L'aventure débute alors que le monde uni et harmonieux de Semblance se trouve en proie à une malédiction qui corrompt tout sur son passage. Elle altère jusqu'à la structure même de l'environnement. Pour pallier à cette menace, une gouttelette garnie de petits yeux luisants voit le jour... Ces quelques éléments d'intrigue nous sont contés de façon implicite à travers les images de la corruption qui s'empare du monde. De même, nous prenons le contrôle de notre mignon petit blob sans qu'aucune indication ne nous soit donnée quant à la marche à suivre. Le titre de Nyamakop ne nous prend pas par la main, nous laisse trébucher et recommencer en appréhendant par nous-mêmes son univers.

Jolies courbes

La trame se veut minimaliste, à l'image de son esthétique aux tons pastels particulièrement réussie et qui n'est pas sans évoquer un certain World of Goo, notamment au niveau des arrière-plans, ou le plus méconnu The Floor is Jelly. Tout l'environnement semble malléable, dessiné dans les courbes, comme bâti de pâte à modeler, ce qui le rend d'autant plus agréable à parcourir. De même, le sound design fait la part belle aux nappes synthétiques apaisantes plutôt qu'à des attaques appuyées de notes, sauf lorsque le danger se fait le plus sentir, vers la fin de l'aventure.

Pour pouvoir progresser, le joueur doit pénétrer dans chacun des trois grands portails, qui disposent de cinq à six niveaux (sous forme d'arbres) à parfaire. Ces derniers comportent eux-mêmes trois à six puzzles avec des orbes à récupérer et qui doivent tous être résolus afin de libérer l'arbre de la corruption puis, une fois tous les arbres d'un même portail préservés, de permettre l'ouverture du passage qui mène vers le dernier grand niveau du jeu. Pour autant, point de dédale, on n'est pas dans l'imbrication complexe d'un FEZ ; on s'y retrouvera assez facilement ici. Les couleurs occupent par ailleurs une place essentielle dans le game design : chaque grand portail permet d'accéder à un monde unicolore (violet, vert et bleu) et la corruption est représentée également par une dominante différente à chaque fois (vert, rouge et violet).

Dash, deux en un

Ce qui rend le jeu unique en son genre, c'est la possibilité pour le joueur de transformer en partie l'environnement qui l'entoure. En effet, les parois et les plates-formes étant partiellement flexibles, ce sera au joueur d'analyser les possibilités qui s'offrent à lui pour pouvoir progresser.

Dans Semblance, le joueur ne dispose que d'une palette d'actions très réduite, à savoir avancer, sauter et dasher. Toutefois, cette dernière action se trouve être au coeur même du gameplay puisque c'est celle qui permet à notre blob de modeler les plates-formes à sa guise, ou les déplacer afin d'atteindre certaines hauteurs, par exemple. À noter que ces deux altérations ne sont pas rendues possibles sur une même surface : une fois déplacée, une plate-forme ne peut plus être modifiée et vice versa. De même, seules les surfaces au fond uni sont sujettes à ce type de manipulation.

Si le titre ne souffre d'aucune chute de framerate, offrant une fluidité de tous les instants à l'expérience, on se prendra à rouspéter de temps à autre face aux combinaisons de sauts et de dash, qui devront être réitérés un certain nombre de fois tant certaines manipulations des décors se révèlent peu intuitives. D'autant que le modelage d'une plate-forme pour en atteindre une autre ou pour se projeter plus haut requiert une grande méticulosité.

Déformation professionnelle

Fort heureusement, notre protagoniste dispose d'une faculté bien utile : il peut réinitialiser comme bon lui semble la position ou la forme d'une ou plusieurs surfaces par une simple pression du bouton A en s'approchant de celles-ci. Autant dire que le joueur y aura très régulièrement recours étant donné que les puzzles de Semblance incitent véritablement le joueur à expérimenter, à tenter de nouvelles manipulations pour parvenir à ses fins.

Comme évoqué plus haut, la progression passe par l'obtention d'orbes dispersés dans les niveaux. Ceux-ci ne sont pas dissimulés, bien au contraire, mais se présentent dans un premier temps comme hors de portée si le joueur n'a pas, au préalable, opéré de modifications sur l'environnement. Si les premières orbes peuvent être glanés assez facilement, d'autres se révèlent beaucoup plus difficiles à atteindre. Car plus on avance, plus les casses-tête se complexifient, avec l'apparition au fur et à mesure de nouveaux obstacles et aptitudes pour plus de diversité. Apparaissent ainsi des lasers mortels dont on pourra modifier la trajectoire, des zones "neutres" qui annihilent la capacité de dash, mais également des parois cristallines qui permettent à notre blob soit de s'aplanir pour se projeter plus loin sur le plan horizontal, soit de s'étirer en hauteur afin d'effectuer des sauts plus importants.

Au compte-gouttes

Semblance s'inscrit donc dans la plus pure tradition du Die and Retry, disposant d'une histoire minimaliste et promulguant l'autonomie du joueur dans la découverte. Néanmoins, à la différence des ténors du genre, cette appréhension du gameplay se fait quelquefois au détriment de la fluidité de l'aventure. Car si le titre nous invite à explorer toute la zone pour en découvrir chaque aspérité, certaines tentatives se soldent par des bugs de collision fatals, avec disparition dans le décor. De même, la caméra, qui tend à se rapprocher ou à s'éloigner du centre de l'écran selon les tableaux, a parfois la fâcheuse manie de se fixer de manière incongrue, nous empêchant de distinguer tous les éléments à l'écran, y compris notre personnage. Heureusement, une simple réinitialisation du tableau via le menu et tout rentre dans l'ordre.

Malgré sa relative difficulté, Semblance ne vous occupera pas de nombreuses heures, un peu plus de cinq plus précisément. On viendra vite à bout de la soixantaine de tableaux/puzzles et du niveau final que comporte le jeu. Dommage également que les développeurs n'aient pas songé à agrémenter les niveaux de collectibles (il y en a, mais ils sont dérisoires) ou de défis supplémentaires après la fin du jeu, lequel ne propose donc pas de post-game. On aurait aimé en savourer davantage.