Malgré des menus rhabillés et le retrait d'un sombre filtre "cache-crénelage" - pour ne pas dire cache-misère - qui donne à AO Tennis 2 des couleurs nettement plus vives, ce second opus ressemble a priori beaucoup à la dernière version en date de son prédécesseur. Et les légers, quoique trop récurrents efforts de théâtralisation des stades en préambule des matchs, ou les quelques courts ajoutés, uniquement à Melbourne de surcroît, ne sauraient atténuer cet air de déjà vu. En somme, une réalisation encore plutôt austère, loin des références sportives actuelles et de l'expérience intense de l'événement promise. Idem pour la modélisation des joueurs et joueuses, quasi identiques hormis les petites retouches réservées aux plus célèbres. À noter d'ailleurs la disparition de certain(e)s par rapport au précédent opus, tels que Yuichi Sugita, Steve Johnson, Hyeon Chung, Agneszka Radwanska (partie effectivement en retraite depuis) et surtout Naomi Osaka. Heureusement, le casting initialement aussi maigre que guère prestigieux a été considérablement étoffé d'un point de vue qualitatif, et pas qu'avec des noms connus (Ashleigh Barty, Stan Wawrinka et Nick Kirgyos en tête).

De beaux gestes

Les mises à jour avaient ainsi incorporé les gestes spécifiques de certain(e)s champion(e)s, une quête de variété et d'authenticité appréciable, sinon nécessaire, poursuivie ici. Seules les vedettes disposant d'une technique très particulière profitent toutefois de ce travail de reproduction, faute de motion capture effectuée directement avec l'immense majorité de ces professionnels (Thanasi Kokkinakis reste l'exception). On (re)trouve donc enfin les frappes demi agenouillées d'Angélique Kerber, les revers sautés de David Goffin, le service en appuis serrés de Gaël Monfils et le coup droit peu académique de Karen Kachanov. Dommage que cette fidélité ne se traduise pas toujours sur leurs caractéristiques, le dernier cité s'étant vu par exemple attribuer un revers supérieur au coup droit, alors que c'est le contraire dans la réalité... Des lacunes d'expertise subsistent à l'évidence chez Big Ant, en témoigne la prise de raquette située souvent presque au milieu du manche. Et si la plupart des errances de déplacements ont été corrigées, l'étonnante réduction des glissades sur terre battue en comparaison du cru le plus récent démontre qu'il y a encore du boulot.

De la délicatesse

De même, les volées sont redevenues trop incisives, les demi-volées trop aisées, tandis que certains sprints demeurent supersoniques, à l'instar des coups en bout de course assortis d'effets caricaturaux. Pourtant, en se penchant sur les détails, on s'aperçoit que les retours bloqués sont beaucoup moins fréquents, et remplacés par des frappes aux trajectoires bombées plus crédibles. En outre, il est dorénavant possible de se décaler davantage latéralement en simple au service. Enfin une multitude d'animations supplémentaires permettent de pallier aux différentes situations, y compris pour les tweeners, nonobstant la gestion des lobs et des smashs encore perfectible. Car le gameplay se base globalement sur des principes inchangés, mais à force d'optimisation, son potentiel parvient finalement à s'exprimer, de la même manière que sa maîtrise requiert beaucoup d'entraînement. Et s'il ne procure toujours pas suffisamment de sensations, le système du timing s'avère délicat, dans tous les sens du terme. Cette approche résolument réaliste - on applaudit bien fort - orientée par la prise de risques en fonction de la puissance et de la zone visées, suscite naturellement des fautes...

Foul play

L'appel au Hawk-Eye (autrement dit la possibilité de contester une annonce en utilisant une sorte de caméra radar) avait ainsi déjà prouvé son intérêt, surtout spectaculaire généralement, en atteste son intégration à l'ensemble des courts du véritable Open d'Australie depuis l'année dernière. AO Tennis 2 en remet une couche par le biais de réactions positives ou négatives que l'on a loisir de déclencher entre chaque point (ou service). Ces séquences ne se distinguent cependant ni par leur diversité, ni par leurs teneurs appropriées, puisqu'elles ne s'adaptent pas forcément au contexte, de sorte qu'une dispute avec l'arbitre est susceptible d'être lancée même en ayant remporté l'échange précédent. Il aurait été si amusant de pouvoir narguer son partenaire, casser sa raquette à l'envi, ou pour les plus fair-play de demander le Hawk-Eye alors que l'arbitrage humain s'était prononcé à l'encontre de son adversaire, à la façon de Patrick Rafter, Mats Wilander ou Stefan Edberg jadis... En l'état, le comportement affiché n'a une qu'une incidence sur le public, plus réactif qu'auparavant, un facteur pris en compte dans le mode carrière, désormais scénarisé.

Image is (not) everything

Sur le fond, ce dernier a peu évolué, avec sa jauge de fatigue, voire des blessures influencées entre autres par les voyages, éventuellement contrebalancées par les atouts que constituent l'équipe et l'organisation logistique autour du champion. Sur la forme en revanche, des cut scenes s'immiscent à chaque étape plus ou moins importante de cette (longue) vie de sportif professionnel, affublé dans cet épisode d'une réputation variable en prime. Pas besoin de s'étendre sur le jeu d'acteur sommaire des protagonistes, l'agent se contentant peu ou prou de suggérer à son protégé de prendre certaines décisions assez logiques sur sa tablette (s'entraîner davantage, s'essayer à des événements spéciaux, des tournois de plus haut niveau, ou raccrocher la raquette, par exemple). Des choix réellement inédits sont néanmoins proposés lors des rutilantes conférences de presse, à travers des réponses allant des plus sarcastiques aux plus consensuelles. Là encore malheureusement, les conséquences de l'attitude adoptée se traduisent essentiellement par les messages reçus à l'issue des compétitions, les pseudo réseaux sociaux et les sponsors n'en ayant cure, ou presque.

Carrière de pro, ou d'amateur ?

Des lacunes en terme d'immersion que l'on constate dans d'autres domaines, à commencer par les compétitions en double rajoutées ici, pour peu que l'on parvienne à trouver un partenaire qui accepte l'invitation, puisque les points obtenus sont cumulés avec ceux des simples ! Un mélange douteux qui ne fait que souligner le côté superficiel du fonctionnement du classement, et trouve sa pire illustration dans la "World Cup" (alias "Big Ant Championship" dans la précédente itération). Ce tournoi est censé s'apparenter au fameux "Masters" de fin d'année, qui réunit les huit premiers de la hiérarchie en deux groupes de poules suivies de demi-finales et finales. Sauf que dans AO Tennis 2, son format a été mixé avec la coupe Davis, ou l'ATP Cup, des concepts chamboulés par ailleurs il est vrai sur le circuit actuellement. Résultat, les participants y représentent leur pays, en simple ou doubles, et commencent directement en quarts, face à d'autres nations qui ne figurent quelquefois même pas parmi les mieux classées, la Moldavie dans notre cas. Et ne parlons pas des trop nombreuses surprises des matchs simulés, une option somme toute pratique étendue à l'intégralité des parties. Fatalement, le réalisme en prend un coup, aggravé par la cohorte de compétiteurs génériques.

Un scénario classique

Bien que l'I.A. tende à abuser des slices et conserve une appréhension à aller au filet, le challenge se révèle assez cohérent tennistiquement, et potentiellement très élevé en fonction du niveau de difficulté, même en double grâce aux options tactiques intégrées entre temps. Mais la relative uniformité des styles de jeux et des quidams lookés à la louche procédurale présents à l'origine fait une nouvelle fois peser les perspectives d'amélioration sur la communauté, idem pour les courts des différentes destinations. Une tradition chez Big Ant, qui évite par la même occasion de se fendre d'un véritable travail de fourmi, et de sortir le portefeuille pour payer des licences, en s'appuyant sur la passion des utilisateurs. En témoigne le mode Scénarios, que le studio s'est contenté d'implémenter sans le moindre match d'anthologie au programme. Si à l'image des autres modes, cet éditeur comporte tout le nécessaire pour (re)créer et partager ce que l'on souhaite, le sentiment d'avoir une production inachevée ne saurait encore une fois s'effacer. Espérons que les très probables mises à jour l'y aideront, en attendant, qui sait, un autre millésime...