Une tornade, au loin. Elle se rapproche, massive, balayant tout sur son passage. Dans quelques secondes, elle sera sur vous. Il vous faut trouver un abri. Et encore, sera-ce suffisant ? Mais où est Sophia ? Où est votre fille alors que les vents que vous étudiez s'apprêtent à vous engloutir ? Pas à l'extérieur. Pas dans la chambre. Il est trop tard. Les murs se brisent. Le fracas puis plus rien. Vous êtes dans le coma. Le coeur rongé par les regrets, la culpabilité, vous voilà prisonnier d'un corps ni vivant ni mort. Vous errez dans vos rêves. Vous n'avez plus qu'un objectif : atteindre le Thalamus, l'arbre de la vie, de la connaissance du Bien et du Mal logé dans votre esprit. Et obtenir le pardon.

Le vent nous portera

Coupons court à toute possible croyance liée à son allure de titre contemplatif et poétique. MIND : Path to Thalamus ne résume pas son essence à de la narration interactive. Plus proche de Portal que de Dear Esther ou Gone Home, il ne se restreint pas à du trekking en vue subjective agrémenté de quelques éléments de décors à analyser et d'un conteur, le personnage principal que vous incarnez, omniprésent par la parole. Il s'agit bel et bien d'un puzzle game qui récompense par la progression. Minimaliste, il ne vous autorise qu'à marcher (beaucoup et un peu trop lentement), bondir et attraper d'étranges sphères. Ces dernières ne révèlent pas leur utilité autrement que par l'expérimentation. Un simple coup d'oeil permettra rapidement de découvrir que les placer dans des zones précises (votre présence fonctionne également) modifie la scénographie. Vous obtenez le droit de faire tomber la nuit et révéler certains éléments invisibles autrement (dont les portails à traverser qui peuvent aussi s'activer parfois en atteignant des miroirs), de dissiper des dômes de vent, de faire tomber une pluie provoquant la montée des eaux, ou de revenir dans le passé pour que réapparaissent des escaliers ou corniches disparues. Plutôt que de vous donner des clés et gâcher la découverte, je préfère vous laisser la surprise. Ce qu'il y a à savoir, en plus du fait que certains lieux demandent de prêter attention aux reflets ou aux pentes, c'est que cela fonctionne merveilleusement bien, autorise une progression en douceur grâce à une bonne courbe de difficulté, jamais insurmontable, et qu'on aurait tendance à en redemander.

Vue de l'esprit

Bien que certains aller-retour se révèlent longuets, la faute à des cadres pas assez compacts, que le fait de porter ces boules magiques obstrue bien plus que de raison le champ de vision et que les mécaniques se répètent légèrement, on aurait tendance à en redemander. Pourquoi donc ? Parce que chaque tableau de de MIND, qui correspond à une énigme, compte probablement parmi les plus beaux environnements visibles dans un jeu vidéo. Sans exagération. L'emploi du moteur par le programmeur espagnol est tout simplement parfait. Plaines, déserts, cavernes, forêts, canyons, vallées noyées, plages : avec la configuration recommandée (disponible sur cette page), chaque endroit traversé est une merveille, une carte postale ou un fond d'écran potentiel dans lequel on peut se balader (presque - la faute à des murs invisibles) librement. Cette aventure intérieure offre des paysages qui baignent dans des effets de lumière, de réverbération, de brume ou de particules qui en imposent, des couleurs diablement bien choisies. La diversité et le soin apporté aux textures se marie admirablement bien à un ton joliment surréaliste, nombre d'éléments comme des rails, des ruines ou suspendus comme par magie, et ce pouvoir de bouleverser la mise en scène. Le même site la nuit, sous l'averse ou le brouillard ne décevra jamais vos yeux. Il les ravira à chaque fois.

Le silence est d'or

Malheureusement, on ne peut pas dire que l'aspect sonore ait bénéficié de la même vigilance. Je ne parle pas forcément de l'ambiance sonore générale. Les rares bruitages et quelques notes de musique ne sont jamais de trop et contribuent à renforcer le sentiment de solitude correctement. En revanche, il est évident que, côté narrateur, il y a un problème. Greg Nugent, qui offre sa voix au héros, ne parvient jamais à imposer une émotion adéquate. Un brin monotone, peut-être pas impliqué, il ternit cette randonnée dans un subconscient chagriné. La faute ne lui incombe pas à 100%, l'écriture étant le talon d'Achille de MIND. Le script général, à base de métaphores évidentes et qu'on croirait émaner d'un cerveau adolescent, montre vite ses limites, l'envahissant monologue, là où un peu de mystère et d'interprétation laissée au joueur n'aurait pas fait de mal, transforme une quête qui aurait pu se révéler émouvante en quelque chose d'assez insipide. Couper les sous-titres (autant en anglais que la voix) et baisser le volume pourra, pour certain(e)s, s'avérer une solution intéressante pour aider ce jeu à se muer en une réponse à Journey ou Flower sur ordi. Cette faute n'entache pas totalement le plaisir pris durant les quelques 4 heures passés à se triturer les méninges et se rincer l'oeil, mais pourra néanmoins être vue comme la croix de Coronado.

Ce sont une écriture un peu falote et quelques détails infimes qui gâchent légèrement le potentiel fantastique de ce jeu indépendant. Des choix qui pourraient même se voir corriger (une option pour virer le monologue, une autre pour rendre les sphères moins imposantes une fois prises en mains...). Reste que, dans l'ensemble, on passe un moment de jeu fort agréable porté, boosté même, par le bonheur de découvrir de nouveaux lieux plus ravissants les uns que les autres. Encore un jeu qui va prendre une nouvelle dimension si on est amené à le recroiser via un casque de réalité virtuelle...