Trop facile

L'exemple le plus évocateur est Dead Space. Si on trouve que c'est un TPS action, quelqu'un dira :"Joues-y en Hardcore cauchemar de l'extrême la nuit au casque avec un bras attaché dans le dos, tu verras si c'est pas un survival !!!".

Dans les faits le joueur n'a pas tort, c'est sur le principe qu'il se trompe. Car avec cette logique, on peut aller très loin. "Si tel élément du jeu te facilite trop l'aventure, t'as qu'à pas l'utiliser !"... Ok... Mais je fais comment pour le deviner ?

En gros il faudrait se renseigner sur le jeu pour savoir, avant d'y jouer ; quelles options j'utilise, quelles autres je n'utilise pas, et dans quelle difficulté je joue ?
Non.
Ce n'est pas au joueur de faire cela, c'est au jeu. Si le jeu est différent d'une difficulté à l'autre, c'est que l'expérience n'est pas garantie pour tous.

Par exemple si Dead Space est un TPS en Facile et en Normal, ce n'est pas la faute du joueur. C'est parce que l'expérience de jeu est corrompue. Et encore... Est-ce que Dead Space est un survival, ou un TPS ? On ne le saura jamais, puisqu'il est les deux à la fois.

Si je joue à Blood Money en Facile, je joue au même jeu qu'en Professionnel ; un jeu de tueur à gages. Le jeu se charge lui-même des aides à fournir ou non selon le niveau de difficulté. Mais j'ai joué au même jeu, et si l'un est plus exigeant que l'autre, le principe lui n'est pas corrompu.

Si je joue à Uncharted 2 en Super Facile par contre, je peux transformer un TPS en Beat'em All puisque les balles ennemies me blessent sans me tuer, ou alors elles me tuent par accident. Essayez, mettez-vous au milieu d'une arène et posez la manette. On ne meurt pas, c'est pour cela que ce mode de difficulté est idéal pour les trophées très cons comme "Tirez sur un ennemi puis tuez-le d'un coup de poing 5 fois d'affilée".

Le principe d'Uncharted 2 est alors corrompu, ou corruptible. Le principe de ce jeu, c'est d'une de ne pas mourir, de deux de se mettre en cover pour éviter les balles, de tirer sur les ennemis et d'utiliser le c-à-c en dernier recours, contre les ennemis proches. Si je peux courir vers les ennemis pour les assommer d'un coup de poing, c'est que la difficulté est mal réglée.

Difficulté frustrante

Ça fonctionne aussi dans l'autre sens. Lorsqu'un jeu devient trop difficile, l'expérience est à nouveau corrompue. Si des humains deviennent dans la dernière difficulté des Terminators sur lesquels il faut vider des chargeurs complets, là aussi on rencontre un problème.

Dans Uncharted 1 et 2 (à part les boss pour le 2), le principe de jeu s'améliore avec la difficulté, du moins pour moi. On est poussé dans les derniers retranchements, on doit utiliser les ressources fournies, et surtout, on apprend de ses erreurs. Ainsi le mode extrême est tout à fait faisable sans réflexe surhumaine ou acharnement pénible ou, pire encore, en misant sur la chance. Ça demande juste l'envie de relever le défi.

Dans Motorstorm Pacific Rift, c'est le cas aussi. On apprend de ses erreurs, on sait qu'on peut grapiller du temps sur telle portion de circuit, etc. Puis arrive le Rang 6, et son IA cheatée. À partir de là, certaines courses sont tout simplement stupides, l'IA est téléportée pour vous rattraper à des endroits-clés, peu importe votre avance. Il faut donc élaborer une stratégie d'anti-jeu ; on apprend qu'à tel endroit il ne faut pas booster, non pour des raisons logiques, mais pour tromper l'IA qui se calque sur vous, on apprend à éviter cette portion du circuit car l'IA passe invariablement par là vu que son parcours est scripté exprès pour vous empêcher d'en profiter.

Bref, on ne joue plus à une expérience de jeu, on joue contre un programme en essayant de trouver les failles dans son système. Comme dans les jeux de combat où un dernier boss cheaté peut se faire massacrer si on spamme la balayette (Tekken 4 ou 5 je crois).

Créer sa propre difficulté

Évidemment, il y a toujours la solution de créer sa propre difficulté. Je ne suis pas contre cette idée, mais ça dépend comment.

J'ai trouvé Final Fantasy Tactics difficile la première fois, et très facile la seconde car je savais quoi faire. Pour retrouver une expérience de jeu motivante, je peux m'empêcher, lors d'une troisième partie, d'utiliser certaines compétences, d'éviter de trop monter de niveau, etc.

Mais lorsqu'un jeu n'est pas capable d'offrir une bonne expérience dès le premier run, ce n'est pas la faute du joueur. Un bon jeu, son principe est bon même dans sa difficulté la plus basse. Si on trouve ça trop facile, on sent également que ça va être meilleur en montant la difficulté ; pas juste plus dur. Meilleur.

Un jeu sans intérêt en Normal, oui peut-être est-il meilleur la difficulté au-dessus. Reste qu'il est sans intérêt en Normal, et que blâmer le joueur de ne pas avoir choisi la bonne difficulté, c'est remettre en question sa façon d'aborder un jeu. Peut-être privilégie-t-il l'expérience au challenge, tout en souhaitant une résistance. Si le mode Normal lui semble insipide, pourquoi voudrait-il rejouer au jeu dans une difficulté plus élevée ?

De même qu'un joueur qui choisit Facile, c'est peut-être histoire de s'acclimater au jeu avant d'essayer des niveaux supérieurs, de se faire aux mécaniques. Encore une fois, si le jeu se traverse sans vraie difficulté, même minime, s'il ne meurt jamais, la faute en revient au jeu et à son besoin de prendre les joueurs pour des gros nuls.

Le premier Uncharted est intègre dans tous ses niveaux de difficulté. Même le mode Facile offre une résistance. On sent que certains passages (les gunfights évidemment) seront plus cotons en Normal, et aussi logiquement en Difficile et Extrême. J'ai fait ce jeu dans toutes ses difficultés, et les gunfights devenaient meilleurs. Au fond la véritable différence, c'est une tolérance. en facile on peut prendre plus de balle dans le buffet, mais un fusil à pompe nous tue directement à courte distance. Les ennemis nous débordent en Facile, mais moins rapidement. J'ai joué au même jeu à chaque fois. Et si j'ai voulu augmenter la difficulté, c'est parce que je la trouvais gratifiante.

Si je crée ma propre difficulté, là c'est parce que j'estime le jeu, il m'a fait passer un premier bon moment. Le principe repose peut-être sur une forme de connaissance ; la difficulté repose sur la découverte, donc un second run demande quelques ajustements de ma part pour retrouver du challenge (si c'est possible). Quand on connaît parfaitement un niveau d'Hitman, pourquoi ne pas le reconmmencer sans utiliser une seule arme à feu ?

Mais faire le boulot à la place des devs, reprocher à des joueurs de ne pas avoir fait le tri, comme si c'était de leur faute si le jeu était mal fichu, encore non. Car on en arrive alors aux jeux à la carte où tout devient de la faute du joueur. Tomber sur des jeux du genre "Fais comme tu veux, tu peux tout faire à mains nues avec une barre de vie avec zéro indication t'es trop un true hardocre gamer, ou avec une sulfateuse et une armure indestructible et des aides partout parce que t'es un gros débile, c'est toi qui choisis, c'est de ta responsabilité !", c'est encore pire que des difficultés mal équilibrées. Ce n'est plus alors l'expérience de jeu qui est corrompue, mais sa conception.