Révolution industrielle, XIXème siècle, Angleterre, démons qui envahissent le monde, une héroïne pour le sauver, direction un château en passant par un petit village en ruines, plein d'amis mais pas que, une vieille connaissance possédée par une entité supérieure, etc, etc. Toutes mes excuses concernant cette tentative de résumé expédiée, mais le scénario et sa structure, vous les connaissez déjà si vous avez mangé chaque Castlevania sauce Igarashi depuis Symhony of the Night. Si l'on abandonne la Valachie, Dracula, et la famille Belmont, on peut parler d'une véritable transfusion tant les différentes rencontres et certains "twists" (notez l'usage des guillemets) semblent orchestrés de la même façon. Allons à l'essentiel : vous incarnez ici une jeune femme, Miriam, cristalliseuse de son état, qui peut assimiler des fragments d'âmes de monstres pour les transformer en pouvoirs destructeurs.

IGA, une fille

Tout la progression de ce metroidvania 2,5D pur jus s'articule autour de la montée en expérience, de la récupération d'armes et armures toujours plus performantes et de l'acquisition de ces fragments, qui n'est pas sans faire songer à la moisson d'âmes de la paire Aria/Dawn of Sorrow ou de l'excellentissime Order of Ecclesia. Occire un ennemi, offre des chances d'aspirer son essence. Cela permet d'employer des tonnes de capacités, principalement des projectiles ou des invocations aux effets divers - sans oublier les familiers. Plus l'on récolte, plus l'aptitude gagne en force. Et pour peu que l'on fasse régulièrement un tour chez Johannes, le copain alchimiste, nous laissant pratiquer l'artisanat, on en améliorera les effets.

La profondeur du système, auquel on adjoindra les compétences-clés parfois étonnantes permettant de passer des obstacles bien précis et se rendre dans des zones inaccessibles, se révèle tout à fait impressionnante. Ajoutez que l'arsenal, qui laisse manier des épées, masses, hallebardes, flingues, fouets et autre godasses de combat, avec parfois des manipulations à la Street Fighter à dénicher, se trouve lui aussi pléthorique. Avec possibilité de crafter façon Curse of Darkness grâce à des dizaines de matériaux relâchés aléatoirement, d'acheter et revendre, vous pouvez être assuré que vous trouverez le style qui vous convient en vue de terrasser un bestiaire très varié et qui n'est une fois de plus pas sans évoquer la série vampirique de Konami.

Un château renversant

Il y a énormément de pièces à visiter, de surface à couvrir dans Bloodstained : Ritual of the Night, d'allers-retours à opérer, et une certaine liberté dans la découverte des jardins, halls, cavernes, clochers et autres laboratoire. Et si l'on peut trouver Miriam un peu lente et très old-school dans sa démarche (ce qui peut changer plus tard), les sensations dans le domaine de la plate-forme et de l'action demeurent convaincantes. C'est que le terrain de jeu, immense donc, a été bâti avec intelligence, en fonction des aptitudes engrangées. Les différents secteurs, qui une fois de plus, décidément, ont un air de déjà-vu, s'arpentent de façon logique, la difficulté se trouvant bien calibrée. Les pièges s'avèrent classiques mais fonctionnels, le placement des antagonistes également, et on ne bute généralement pas longtemps avant de comprendre comment passer un point important - que l'on avait préalablement marqué - de la map.

Pas de doute, un amateur en manque y trouvera largement son compte, peut-être surpris par deux, trois idées de gameplay, les changements de perspectives et les rotations de l'arrière-plan, l'emploi du stick droit, et quelques adversaires gigantesques ou très résistants. Il sera probablement captivé le temps d'atteindre la véritable fin, requérant de l'assiduité, au bout d'une douzaine d'heures. Et aura peut-être des envies de complétion, ce qui forcera à passer par des petites tâches annexes Fedex (trouver des objets, tuer des bestioles, rapporter des petits plats à une mamie ou des graines à un agriculteur) et autres boss optionnels parfois savoureux. Avec la certitude de devoir réfléchir sur des secrets bien tordus et arpenter plusieurs fois les mêmes couloirs pour simplement vérifier n'avoir pas manqué un mur fragile ou un coffre, renfermant potentiellement un item très utile ou une coupe de cheveux, pour une protagoniste principale très customisable.

Fans, je vous aime

Profondeur, vastitude, et ambiance gothique à l'ancienne suffisent-elles à faire de l'épopée de Miriam (qui ne restera pas le seul personnage jouable longtemps) quelque chose de mémorable ? Il y a bien des moments fantastiques, des petits déclics appréciables. Mais cela reste difficile, voire impossible, à dire. D'abord à cause de l'arrière-goût très prononcé de redite - une continuation, en réalité. Débordant d'auto-références plus ou moins habiles, Bloodstained ressemble beaucoup, à une poignée d'apports près, aux productions précédentes de son auteur. Trop ? La démarche de la belle, ce côté glissant, à l'heure des Dead Cells et autres Hollow Knight, cela peut perturber, voire rebuter. L'interface, dense et très vieillotte, manquant d'un raccourci pour les soins, aussi. Idem pour une réalisation qui, en dépit de quelques réussites sur des intérieurs et des jeux lumières ainsi qu'un travail parfait pour démarquer les atmosphères, n'a rien de folichon - surtout lorsqu'on ajoute des bugs et des collisions mal gérées à la note technique. Les musiques de Michiru Yamane, qui donnent vie à chaque quartier, bien qu'elles soient splendides, confirment par leurs tonalités que l'on se trouve surtout devant un jeu pour les fans les plus hardcore et nostalgiques.

L'origine même du plaisir vient du fait que l'héritage est perpétué. Son plus gros problème vient de là également - et de sa localisation française amateuresque, mais c'est une autre histoire. Une partie du public y verra l'aboutissement, généreux, d'une formule qui, onze ans après le dernier Castlevania canon avant reboot, a toujours du charme. Les autres, qui espéraient de la nouveauté, de la prise de risque, du dépoussiérage, que soient empruntées les forces de nouveaux hérauts du genre afficheront une probable lassitude. Cela aurait pu être une question du bac Philo : doit-on bouder un jeu parce que son créateur a fait ce qu'on attendait de lui ? Vous avez quatre heures.