé en l'espace de quelques heures en poubelle à ciel ouvert. Des milliers de canettes de bières à moitié finies, de sachets plastiques, de mégots de cigarettes et autres paquets de nourritures jonchent les rues de Shibuya et servent de matelas de fortune à des japonais et des étrangers qui auront succombé à l'ivresse de l'Halloween japonais.

Voici des photos diffusées sur Twitter par les locaux, pour que vous puissiez mesurer l'ampleur des dégâts :

Quelques associations de volontaires et des personnes encore en costume se sont heureusement regroupés pour aider les agents d'entretien municipaux à nettoyer les rues de leurs débris jusque dans l'après-midi, et le résultat était impressionnant. On n'aurait pu jurer que toute cette nuit n'était qu'un rêve et qu'elle n'avait jamais eu lieu.

Halloween au Japon est une expérience tout simplement hallucinante, et ce sentiment n'en est que renforcé après y avoir déjà passé quelques mois. Le contraste entre le comportement très calme et ordonné des japonais au quotidien et celui des japonais du 31 octobre, costumés et euphoriques, est surprenant. Malgré un historique peu glorieux, Halloween a également su rapprocher japonais et étrangers le temps d'une soirée où chacun met de côté ses différences que ce soit pour profiter de la nuit ensemble ou pour nettoyer les rues de Shibuya ensemble le lendemain. Une expérience inoubliable, à refaire !
Allez, à bientôt pour un prochain Japonais à Volonté.