Ghost of a Tale est avant tout une aventure humaine. Au départ il s'agissait du projet indépendant d'un seul homme, puis une petite équipe s'est constituée au fur et à mesure, avec l'aide de joueurs accrochés par le concept. C'est Lionel "Seith" Gallat, animateur de métier, qui a insufflé la première étincelle de vie au jeu et en a assuré une grande partie du développement. Grâce à une levée de fonds sur IndiGogo (48 000€), l'équipe de SeithCG a donc pu travailler pendant cinq années et polir ce petit joyau.

Metal Gear Souris

Le jeu vous place dans la peau d'une petite Souris nommée Tilo. Tilo est un ménestrel qui a été emprisonné et séparé de sa femme. Son histoire familiale est plutôt triste, comme vous pourrez le découvrir un peu plus tard dans le jeu. La première tâche consiste donc à s'évader de la prison pour retrouver la compagne du rongeur. Dès les premières minutes, il devient évident que l'infiltration est au coeur du principe de jeu.

Tilo peut se déplacer à pas lents et feutrés, normalement, ou en sprintant. Ce dernier mode de déplacement est limité par une jauge d'endurance. Il faut donc apprendre les chemins de ronde des gardes, les assommer, les contourner et/ou les leurrer. Ils réagissent à la vue bien entendu, mais également au bruit. Ainsi, une brindille jetée dans la bonne direction peut suffire à détourner suffisamment leur attention pour s'infiltrer. Une autre fois, elle servira à en assommer un pour lui subtiliser un objet, ou encore à l'enfermer dans une pièce. Quoi qu'il en soit, la fuite et la roublardise seront plus efficaces que les attaques frontales. Ghost of a Tale se joue tout en subtilité.

Le champ de vision des rats qui veulent vous occire est bien géré et il faut parvenir à en sortir assez longtemps pour s'échapper. Malles, tonneaux, placards ou encore auges seront autant d'endroits pour se cacher en sécurité et prendre le temps de faire une sauvegarde rapide ou définitive avant de quitter le jeu. Tout cela est bien pensé et a été raffiné durant la période d'early access.

Un trait qui apporte du sourire

Le level design de Ghost of a Tale est tout à fait remarquable. Il faut prendre le temps de s'habituer aux alentours qui ne sont pourtant pas très vastes. Le château est plutôt ramassé sur lui même, mais il regorge de passages spécifiques, de raccourcis et d'astuces de déplacements. Ce n'est donc pas la surface de jeu qui fait sa qualité, mais son agencement. Aussi, c'est l'observation qui doit être mise en avant en permanence.

Chaque lieu nécessite en effet beaucoup de curiosité pour dénicher des objets utiles, des mécanismes, de la nourriture (seule façon de remonter la barre de vie et d'endurance) et des informations cruciales pour progresser. Car Ghost of a Tale possède quelques traits caractéristiques des RPG, aussi bien sur le plan du gameplay que de la narration. En termes narratifs, on peut profiter d'une excellente traduction en français (par Level Up Translation). Les dialogues sont souvent savoureux, en particulier avec Gusto et Fatale (le Gusto de Ratatouille ?), deux autres souris qui en plus de donner des quêtes vous confèrent certains nouveaux pouvoirs. La brume rouge par exemple révèle les éléments interactifs dans le champ de vision.

Ce qui donne vie à ce petit monde, c'est une qualité graphique époustouflante. Unity est un moteur performant, mais l'équipe derrière SeithCG a su en tirer parti, en particulier concernant les éclairages (un élément parfois pénible sous Unity). Le jeu respectant un cycle jour-nuit, la photographie est magnifique, la lumière jouant de façon habile avec les éléments du décor. Il en est de même avec les éclairages dynamiques des torches en intérieur, ou de la lanterne et de la bougie que Tilo doit parfois utiliser. L'habillage sonore est lui aussi excellent. La musique annonçant que vous êtes percé à jour fait presque systématiquement sursauter et la précision des petits pas qui résonnent sur la pierre est craquante.

De-rôle de souris

Le tout est animé avec talent. On n'en attendait pas moins de la part d'un animateur qui a fait ses armes sur diverses productions chez Dreamworks et Universal (Moi Moche et Méchant, El Dorado, Le Lorax, Sinbad, Souris City...). Issu de l'école des Gobelins, Lionel Gallat est une pointure et cela se voit à l'image. Tilo est animé jusqu'au bout des oreilles, qu'il soit "immobile" ou en déplacement. Tous les mouvements du jeu sont fluides et cohérents, et cela donne une véritable âme au jeu. Je dois avouer que j'ai passé quelques minutes à simplement admirer Tilo sous tous les angles. Le petit rongeur est tout simplement trop mignon.

Ces animations seront modifiées par l'accoutrement de la souris. Une part non négligeable de l'aventure est consacrée au rassemblement d'éléments de costumes. Ainsi le premier à compléter est une armure pour se grimer en garde et pouvoir se déplacer sans être inquiété. L'avantage n'est pas que cosmétique, les caractéristiques de déplacement, de discrétion ou d'endurance s'en voient modifiées. On revient ici avec la gestion d'un inventaire et une notion de gain d'expérience à des éléments qui renforcent le côté RPG du titre. Les informations contenues dans les éléments à glaner sont également disponibles via l'inventaire et il n'est pas inutile d'y revenir souvent.

Ghost of a Tale correspond à la définition même de la pépite ; la taille du jeu est inversement proportionnelle à sa valeur ajoutée. On sent que les efforts ont été contenus pour proposer un jeu plein d'humour et d'amour. On y entre comme dans un titre classique, avec des mécanismes éculés, mais il est tellement ciselé et agréable qu'on en ressort enchanté et un peu sur sa faim. En 15 à 20 heures l'aventure devrait être bouclée par la moyenne des joueurs. Encore ! Et si on lit attentivement la profession de foi publiée sur le site de financement participatif, Ghost of a Tale ne serait que le premier épisode d'un arc narratif qui devrait se prolonger. C'est tout le mal qu'on lui souhaite !