Pour mémoire, cette histoire se déroule cinq siècles avant l'épopée principale de Xenoblade Chronicles 2, de sorte qu'elle s'aborde de manière radicalement distincte si on a achevé ce dernier, ou pas. En l'occurrence s'y plonger s'apparente soit à un titanesque flash-back (d'une vingtaine d'heures), soit à un gigantesque prologue respectivement. Dans les deux cas cette antériorité chronologique évite de dévoiler les secrets scénaristiques, simplement présentés et donc perçus sous un autre angle selon la situation. A commencer par le rôle du fameux Jin, héros de ce chapitre aux côtés de sa Pilote, Lora, leur lien constituant le pilier de Torna : The Golden Country dans son ensemble. Évidemment, cela suscite des impressions de déjà-vu, puisqu'à l'exception d'un léger lifting du look des personnages (pas uniquement destiné à les rajeunir d'ailleurs), cette extension se montre graphiquement identique. Autrement dit, le spectacle reste d'une splendeur phénoménale compte tenu du support, malgré les réajustements d'affichage en mode portable, toujours d'actualité.

Tendre Titan

Idem pour la faune souvent familière de ces contrées, surtout que le majestueux Titan Gormott fait partie des escales du voyage. Cependant son architecture apparemment similaire se distingue de celle qu'il arbore plus tard, au regard de ses reliefs moins tarabiscotés. Son thème musical remixé avec brio témoigne aussi d'un ton plus épuré, parfois mélancolique, auquel l'orchestration globalement traditionnelle ajoute une touche jazzy. Car en sus de nombreux morceaux directement issus de la bande son originale, Torna comporte des compositions inédites - pour certaines sublimes à l'instar de celle des joutes - de nouveau signées par le collectif ACE et l'inoxydable Yasunori Mitsuda. De même, la majeure partie de l'aventure a pour théâtre le monde jusqu'alors inexploré de Torna, un tantinet moins dépaysant qu'escompté. Ses régions, quoique denses, se montrent en majorité d'une envergure amoindrie par rapport à celles d'autres Titans, tant au niveau de leur structure verticale qu'horizontale, engendrant ainsi un cheminement potentiellement linéaire.

Bataille en rangs serrés

Une approche littéralement dans la lignée des différenciations du système de combat, qui permet ici de contrôler non seulement le pilote, mais également ses lames en alternance. On dirige le personnage placé en première ligne, tandis que ses compagnons relégués à une fonction de soutien agissent de façon autonome, en attendant de charger leur jauge (ou de restaurer leur santé) pour pouvoir les faire monter au front à leur tour, et user de leurs propres Arts. Au delà du surcroît de dynamisme généré par ce jonglage permanent des troupes, le panel d'Arts s'en trouve élargi, "Arts Signatures" surpuissants (et risqués) à l'appui. Ceux spécifiques exécutés à chaque permutation renforcent les similitudes avec les mécaniques des jeux de baston, déjà prégnantes au vu de l'importance des feintes et du timing. En prime, les combos s'inscrivent dans une démarche analogue, à travers un principe d'incrémentation de niveaux (encore lié aux éléments) nettement plus intelligible, pour ne pas dire intuitif, avec des tutoriaux désormais consultables à l'envi ensuite.

Feux de camp

L'accessibilité et l'efficacité accrues des batailles ont fatalement un coût : Elles perdent sensiblement en richesse, à l'image du choix des Lames forcément plus qualitatif que quantitatif. Plus question d'en éveiller, ni de les envoyer en mission, l'équipe joue dorénavant davantage les mercenaires, fonction qu'illustrent les campements installés un peu partout. En plus de remplacer les villes, absentes la plupart du temps, ces lieux servent à confectionner divers objets bonus à transporter dans les sacoches, et au papotage bien sûr, à l'image des tête-à-tête jadis. Torna : The Golden Country s'avère pourtant loquace (notamment avec les doublages japonais inclus d'emblée), même pour mettre en scène ses myriades de prétextes éculés afin d'initier des quêtes annexes. Celles-ci ont comme de coutume une vocation didactique ou invitent à la collectionnite, entretenue par le recours aux compétences de terrain un chouïa mieux exploitées. Et ces tâches viennent remplir ces espaces, relativement vides dans l'absolu dès lors que l'on ne chasse pas frénétiquement des proies.

Sociogramme vertueux

De quoi nourrir parallèlement le récit, dont les péripéties prennent quelquefois des allures anecdotiques. L'aspect générique des individus et de leurs préoccupations rassemblés au sein du cercle de solidarité tend à le confirmer. Cet émule du sociogramme de la toute première itération, qui s'étoffe au fil des rencontres et des services rendus, n'en demeure pas moins gratifiant grâce à sa nature résolument humaniste, même si la nécessité d'en accomplir une certaine proportion s'avère éventuellement regrettable. Une vision que reflète le scénario manifestement dilué, faute d'incorporer des révélations réellement renversantes, a fortiori si on connaît Xenoblade Chronicles 2. Cette fable plus obscure qu'il n'y paraît s'attarde en effet sur les sentiments, particulièrement le détail des relations entre les Lames et leurs Pilotes, ce qui donne à Lora toute sa dimension dans la mythologie, au point d'en verser quelques larmes. Habité par cette sensibilité, en parfaite adéquation avec les thèmes anthropologiques de la série, Torna : The Golden Country s'impose comme une belle introduction, sinon un émouvant retour dans l'univers d'Alrest.