En choisissant une telle appellation, avec Yoshitaka Amano en guise d'illustrateur et Nobuo Uematsu à la composition, le studio nippon semble étaler d'emblée ses ambitions pour (Final) Fantasy Life. Une impression qui se confirme dès l'écran titre, classiquement constitué d'une simple image sur fond blanc qu'accompagne une douce mélodie, avant qu'une magnifique séquence animée ne vienne majestueusement poser le décor. La démarche rappelle d'autres émules des RPG d'antan, Blue Dragon en tête. D'ailleurs les réminiscences de Final Fantasy laissent rapidement la place à celles de Dragon Quest, en particulier des Sentinelles du Firmament, une production justement signée Level-5. Des similitudes prévisibles, d'autant que Fantasy Life était initialement prévu sur DS, comme le souligne son manque de finesse graphique à peine masqué par l'anti aliasing et quelques judicieux effets de lumière. Et une fois son personnage créé à partir de paramètres assez fournis qui augurent des solides perspectives de customisation, c'est plutôt dans une déclinaison médiévale de l'univers d'Animal Crossing que l'on a le sentiment de débarquer. Surtout qu'il faut immédiatement se mettre au travail, en commençant par se trouver une vocation.

Pôle emploi

Les métiers proposés sont aussi nombreux que diversifiés : Mineur, Bûcheron, Pêcheur, Cuisinier, Forgeron, Menuisier, Tailleur, Alchimiste, Paladin, Mercenaire, Mage et Chasseur. Néanmoins, la liste a été amputée de huit emplois par rapport à celle annoncée au départ, en l'occurrence étudiant, voyant, danseur, postier, marchand, pilote, dompteur et chasseur de trésor. Ces professions se sont probablement révélées trop limitées, voire superflues au fil du développement, clins d'oeils à l'appui. Elles ne subsistent ainsi que par l'intermédiaire de certains protagonistes ou sous d'autres formes, comme l'adoption d'animaux de compagnie. Les tâches de dressage ou d'agriculture auraient pourtant pu être passionnantes, en attestent Pokémon et Harvest Moon, dont l'influence transparaît également dans Fantasy Life. Chaque boulot consiste en une sorte de mini jeu, basé globalement sur le doigté pour les activités de collecte, et qui se déroule davantage à la façon d'un rhythm game dans celles de transformation, tandis que les plus guerrières se résument fatalement à batailler. Du coup, certains jobs se ressemblent un peu, mais pour éviter la lassitude engendrée par la répétitivité inhérente à ces gestes, ils intègrent tous un principe d'évolution.

Working Class

A force de pratique, ces ouvrages s'effectuent plus vite, pour ne pas dire automatiquement. En outre, la qualité et le nombre des produits de ce labeur dépendent du soin accordé aux prestations, parfait reflet des valeurs de l'artisanat. Ces besognes a priori plutôt rudimentaires dévoilent donc une réelle richesse à mesure que les compétences s'améliorent. On peut alors confectionner de nouveaux objets, utiliser un équipement plus performant et bien entendu étoffer ses techniques de combat. De telles occupations s'apparentent aux systèmes de classes traditionnelles, si ce n'est que l'on en change ici à l'envi, tout en conservant certaines capacités spécifiques acquises grâce à ces apprentissages. Pas besoin de garder constamment sa panoplie de bûcheron pour couper des arbres, ni même pour relever les défis dédiés à ce job. Le système de progression distingue trois types de points : Les étoiles soumises aux objectifs de carrière, les coeurs qui sont liés à l'intrigue principale et octroient d'importants bonus suivant le degré de liesse atteint (notamment l'extension de l'inventaire ou l'obtention de montures), sans oublier les XPs reçus pour l'ensemble de ces actions. Et celles-ci sont naturellement dictées par des quêtes, à commencer par l'initiation à chacun des métiers.

Dragon Hunter

On a loisir de les zapper afin d'accélérer sa formation, dès lors qu'une première licence a été décrochée. Il serait toutefois regrettable de s'en priver, car en plus de leur intérêt didactique, ces phases amènent des petites histoires fort sympathiques. Elles témoignent de la facette narrative épatante de Fantasy Life, consciencieusement retranscrite par le fabuleux travail de localisation, à quelques écarts de (sur)traduction près. Dans la lignée de Dragon Quest, ce récit plein de fraîcheur et de légèreté renferme une bonne dose de dérision, adressée tout particulièrement aux aventuriers aguerris. Un ton facétieux que rehaussent les accents caricaturaux de la partition d'un Nobuo Uematsu débarrassé de ses vieux démons. Notre homme réinterprète avec malice les thèmes classiques du genre, qui auraient mérité d'être plus longuement décantés pour ne pas trop tourner en boucle. La trame centrale comporte juste ce qu'il faut de mystère pour donner envie de poursuivre le périple, à son rythme. On a toujours du pain sur la planche, entre les quêtes cruciales de la saga de Lunares et celles souvent plus futiles confiées par les autochtones, mais Fantasy Life laisse une grande liberté pour les accomplir, ou pas.

Quest Factory

Se concentrer sur une seule carrière tout au long de l'épopée est envisageable, de même que de cumuler les jobs dans l'optique de terminer la totalité des missions annexes. L'exploration de Rêveria incite cependant à se pencher sur la plupart des métiers, ce qui permet de l'appréhender de manières très différentes. Ces contrées sont parsemées d'une myriade de végétaux, poissons et autres minerais qui n'attendent que d'être récoltés, pour peu que l'on dispose des talents nécessaires. Il est éventuellement possible de les acheter, néanmoins on n'est jamais si bien servi que par soi même, comme le savent les amateurs de Rune Factory. D'une part, la maîtrise d'une filière de bout en bout fait bénéficier d'économies substantielles, en utilisant par exemple une arme que l'on a forgé avec des matériaux récupérés par ses propres moyens. D'autre part, les meilleurs objets proviennent de l'artisanat "maison", a fortiori quand on se hisse jusqu'aux plus hauts rangs d'un métier. Cette marge de manoeuvre vient instaurer un véritable équilibre, quel que soit le chemin emprunté. Ainsi se spécialiser dans menuiserie ne sert pas qu'à façonner de jolis meubles, puisque la relative faiblesse au combat de cette profession est compensée par la qualité potentiellement supérieure des outils et de l'armement fabriqués.

Secret of Rêveria

Suivant une logique analogue, les batailles s'abordent avec des méthodes distinctes selon le job. Cela se traduit dès l'approche d'une créature, pas systématiquement agressive, ni même éveillée, car ce monde incorpore des cycles de jour et de nuit qui influent sur la teneur de la faune. On a l'opportunité de passer en courant ou en toute discrétion, voire de fuir pendant les hostilités. Celles-ci reposent sur les mécaniques éprouvées du hack and slash, avec des actions réparties sur deux boutons, le troisième étant alloué au ciblage manuel si besoin. La formule s'avère à la fois simple et efficace, d'autant qu'avec les subtilités de timing, les combos, les attaques spéciales ou chargées, les disciplines sont toutes dotées d'un arsenal suffisamment étendu. S'y ajoutent leurs particularités, un mercenaire privilégiant forcément le corps à corps alors qu'un mage préfère se tenir à distance. Il en résulte une belle complémentarité, mise à profit par la récurrence des quêtes menées en coopération avec des camarades gérés tant bien que mal par la modeste intelligence artificielle, à l'image de Secret of Mana en son temps. Mieux vaut donc inviter des amis à participer en réseau local ou en ligne...

A-RPG Crossing

C'est là que réside vraiment la dimension sociale de Fantasy Life, car l'interactivité avec la population se réduit à bavarder et à rendre des services de nature assez générique. D'où l'intérêt du Street-Pass pour accueillir de nouveaux habitants avec lesquels on a l'occasion de se lier d'amitié. Les parties en trio se montrent encore plus conviviales, ne serait-ce que par le sens qu'elles apportent à certaines fonctions guère utiles autrement, telles que les émotions que peut exprimer son personnage, l'échange d'objets, la prise de photos et la décoration de son logis afin de le faire admirer aux visiteurs. Toutefois ces rencontres n'ont pas qu'un but touristique, contrairement à Animal Crossing. En effet, elles visent essentiellement à entreprendre des missions quelquefois trop périlleuses pour s'y risquer seul, quoique rien n'interdise de se réunir simplement pour partager les joies de l'aventure. Les opérations collégiales constituent un excellent prétexte pour arpenter de fond en comble cet univers charmant à l'envergure surprenante, toutes proportions gardées en comparaison d'un MMO, évidemment. De quoi allonger une durée de vie qui dépasse déjà allègrement la centaine d'heures en solo, sans compter la région d'Origin Island et ses copieux éléments additionnels, un DLC payant hélas. On aurait rêvé que ce dernier soit inclus à l'instar de la version Link! au Japon (voir nos impressions), dont ce cru Européen est pourtant issu...