L'année 2009 représente à plus d'un titre une date importante dans l'histoire du groupe mythique de Liverpool, entre l'annonce par Robert Zemeckis d'un remake en 3D du film d'animation Yellow Submarine et le succès annoncé de la ressortie de leur discographie complète et remasterisée, vague sur laquelle Electronic Arts vient aussi surfer en leur dédiant un épisode entier de Rock Band. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, c'est à Harmonix - chez qui on préfère la chaleur et le feeling rock'n roll de leur gameplay, plutôt que la rigueur scientifique d'un Neversoft qui préside désormais à la destinée de Guitar Hero - que revient l'honneur de recréer l'univers des Beatles. Sur un plan strictement technique, le travail d'adaptation tenait déjà de la gageure puisqu'il fallait reconvertir pour les besoins du jeu les plus vieux morceaux en format multi-pistes, transformation qui a été rendue possible avec l'aide précieuse de Giles Martin, fils du producteur des albums des Beatles. Un autre gage de qualité donc.

Quatre garçons dans le vent

Adoptant un point de vue fantasmé et fantaisiste sur la carrière des Fab Four, le résultat se hisse d'entrée de jeu à la hauteur vertigineuse de nos attentes à peine la galette enfournée dans le lecteur. En effet, la première claque vient de l'habillage graphique hallucinant qui accompagne le moindre menu, en parfaite adéquation avec l'esprit beatnik des Beatles. Parmi les classiques modes de jeu et bonus qui accompagnent The Beatles : Rock Band (solo, multi, divers défis et matériel photo-vidéo original), on retiendra principalement le mode histoire qui propose une longue incursion initiatique au cœur de la biographie du groupe. C'est ainsi que le Cavern Club, scène sur laquelle se produisaient dans les années 60 des jeunes musiciens anglais encore peu populaires, devient la première escale d'un voyage chronologique divisé en 8 chapitres qui nous fait emprunter les endroits les plus signifiants et emblématiques du parcours des Beatles. La visite continue alors via des lieux aussi divers et variés que le Ed Sullivan Show, le Shea Stadium, le Nippon Budokan, les fameux studios Abbey Road ou encore le mémorable concert sur les toits de l'immeuble Apple Corps.

Magical Mystery Tour

La scénographie, inédite dans cet épisode, n'avait jamais été poussée plus avant dans un jeu de ce type. La performance musicale dans The Beatles : Rock Band est généralement accompagnée par une foule en délire composée en grande partie de nymphettes sauvages, les passants sont interpellés, les policiers courent après les fans hystériques, bref, chaque morceau se réclame ouvertement de la vie parfois confuse et souvent débridée des Fab Four. De nombreux tableaux proposent même de revisiter, en détournant certains des clips officiels, les obsessions du groupe quelquefois teintées de LSD et de marijuana, à l'image de I am the Walrus, Lucy in the Sky with Diamonds, Here comes the sun ou Yellow Submarine. Quant à la personnalisation du quatuor, loin des avatars impersonnels des précédents épisodes, Harmonix a su sublimer les clones numériques des Beatles, leur conférant une humanité qui sied à merveille aux thématiques explorées par les différents albums. Les tenues vestimentaires évoluent ainsi avec le temps (on retrouve entre autres les fameux costumes de Sergent Peppers) tandis que l'apparence physique change régulièrement, en accord avec les périodes abordées. Peu de changement en revanche en ce qui concerne le gameplay, si ce n'est l'ajout d'un mode polyphonique afin d'autoriser les harmonies vocales jusqu'à trois chanteurs, de façon à mieux respecter l'esprit des Beatles qui entonnaient fréquemment leurs refrains en chorus.

Money for nothing

Derrière ce portrait idyllique subsiste pourtant une part d'ombre, où l'on déplore ce qui devient malheureusement une fâcheuse habitude chez les éditeurs, au travers de DLC vendus dès la sortie du jeu ou annoncés pour une sortie ultérieure, et qui disposent de singles incontournables (All you need is love, Help!, Love me do, Hey Jude, Let it be, etc.) qu'on espérait plutôt retrouver sur le disque principal, disponible lui au prix fort. Cette propension à presser un citron déjà bien mûr nuit au plaisir que l'on aimerait total, mais seuls les joueurs, et par extension leur CB, ont le pouvoir de changer ce calcul marketing qui se généralise de plus en plus. De fait, si The Beatles : Rock Band aurait pu prétendre à la note ultime, la politique commerciale d'Electronic Arts prend ostensiblement le consommateur pour un pigeon, ce qui n'empêchera bien évidemment pas le titre d'exploser dans les charts. Mais pas sur Gameblog.

Que l'on soit fan hardcore, amateur éclairé ou profane, The Beatles : Rock Band constitue une magnifique porte d'entrée vers l'univers bigarré des Beatles, élaboré avec un respect et un soin méticuleux proprement effarants envers l'œuvre mythologique du groupe. Un must pour peu que l'on aime le genre, même si l'on regrette qu'il faille déjà repasser à la caisse pour profiter pleinement de ces places de concert posthume.