Le concept de film interactif, voilà des décennies que l'industrie vidéoludique essaie de l'embrasser. Et si certaines productions peuvent rester dans les coeurs, un brin de lucidité suffit à relever des problèmes, prêtant à rire ou à pleurer, dus principalement à des contraintes techniques. C'est là qu'Erica se distingue d'emblée.

Pas de transitions lourdingues ou de modélisations disgracieuses : absolument tout le contenu visuel est réel, des environnements aux objets avec lesquels on se retrouve à interagir. De quoi intriguer et attirer un public plus mainstream. Ce "jeu" de la gamme Playlink accomplit en outre sa mission d'accessibilité au plus grand nombre. Il ne suffit que d'une paire de doigts frottant ou tapotant le pavé tactile de la Dual Shock 4 ou l'écran d'un smartphone iOS ou Android via l'application compagnon pour progresser. Tout est parfaitement indiqué, clair, sans accroc, que l'on parle des décisions à prendre en un temps limité ou de manipulations. Une base convaincante si Flavourworks envisage d'autres productions du même tonneau. À noter que la V.F. (sous-titres et audio proposés) achèvera de convaincre les anglophobes, même si certaines choses écrites ont simplement été oubliées d'être traduites à l'écran.

Pas assez de blabla ?

Alors oui, c'est sûr, lorsque l'on joue avec le capot d'un briquet ou le noeud d'un paquet-cadeau, que le tout se meut à la vitesse souhaitée, avec possibilité de "rembobiner" ou suspendre le geste, cela ne fait pas toc. La fluidité et la facilité de l'exercice aident même à se croire pleinement plongé dans la peau de l'héroïne, campée par l'actrice britannique Holly Earl. Reste que la multiplication de phases superflues ne donne à aucun moment l'impression de jouer, mais plutôt de subir. En dehors de choix de direction à prendre ou de réponses à adopter, un peu trop orientées, on baigne dans le gadget. Dommage car, sans aucun doute, quelques puzzles ou énigmes stimulant l'intellect, même de manière très légère pour éviter un éventuel blocage, n'auraient pas été de trop. Mais l'on peut comprendre que l'idée était surtout de suivre sans détour ni étape une trame que l'on imagine, au départ, intrigante.

Histoire courte

En dépit de ses plans travaillés, de son image filtrée pour laisser vibrer les couleurs comme il se doit et de son ambiance sonore plutôt réussie, l'histoire d'Erica Mason se présente davantage comme le téléfilm zarbi de deuxième partie de soirée que le film dont on parle avec son entourage les jours qui suivent le visionnage. Il y est question d'une jeune femme dont le père a été assassiné alors qu'elle n'était qu'une enfant, de marques étranges, d'hôpital psychiatrique, de flics et de patients à qui l'on ne sait pas si l'on doit faire confiance, de confusion entre le rêve et la réalité...

Et côté émotion ou implication, ça ne fonctionne pas vraiment. Peu importe les voies que vous emprunterez - et il y a pas mal d'embranchements, ce qui laisse si besoin est, la possibilité de se diriger vers d'autres dénouements -, il y a peu de chances que le scénario ou les personnages, pas mal interprétés mais très peu développés, laissent une marque dans votre esprit. Le tout, un peu téléphoné, fait parfois expédié pour essayer de correspondre au temps d'un visionnage de pellicule (ne comptez pas plus de deux heures pour arriver au bout) et prend trop de raccourcis, souvent au détriment de connexions cohérentes. Dommage.