Inutile donc d'attendre une révolution des mains de ceux qui l'ont déjà faite, finalement, il y a 2 ans avec le quatrième opus de la série Call of Duty - et premier des Modern Warfare. MW2 ne fait qu'asseoir une nouvelle fois la suprématie d'Infinity Ward en matière de shooter contemporain survolté, à la narration maîtrisée, mais surtout au multi incontournable.

Objectif : plein nos gueules

5 ans après les événements de Call of Duty 4 : Modern Warfare, on replonge dans une nouvelle course pour Roach, Ghost, Soap et les autres membres de la Taskforce 141, collectif de gros durs britanniques et américains issus entre autres des SAS, des Rangers et de la CIA. Leurs missions sous la direction du général Shepherd alternent une fois de plus avec d'autres au sein de l'armée de Terre, dans la peau de soldats jetés au beau milieu d'un conflit ultra-violent. Si Zakhaev, leader terroriste Russe, est mort dans le premier opus, ses idéaux ont bien entendu survécu, et c'est cette fois-ci aux trousses de son ancien bras-droit, Makarov, que l'on s'élancera au début, alors qu'une guerre tout ce qu'il y a de plus chaude oppose Russie et Etats-Unis sur plusieurs fronts dans le monde. Très exactement calquée sur Modern Warfare, cette suite articule de nouveau son scénario en trois actes, pour un total de 18 missions qu'on bouclera aussi rapidement que l'original (compter entre 6 et 8 heures en difficulté normale). Même rythme impeccable, même variété des situations et des lieux, mêmes scripts ultra-immersifs et idées de scénarisation dynamique remarquablement efficaces... mais aussi mêmes écueils qu'auparavant.

Ça s'appelle bien Modern Warfare 2...

Incontestablement, on en prend plein la gueule. Surtout au début, d'ailleurs, avec un enchaînement de niveaux cultes dans l'acte 1, d'Afghanistan aux magnifiques favellas de Rio, en passant par les montagnes enneigées et la fameuse scène "à polémique" de l'aéroport en Russie (j'y reviendrai brièvement). Mais on retrouve également un scénario qui pourra paraître décousu (surtout au twist du troisième acte), des personnages secondaires aux motivations et aux choix pas toujours très clairs, et un bordel géopolitique fictif qui nous amènera à des scènes certes cultes, mais aussi surréalistes. À vouloir maintenir un rythme haletant, on y perd ainsi un peu de liant. Heureusement, Infinity Ward a pris soin de rendre cette campagne moins manichéenne que celle de Modern Warfare, et si on n'en saisit peut-être pas tous les détails de prime abord (beaucoup d'éléments narratifs étant contés en communications radio, en plein milieu de l'action), elle a au moins le mérite de brouiller les pistes... Et ludiquement, de la poursuite à Rio à l'extraction d'un personnage bien connu emprisonné dans un goulag Russe, en passant par la guerre totale en plein territoire américain et les scènes de percées façon SWATs - résolument jouissives avec leurs quelques secondes de ralenti suivant l'explosion de la charge posée contre un mur une porte - on frise l'irréprochable. Parfois, c'est vrai, on chute sans savoir pourquoi, tant ça tire dans tous les sens, et on frôle la frustration lorsqu'une sauvegarde de checkpoint malheureuse nous colle dans l'embarras, mais au global, l'IA impressionnante, certains niveaux plus ouverts, l'excellence de la réalisation visuelle et sonore (avec toujours des animations incroyables), la variété de l'ensemble et l'effort général considérable pour améliorer tous les aspects du jeu imposent le respect et font oublier les petits défauts, comme les écueils de Body Awareness, lorsqu'on ne projette pas d'ombre ou que nos pieds sont invisibles, ou encore le tank allié qui vous roule dessus sans vergogne, alors que vous vous planquiez derrière lui pour finir le dernier ennemi du coin et déclencher ainsi, ironie du sort, le script ordonnant au blindé d'avancer.

Tout pour le multi

Vous l'aurez compris, la campagne solo est peut-être encore trop courte et quelque peu imparfaite niveau scénario, mais néanmoins réussie, et redoutablement efficace des points de vue ludique et narratif. Et comme pour Modern Warfare, c'est bien du côté du multi que l'excellence absolue est à chercher ; d'abord pour le compétitif, raffiné et enrichit sur une myriade de petits détails, mais aussi et surtout du côté du mode "Spec Ops", surprenant d'intérêt coopératif. C'est à mon sens LA véritable bonne surprise de Modern Warfare 2, et ce n'est pas seulement parce que j'y ai passé du temps avec un certain TSR (coucou !) que l'expérience fut si plaisante, mais aussi parce que ce mode est diaboliquement pensé pour scotcher. Prévues pour être parcourues à deux joueurs (en splitté ou sur le Live), même si on peut les débloquer en solo, les épreuves sont incroyablement variées, avec de l'infiltration, du parcours en temps limité, de la course de moto-neige, de la percée à l'explosif, et même de la séparation entre les deux joueurs, l'un en l'air, couvrant à l'arme lourde la progression de l'autre, resté au sol. Chacun aura ses préférées, mais sur les 5 groupes de 5 épreuves à difficulté croissante, il y en a forcément certaines dont vous ne pourrez pas décrocher tant que vous n'aurez pas réussi à récupérer les trois étoiles récompensant les meilleures performances, souvent dépendantes d'une bonne coordination entre les deux joueurs. Avec la possibilité de se relancer immédiatement dedans à la manière d'un Trials HD, quasiment sans chargement entre les essais, et une courbe de difficulté ardue mais juste, Spec Ops offre une expérience coopérative fraîche, ultra variée et très bien pensée. Une réussite et un véritable regain d'intérêt pour le titre, ainsi qu'une extension bienvenue au très court solo.

Le meilleur compétitif du genre ?

Reste donc le fameux multi, dont les grands principes introduits par Modern Warfare restent les mêmes. Chaque match permet d'accumuler des points et de passer des niveaux qui, à leur tour, débloquent tout un tas de trucs, de la possibilité de créer des classes personnalisées à des capacités ou équipements spéciaux récompensant l'utilisation émérite d'un arme particulière, en passant par de l'accès à de nouvelles récompenses en jeu pour les chaînes de frags. L'ensemble est complété par un système d'emblèmes et de rangs, permettant de personnaliser plus encore son incarnation virtuelle, mais aussi par des moyens pour les débutants ou les moins habiles de rester dans la course, en leur donnant des capacités accrues ou la possibilité de cloner leur tueur, par exemple, lorsqu'ils tombent trop souvent sans parvenir à fragger quiconque. Tout du long, jusqu'à atteindre le niveau 70 (pour débloquer un mode de plus : "commander"), les carottes sont innombrables et les modes disponibles toujours variés et complets (même si ceux en troisième personne n'apportent finalement pas grand chose). Les maps ont l'air aussi brillamment conçues que dans le premier opus, si ce n'est plus encore, même s'il sera difficile d'être catégorique à ce sujet sans les avoir jouées plus longuement. Sur consoles en tout cas, ce multi compétitif est sans aucun doute le meilleur du genre, et on ne peut guère lui reprocher que de ne pas avoir incorporé quelques fonctions de communauté à la Halo 3, façon replays et compagnie - quoique la plupart des joueurs n'en auront cure. Pour le PC, du point du vue ludique il n'y a sans doute pas lieu de lui faire de reproche non plus, mais l'affaire des serveurs dédiés, elle, pourra à elle seule ruiner l'expérience de certains - et on les comprend.

Violent, certes, et tant mieux

Avant de conclure, donc, un petit tour du côté de la polémique concernant la violence de certaines scènes. D'abord, soulignons qu'à la différence de son prédécesseur, classé "16+", celui-ci est un "18+". Il les vaut largement car, c'est vrai, il est particulièrement violent. Mais concernant la scène des otages - comprenne qui pourra, mais ne spoilons pas - s'indigner relèverait purement et simplement de la mauvaise foi. D'abord parce qu'en commençant la campagne, et juste avant de jouer le fameux niveau, le jeu met par deux fois en garde que la scène peut choquer et offre l'option de la passer sans la jouer, avec une confirmation supplémentaire (donc trois occasions de s'en passer). Ensuite parce que, contrairement à ce qu'on pourrait croire, rien n'oblige le joueur à entreprendre des actions immorales ; il peut "jouer" la dite scène sans que le jeu ne le pousse directement à commettre l'atrocité que le niveau dépeint. Enfin parce que merde ! Il est évident que la volonté d'Infinity Ward sur cette courte séquence n'était pas de faire dans la provocation, mais bien d'apporter à son scénario et à l'ambiance un poids particulier, et une perspective appuyée sur ses personnages. Comme dans certains films aux scènes parfois difficiles. On pourra sans doute trouver que l'effet est raté, pourquoi pas, mais l'initiative reste sans aucun doute plus digne d'intérêt que de polémiques ampoulées.

Au final, ce Modern Warfare 2 remplit donc son contrat, mieux encore que son aîné. Réalisation béton, expérience immersive au possible, gameplay affûté... tout y est, et si on regrettera sans doute encore une campagne un peu courte, ainsi que quelques rares écueils rescapés de l'original, la présence du nouveau meilleur multi du genre (sur consoles) et d'un mode Spec Ops absolument incontournable complètent une formule qui, à défaut de bousculer nos attentes, les comblent incontestablement.