Suite à l'invasion de Chimères qui ont déferlé sur le monde, l'humanité est contrainte de se retrancher sur une île artificielle : l'Arche. Pour pallier à l'assaut de ces créatures venues d'une autre dimension, une division spéciale de la police est créée, Neuron, et avec elle les redoutables Légions, Chimères capturées, asservies et ne pouvant être contrôlées que par une petite poignée d'élus.

Twin Flics

Dès le début de l'aventure, il nous est demandé de choisir le sexe de notre personnage (et de le personnaliser comme nous le verrons plus bas), sachant que l'autre sera incarné par notre jumeau Akira. Tous deux font partie de Neuron et doivent régulièrement faire face à l'assaut des abominations qui se manifestent dans la ville. Après une introduction particulièrement pêchue qui nous emmène d'emblée dans le feu de l'action, Akira et notre avatar se voient octroyer un Légatus, sorte de terminal qui leur permet d'invoquer les fameux Légions, unique recours pour se défaire des Chimères.

Si vous avez une impression de déjà-vu, c'est normal : les prémisses d'Astral Chain ressemblent à s'y méprendre à celles de Neon Genesis Evangelion, oeuvre mecha culte de la japanimation. On ne sera alors pas étonné d'apprendre que le mangaka Masakazu Katsura (Video Girl AI, Zetman) est à la manoeuvre sur le design des personnages. L'influence anime est donc prégnante, et ce dès les premières minutes du jeu avec une intro dynamique saupoudrée de J-pop. L'ensemble du cast demeure attachant et, quant au scénario, si on n'échappe pas à quelques éléments prévisibles, l'intrigue se révèle suffisamment prenante pour que le joueur reste accroché jusqu'au bout. D'autant que le final se révèle véritablement dantesque ! D'ailleurs, certaines questions sans réponse laissent déjà présager d'une suite... (si le succès est au rendez-vous).

La direction artistique s'inspire évidemment des canons de la SF nippone, avec ses couleurs chatoyantes et son style semi-réaliste. Le jeu est franchement joli et ne souffre pas de coquille visuelle majeure : le style anime rend très bien, tant en mode portable que sur la télé - un peu d'aliasing et d'effet de scintillement sur cette dernière, rien de bien méchant. Concernant la partition musicale, elle se prête bien aux séquences du jeu, tantôt épique contre les boss, tantôt lancinantes lors des phases d'enquête ou bien électroniques lorsque l'on parcourt les couloirs du QG de Neuron. Là aussi, aucune fausse note, Astral Chain jouit d'un très bel écrin visuel et sonore.

A Link to Another World

Le jeu dispose d'une structure bien définie et ne dévie jamais véritablement de celle-ci. Ainsi, le joueur doit enchaîner un certain nombre de missions principales - appelées ici "Fichiers" - avec à chaque fois entre ces missions un petit tour par le QG de Neuron, qui fait office de hub central. Si l'on pouvait craindre un empilement de missions accessoires et sans intérêt, ce n'est pas le cas puisque chacune d'elle permet au joueur de visiter une petite portion de l'Arche. Ces Fichiers - en réalité les chapitres du jeu - peuvent prendre une à quatre heures de votre temps selon votre propension à flâner et accomplir les quêtes annexes.

Ainsi, il n'y a pas véritablement de temps mort, sachant que tous les Fichiers font avancer considérablement la trame du jeu. Outre les quartiers de l'Arche, le joueur est également amené à traverser plusieurs fois des portails pour se rendre dans la dimension des Chimères, avec ses panoramas carminés et unis qui tranchent avec l'urbanisme fourmillant de l'Arche.

Ce rythme soutenu va de pair avec le dynamisme de la mise en scène, uniquement malmenée lors de simples discussions entre les personnages, hors cut-scenes, les visages demeurant dans ce cas très passifs. À noter que notre personnage ne parle pas mais la maîtrise de la scénographie est telle que cela n'est jamais véritablement gênant, a contrario de l'apathie d'un(e) certain(e) Byleth (Fire Emblem : Three Houses) par exemple. Le titre bénéficie en outre de doublages japonais et anglais ainsi que de sous-titres français, pour le bonheur de tous.

Sans offenser Chimères

Avec tout ça, on en oublierait presque qu'on a affaire à un jeu PlatinumGames. Pas de panique ! Les affrontements prennent une large part sur le contenu de l'aventure et, croyez-moi, Takahasa Taura (connu notamment pour son implication dans NieR Automata) et son équipe se sont démenés pour rendre le jeu à la fois fun et très diversifié dans son approche des combats. Pour commencer, notre personnage a à sa disposition une arme, la matraque-X, qui peut prendre trois formes différentes : le bâton pour les attaques rapides, le pistolet pour celles à distance et le glaive pour infliger plus de dégâts. Le joueur permute aisément entre elles à l'aide des touches haut et bas du d-pad, tandis que la touche ZR lui sert à asséner les coups et la touche B à esquiver. En demeurant appuyé sur la touche X, le joueur accède à une roue à huit slots lui permettant de désigner un objet soignant ou offensif et d'y recourir par une simple pression de cette même touche. À noter que deux types d'objets existent : les non-permanents, qui disparaissent après l'achèvement d'un Fichier, et les permanents, qui restent.

L'intérêt du gameplay réside avant tout dans l'exploitation des Légions. On en acquerra cinq tout au long de la progression du jeu ; on aura bien le temps de se familiariser avec chacun d'eux, d'autant qu'ils sont parfaitement complémentaires. Une simple pression de la touche ZL invoque la Légion et celle-ci attaque automatiquement l'ennemi le plus proche, la touche Y servant à permuter entre les Légions disponibles et la touche R à les ranger. Chaque Légion dispose d'aptitudes particulières en combat, Poings attaquant les ennemis de face et Arc en restant à distance par exemple.

Le personnage peut également enchaîner une série de combos en alternant entre la touche d'action et l'esquive, ceux-ci variant selon l'arme employée. À la fin de ces enchaînements, une pause furtive s'enclenche au cours de laquelle doit vite appuyer sur la touche ZL afin d'effectuer une attaque synchronisée et ainsi finir en beauté. Ces attaques synchro sont donc facteurs à la fois de l'arme utilisée, de la Légion déployée et du combo du personnage, ce qui autorise une sacrée pelletée de combinaisons différentes ! Lorsque l'ennemi est quasiment défait, le joueur peut appuyer sur cette très sollicitée touche ZL afin de l'achever en envoyant le Légion lui briser littéralement le coeur et redonner la totalité de sa santé au personnage.

Astral gagnant

Si les Légions attaquent automatiquement l'ennemi, ils n'en demeurent pas moins solidement liés à celui/celle qui les contrôle par le biais de la chaîne astrale. Le joueur déplace ainsi le Légion à sa convenance en restant appuyé sur la touche ZL et en usant du stick droit, celui-ci permettant également de faire bouger la caméra ou de locker l'ennemi. Avec trois usages différents pour ce stick, la prise en mains est déroutante au départ mais l'on s'y fait très vite. Ce gameplay asymétrique, avec contrôle du personnage d'une part et de la Légion d'autre part, est l'occasion d'exploiter pleinement le potentiel de la chaîne astrale, en l'enroulant autour de l'ennemi pour le saucissonner pendant un temps ou en anticipant ses charges pour l'envoyer valser. La chaîne astrale se révèle également utile pour rejoindre des plates-formes éloignées ou pour faire apparaître des espaces invisibles, comme c'est le cas dans la dimension des Chimères.

Le lien entre le personnage et sa Légion prend pleinement son sens lorsque l'on active, au moyen de la touche L, une capacité spéciale qui varie en fonction de la Légion déployée. Le temps se fige pour permettre par exemple à Épée de briser le lien entre une chimère et une autre ou bien au personnage d'effectuer un tir précis précis avec Arc. Il faut savoir par ailleurs que les Légions possèdent une jauge d'utilisation qui se consume avec le temps ou en abusant de cette capacité spéciale. Une fois cette jauge arrivée à son terme, le joueur doit attendre avant de pouvoir de nouveau invoquer les Légions : il faudra bien tenir compte de cela sous peine de se retrouver en fâcheuse posture face aux ennemis.

Cela fait beaucoup d'éléments à assimiler concernant la manière d'aborder les affrontements mais heureusement, tout ceci se fait progressivement au cours de l'aventure et par le biais de tutoriels bien utiles. Il faut souligner en tout cas que la prise en mains en quasi-immédiate et que le fun, lié aux multiples possibilités d'action, est véritablement présent. Tout ceci dans une fluidité satisfaisante dans l'ensemble mais qui vacille parfois, surtout quand il y a plus de trois ennemis ou que l'on se déplace rapidement dans les zones.

Photos à l'appui

Mis à part le fait de tâter de la bébête, il ne faut pas oublier que notre personnage est avant tout un agent de police et c'est tout naturellement qu'il se retrouve sur le terrain pour résoudre des enquêtes. Comme j'avais pu le constater lors de ma première prise en mains, celles-ci sont l'occasion d'exploiter le mode IRIS, sorte d'interface visuel servant à analyser les données présentes sur une scène de crime. Le personnage doit alors analyser des empreintes, écouter des conversations à la dérobée (à l'aide de sa Légion Épée) et recouper toutes ces informations afin d'assembler le puzzle. Le joueur peut accéder à l'ensemble des notes prises par une simple pression de la touche gauche du d-pad.

Ces phases, finalement pas si nombreuses que cela, demeurent sympathiques mais pas franchement exaltantes. Heureusement, le mode IRIS jouit d'autres fonctions. Il indique la direction à suivre précise pour se rendre à l'objectif principal, en plus de la carte en haut à droite de l'écran, il offre l'opportunité d'analyser tout un tas de données futiles sur les PNJ croisés comme leur âge, leur groupe sanguin ou leurs mensurations, mais surtout il permet en combat d'afficher la barre des ennemis qui ont été sondés. Capital contre certains sacs à PV, en particulier les nombreux boss du jeu.

Plus accessoirement, si vous vous sentez l'âme d'un Robert Capa, un mode photo est de la partie afin de nourrir la base de données conséquente du jeu, consultable sur l'ordinateur du héros, au QG Neuron. Lieux, personnages, ennemis : rien n'échappe à votre objectif, d'autant que ces derniers, y compris les boss, sont au nombre de 167. Oui, le bestiaire est bien fourni !

Exploraction

Avec tout cela, on pourrait se dire qu'on a fait le tour de ce qu'Astral Chain a à nous offrir. Que nenni ! Si on ne peut clairement pas parler d'open world, la dimension exploration n'est pas absente pour autant. Selon les Fichiers, le joueur peut parcourir des zones plus ou moins vastes. Petit bémol : la présence récurrente de ces murs invisibles archaïques et un peu grossiers, qui nous rappellent au bon souvenir de l'ère PS2/Gamecube. Notons également la relative propension au recyclage pour certains environnements, qui n'en demeurent pas moins riches et qui fourmillent de détails.

Tout un tas de missions secondaires sont disponibles au cours de l'exploration. On sera ainsi amené à aider une mère à retrouver son enfant égaré, à prêter main forte à la police locale en prenant en filature des malfrats ou bien à vaincre le record de cibles atteintes dans un temps imparti à l'aide de la Légion Arc. En plus de cela, il nous est demandé de nettoyer la matière rouge, issue de la corruption émanant du monde chimérique, de bleuir les personnes contaminées par cette corruption, de recueillir des chats égarés ou bien à visiter des toilettes publiques (oui oui). Comme on peut le voir, les occupations sont aussi variées qu'insolites.

Si la chaîne astrale offre la possibilité de se ruer instantanément sur les hordes d'ennemis en combat, elle est également utile pour rejoindre des plates-formes éloignées ou faire apparaître des espaces invisibles, comme c'est le cas dans la dimension des Chimères. Les capacités spéciales des Légions évoquées plus haut trouvent également des applications hors-combat, à travers des casses-tête somme toute assez simples qui sollicitent les éléments du décor.

All Coop' are bastards ?

La progressivité du jeu passe notamment par un triple-système d'améliorations : celles des Légions, du Légatus et de la matraque-X. Pour ces deux derniers, il suffit de se rendre auprès d'une certaine Tabatha au QG et en l'échange de points de service et de codes matériel obtenus par l'accomplissement de missions, elle vous augmente leur niveau, l'arme frappant par exemple plus fort et augmentant la jauge d'utilisation des Légions ou la vitesse de remplissage de celle-ci pour le Légatus. Les Légions bénéficient quant à eux d'un véritable arbre de compétences actives et passives, déblocables par l'exploitation des Codes ADN glanés en défouraillant de la Chimère ; cela peut aller de la simple augmentation de stats à l'obtention d'un nouveau combo lors du déploiement de la Légion.

Je ne l'ai pas évoqué jusqu'à présent, mais c'est pourtant l'une des premières choses que l'on nous demande de faire à démarrant la partie : personnaliser son avatar. Alors on est loin d'avoir des outils de customisation comme dans la plupart des jeux de rôles occidentaux ici, mais on est tout de même en mesure de choisir la coupe de cheveux du héros, la couleur, celle des yeux et celles de la peau. Sachant que tout ceci est de nouveau modifiable au QG, avec en plus le loisir de changer la tenue du personnage. Tout ceci n'affecte pas les stats et reste esthétique, de même que pour le changement de couleurs dominantes des Légions.

Abordons à présent un des principaux écueils du jeu : le mode co-op. Partant d'une bonne intention, il permet à deux joueurs de se retrouver sur une même partie, un premier Joy Con pour le contrôle du personnage, le second pour celui de la Légion. Sauf que ce qui est fun et immédiatement accessible en solo s'avère être une véritable plaie en duo. Pour faire simple, la répartition des commandes n'est pas adaptée aux parties à deux puisqu'un seul joueur contrôle le déplacement de la Légion mais il n'y a que l'autre qui puisse activer le déplacement à proprement parler de celle-ci. Même chose pour le contrôle de la caméra ou l'exploitation des combos. Bref, la fausse bonne idée.

Fichier S+

Lorsque la partie démarre, sans passer par un menu principal, elle est automatiquement en mode facile. Il faut alors conclure le premier Fichier introductif pour basculer en mode Pt Normal, ce qu'on vous conseille fortement de faire. Car il faut savoir que même dans ce mode, le jeu se révèle quand même très facile, d'autant que si par mégarde on se retrouve à cours de vie, les fameuses batteries DAE nous sauvent la mise en nous ressuscitant automatiquement (pour peu qu'il nous en reste), avec un surplus de santé maximale en prime ! Le dernier boss en revanche se montre singulièrement plus résistant et difficile à vaincre que les autres ennemis.

Quoi qu'il en soit, il faut d'abord clore pour la première fois un Fichier pour débloquer le mode Pt Extrême pour celui-ci. De quoi recommencer les missions en corsant largement les choses. La dimension de scoring est primordiale dans Astral Chain, le joueur se voyant octroyer une note allant de D à S+ (sauf en mode Facile) selon son degré de réussite dans chaque mission principale ou secondaire. Celui-ci est facteur de nombre d'éléments, parmi lesquels le temps passé sur une mission, l'altération de la jauge de santé ou l'exploitation régulière des combos. Grâce à ces notes, le rang du personnage croît au fil des missions, ce qui lui octroie davantage d'argent à dépenser en objets par exemple.

La campagne principale ne présente pas de véritable challenge certes (hormis en mode Pt extrême) mais arriver à atteindre la note maximale sur la plupart des missions est une toute autre paire de manches. Il faudra donc compter 25 heures en rushant le jeu, une dizaine de plus en prenant un peu plus son temps et facilement le triple pour tout faire. Et si cela ne vous suffit pas, une fois le jeu terminé, un postgame est disponible, consistant en un ensemble de petites missions à effectuer dans les zones déjà visitées. Pas le temps de s'ennuyer.