L'histoire ne serait-elle qu'un éternel recommencement ? Il y a de cela un quart de siècle, deux français se frottaient aux mastodontes du genre roi des années 1990 avec Mr. Nutz, un jeu de plate-forme coloré et mignon, à défaut de se hisser parmi les meilleurs de sa catégorie. Vingt-cinq ans plus tard, c'est de l'autre côté du Rhin qu'une petite équipe munichoise du nom de Bonus Level se lance dans l'aventure, en nous plaçant aux commandes d'un mammifère anthropomorphe, roux de surcroît.

Les champs de blé ne me rappellent rien

Mis en chantier à la suite d'une campagne de financement participatif réussie sur Kickstarter en 2016, Fox n Forests n'avait cependant pas crevé l'écran, en se hissant tout juste au-dessus de son premier palier. Qu'importe, le résultat est aujourd'hui là, et devrait au vu de son habillage très rétro raviver quelque souvenir ému à ceux qui ont profité des grandes heures de la Mega Drive et de ses graphismes reconnaissables entre mille. Le jeu de Bonus Level rend clairement hommage à la 16 bits de SEGA : de la taille des sprites aux explosions qui rappellent étonnamment le très gore Splatterhouse en passant par un chiptune si particulier, qui nous accueillerait presque dès l'écran-titre par une mélodie de... France Gall.

Pas timide lorsqu'il s'agit de réciter ses gammes, Fox n Forests s'inspire selon les dires de ses développeurs de grands noms tels que CastleVania, Super Ghouls'n Ghosts ou encore ActRaiser 2, même si l'on pense plutôt à Magical Quest ou Rocket Knight une fois la manette en main. La touche rétro est quoi qu'il arrive bien au rendez-vous, même si l'on se serait très largement passé de certains aspects archaïques des standards de l'époque...

I'm Picky Riiiiick

Le jeu vous invite donc à prendre les commandes de Rick, un renard somme toute très banal, puisqu'il ne pense au départ qu'à se remplir la panse en s'attaquant au premier volatile venu. Le problème, c'est que le poulet a justement une mission pour son aîné dans la chaine alimentaire. Ainsi, le pauvre bougre se retrouve en moins de deux armé d'une baïonnette confiée par un arbre qui parle tout droit sorti d'un Zelda, à la poursuite de quatre artefacts qui empêcheront, une fois collectés, l'arrivée d'une cinquième saison que l'on nous promet terrible. Nous voici ainsi à l'assaut de la world map, divisée en quatre mondes comme autant de saisons, qui nécessiteront toujours de venir à bout de deux niveaux plutôt conséquents avant de devoir affronter un boss au design au moins aussi impressionnant que l'évidence de ses routines.

Huit stages, cela peut de prime abord paraître un brin chiche, mais Fox n Forests réussira à vous y faire retourner, quitte à gonfler un peu sa durée de vie de manière un peu trop voyante. Votre baïonnette gagnera en effet progressivement en puissance, ouvrant la voie à des zones secrètes nécessaires à votre progression. Mais il faudra pour en profiter apprivoiser un système de jeu très particulier, puisque votre type d'attaque dépendra avant tout de votre position : l'attaque tranchante sera ainsi différente si l'on effectue un saut simple ou un double-saut, et il faudra pour faire feu rester au sol sans bouger. Ce choix très surprenant nécessitera forcément un petit temps d'adaptation, mais finira par avoir du sens au fur et à mesure que les améliorations de la baïonnette enrichissent l'angle de tir. On pestera en revanche jusqu'au bout de l'aventure sur la latence d'exécution qui caractérise chaque coup, et nous ferait presque oublier que nous sommes en 2018, et non en 1993.

Brace yourselves, winter is coming

Mais la force et la mécanique principale de Fox n Forests, c'est bien évidemment le changement de saison, activable d'une simple pression sur la gâchette droite, bien qu'il faille pour cela rester rigoureusement immobile. En passant du printemps à l'automne, les arbres laissent alors tomber leurs feuilles qui joueront le rôle de plate-formes mobiles, la neige adoucira les chemins jonchés de ronces, et le printemps dégèlera les sols pour permettre un peu d'exploration sous-marine. Restreint dans le temps, ce boulversement climatique brutal qui ne défriserait pas pour autant Donald Trump offre pas mal de surprises et permet également de se débarrasser facilement de certains ennemis (et boss) en tirant partie de son environnement et du brusque changement de décor.

En extérieur, tout a du sens, ce qui est bien moins le cas dans les niveaux cloisonnés, où l'arrivée des beaux jours fige dans le temps des plates-formes autrement mouvantes, mais peine à sonner cohérent. Plus généralement, Fox n Forests alterne le très inspiré comme le plus banal, si bien que l'on ne sait jamais à quoi s'attendre lorsque vient le moment d'entamer un nouveau stage. Les deux phases de shoot'em up viennent offrir une agréable parenthèse qui renforce un peu plus l'aspect rétro, mais ne fait pas preuve d'un level design particulièrement inspiré. Dommage, car l'intention était bonne en plus d'être là.

Piquant de loin, rusé de près

Le problème, c'est qu'il va pourtant falloir se les farcir en long, en large et en travers, ces stages plus ou moins réussis. En effet, Fox n Forests va rapidement conditionner sa progression à la récolte assez exhaustive des trois types d'items à récupérer dans chaque niveau. Les graines magiques permettront d'accéder au monde suivant (sachant que le dernier nécessite d'atteindre les 80%, un défi conséquent), quand le minerai autorise à allonger sa barre de mana. Enfin, les meules débloquent de nouveaux pouvoirs à acheter au village, pouvoirs qui vous laisseront... récupérer encore plus de graines.

Et plutôt que de vous offrir rapidement tous les outils indispensables pour saigner les premiers mondes et ainsi débloquer les niveaux bonus, le jeu vous oblige à reprendre sans cesse les mêmes environnements au fur et à mesure que se perfectionne votre arsenal. Au bout de la cinquième revisite du monde 1-1, Fox n Forests donne la sensation de tourner en rond, et de rendre la tâche infinie pour faire oublier son nombre réduits de niveaux. Et les nombreux soucis techniques au-dessus desquels on pouvait une première fois passer saute à chaque fois un peu plus aux yeux : le respawn infini donne envie de tout casser, les checkpoints payants vous font à chaque fois les poches, et les collisions brouillonnes empêchent de virevolter à toute vitesse pour venir chercher son butin. Quand c'est long, ce n'est pas toujours meilleur.