Comme tout bon jeu de rôle qui se respecte, vous commencez par créer votre personnage et choisir votre classe, vos aptitudes et tout ce qui forgera votre protagoniste. Il ne faut pas s'attendre à un outil de création esthétique digne d'un Elder Scrolls, car au final on ne se contente que d'un choix assez réduit de quelques visages, morphologies et autres détails comme la coupe de cheveux. Mais ce n'est pas grave, c'est la sélection (bien plus vaste) de votre portrait qui sera finalement la marque d'identité visuelle la plus visible pour votre personnage.

Un début classique...

Après avoir soigneusement sélectionné votre look, les choses sérieuses commencent lorsque vous choisissez votre "histoire", comprenez par là votre passé. Hors la loi, chasseur, noble, etc. : selon votre choix, les PNJ auront une manière différente de vous appréhender, et certains choix ne pourront être possibles que pour l'une ou l'autre de ces histoires. Ensuite vient le passage obligé chez Obsidian du choix des aptitudes (combat à une main, bouclier, magie...) et des attributs (force, finesse, esprit...). Vous possédez 8 points à répartir dans 6 attributs différents, qui doivent évidemment être répartis au mieux selon votre vision des choses. Après avoir réglé tout ceci, vous avez deux choix majeurs à faire : faire un départ rapide ou sélectionner le mode conquête. C'est ce dernier qui est le plus intéressant et qui permet d'avoir un contrôle parfait du démarrage de votre personnage. Grosso-modo, ce mode permet de vous faire revivre la conquête du monde en vous proposant des choix, chacun d'eux étant capitaux tout au long de l'aventure.

... mais un jeu qui sait très vite se différencier

Loin des banals canons de l'heroic fantasy à base d'elfes sveltes, d'orcs bourrus et autres nains racistes, Tyranny vous propose une ambiance assez sombre dans laquelle vous incarnez un "Scelleur du Destin", titre un peu fourre-tout qui permet à la fois de faire régler l'ordre mais aussi d'avoir le rôle de juge pour le compte du Grand Tribunal, un organe de pouvoir sous les ordres du Leader Tunon, lui-même sous les ordres du Leader Suprême Kyros. Globalement, Tunon est un peu le Dark Vador de Tyranny, et Kyros son Empereur Palpatine. Loin d'être un joyeux luron, le Leader Suprême assujetti les peuples par le biais de Décrets, puissants sortilèges faisant sombrer des territoires entiers dans le chaos et la destruction. C'est un peu comme une Etoile Noire, un moyen de pression qui ne fait pas dans la dentelle. Cerise sur le gâteau : vous êtes l'homme qui prononce les décrets. Globalement, l'histoire de Tyranny est donc fort sympathique et permet de sortir du carcan du valeureux héros sauvant la veuve et l'orphelin. Et encore plus que le jeu précédant Pillars of Eternity, vos choix sont primordiaux dans le destin du monde et dans le déroulement de l'histoire.

Obsidian toujours au top

L'Empire de Kyros est divisé en deux factions majeures : les "Disgraciés", une légion militaire avec une discipline de fer mais peu d'effectifs, et le "Choeur Écarlate", un mélange de bandes nomades qui recrutent parmi les esclaves et les prisonniers de guerre et toute la lie du monde. Evidemment, vous allez devoir faire pencher la balance pour l'un ou l'autre de ces camps, ou alors simplement tenter de dominer tout ce monde. Chaque dialogue est donc une petite pépite scénaristique et va vous permettre de faire une multitudes de choix. Trahison, alliance, mensonge, honnêteté... Tout est bon pour arriver à vos fins. Ainsi, choisir d'aider un personnage plus qu'un autre, d'en épargner un ou au contraire de l'exécuter, peut avoir de troublantes conséquences sur le déroulé de votre histoire. Tout passe par un système de réputation divisé en trois facteurs : faveurs, peur et colère. Chaque réponse clivante rapporte ou au contraire baisse l'une de ces 3 notions. Cela a donc une influence sur le reste du monde, mais aussi sur vos compagnons. Car oui, dans un RPG de chez Obsidian, vous n'êtes jamais seul, et il faut à la fois se gérer et gérer indépendamment chacun des membres de l'équipe lors des combats et lors des évolutions de niveaux. À ce titre, on regrette d'ailleurs la disparition du friendly fire lors des affrontements, qui retire un peu de piquant et qui donnait vraiment du fil à retordre dans Pillars of Eternity. Mais finalement peu importe, car le jeu est si complet et fouillé qu'on a bien d'autres choses à penser.

Un véritable roman

Chaque dialogue se déguste, on en savoure chaque ligne et c'est presque un véritable petit roman interactif auquel nous avons affaire. C'est d'ailleurs là que tout le talent du studio se dévoile : on s'attache aux personnages que l'on rencontre, certains font preuve d'humour (noir ou pas) tandis que d'autres sont colériques ou encore circonspects. Tout fonctionne avec fluidité et avec un réalisme incroyable, rendant l'exercice de l'écoute et du choix plus plaisant que jamais dans un RPG. Tout n'est ni blanc ni noir, un personnage qui vous apprécie peut très bien vous faire sentir son mécontentement quand il juge l'un de vos choix douteux. Evidemment, ce n'est pas la seule mécanique de jeu agréable : les combats le sont tout autant. Ceux-ci reposent sur un système de pause active, on doit donc gérer sans cesse avec les cooldowns (chronomètres d'attaque), le positionnement des personnages et les choix stratégiques de leurs différents pouvoirs. Contrairement à Pillars of Eternity, la micro-gestion est plus claire mais n'est toutefois pas exempte de défauts. Parfois c'est encore assez brouillon dans les combats, car il faut jongler avec les compétences de chacun et la gestion des personnages par l'IA manque encore de punch. Il est possible de choisir plusieurs comportements prédéfinis pour nos compagnons, tels que "attaque à vue", "défense du groupe", etc., mais quelques erreurs sont parfois commises et il arrive fréquemment que notre personnage change de cible sans qu'on comprenne pourquoi. Heureusement, le large panel de compétences à notre disposition permet de varier les plaisir et de sans cesse renouveler l'expérience. Dommage que le bestiaire soit composé à 90% d'humains, les fans de créatures maléfiques en tous genres seront peut être un peu déçus par ce choix.

Une véritable identité visuelle

Pour le reste, la diversité est bel et bien présente dans les décors. Les environnements sont extrêmement bien pensés : on y ressent le coté apocalyptique et la prédominance du mal sur le monde. Beaucoup moins féerique que la plupart des RPG de fantasy, tout est ici plus sombre, aussi bien dans les environnements que dans les sujets abordés. Esclavage, guerre, racisme... tous les sujets sensibles passent à la moulinette Obisdian pour un rendu aussi prenant qu'immersif. En plus de cela, le jeu a le mérite d'avoir une véritable identité graphique (jusqu'aux écrans de chargement !) et de se détacher de la masse. Même s'il n'est pas une grosse claque visuelle, il aura le mérite de tourner sur à peu près tout les PC sans rechigner. Enfin, mention spéciale à la bande son qui est particulièrement réussie et qui berce notre aventure sans jamais trop donner dans l'épique ou le larmoyant.

Entre changement et tradition

Le système de caractéristiques et de compétences, lui, a été simplifié depuis Pillars of Eternity, et chaque personnage dispose désormais de plusieurs arbres de talent que l'on peut monter un peu comme on le souhaite. Un peu à l'instar d'Elder Scrolls, l'évolution du personnage est désormais aussi très liée à l'apprentissage pratique (plus j'utilise une arme, plus je vais pouvoir augmenter des caractéristiques qui lui sont propres). Simple et efficace, on évite le superflu. Ainsi, si l'on veut devenir un expert en lecture de parchemin, il faudra faire monter son esprit et ainsi de suite. Bref, Tyranny ne fait clairement pas les choses à moitié, la maîtrise d'Obsidian est totale.