Ce test étant une mise à jour de la critique parue le 25 février 2013, dans un premier temps voici pour les connaisseurs ce qu'apporte cette édition définitive.

Visuellement, elle met tout le monde d'accord. Le coup de polish est comparable à celui appliqué à Assassin's Creed IV, avec un lissage général de bon aloi, des textures plus agréables et des zones plus denses et fourmillant de détails. Mais le traitement réservé à Lara a quelque chose d'exceptionnel. Son remodelage est assez dingue. Son visage apparaît bien plus beau, présente des traits affinés et plus humains. Les moindres effets de lumière ou de salissure paraissent autrement plus crédibles sur elle. Vous allez me dire, concernant le fait que ses cheveux aient un meilleur rendu et bougent façon pub L'Oréal, ça ne change rien. Tout comme le fait que les flèches ne soient pas fixes dans leur carquois. Bah, n'empêche que ce genre de détail fait très plaisir quand on est pointilleux. Et le fait qu'il y ait un moteur physique cohérent renforce assurément l'immersion. La végétation qui s'agite complètement quand le vent souffle, alors que tout reste fixe sur les autres machines, ce n'est vraiment pas déplaisant.

Donc, si ce n'est pas de la "vraie" nouvelle génération, le travail d'upgrade accompli n'a absolument rien de honteux. Il y a un avantage à la PS4, qui offre un confortable 60 images par seconde là où la One est bloquée à 30 images/sec. Attention, le plaisir reste tout à fait identique : aucune version ne manque de fluidité et le sentiment d'une île vivante restera important quelle que soit votre bécane. Et oui, même la version PC parue l'an passée poussée au max ne peut rivaliser. L'optimisation est réelle.

Pour le reste, on a droit à un peu de gadgets, avec l'utilisation de Kinect ou de la caméra PS4 pour aller dans le menu principal, en sortir, changer de type de munitions à la voix et manipuler les artefacts trouvés à la main. Tous les DLC sont inclus : les six skins de Lara, le Tombeau de l'Aventurier, les huit maps, armes, personnages jouables du multi sont là ainsi que bonus pas piqués des hannetons. Vous pourrez bouquiner les versions numériques du comic de Dark Horse, de l'artbook de Brady Games et le making of Final Hours. Voilà, vous pouvez retourner au test tranquilou.


La routine sonne chaque jour le glas de milliers d'histoires d'amour. Dans les jeux vidéo, c'est pareil. On peut avoir voué un culte à Tomb Raider depuis le début, accepté ses pires travers (L'Ange des Ténèbres) en pleurant, apprécié la reprise par Crystal Dynamics (Anniversary, Legend, Underworld, Guardian of Light), rien n'a pu empêcher la flamme de vaciller. Les mêmes histoires, les mêmes pièges, les mêmes corniches, la même Lara... Au bout d'un moment, pour éviter que la lassitude s'installe, il faut de la surprise, de l'inattendu. Genre la lumière s'allume et la fête du slip démarre avec On fait tourner les serviettes pour décoller vos tympans. Avec ce reboot programmé par le même studio en charge de la licence depuis dix ans, il y a un peu de ça. Parce qu'on ne connaît pas cette Lara à peine sortie de l'adolescence, innocente, inexpérimentée. Parce qu'on ne s'imagine pas vraiment tous les événements pénibles par lesquels elle va passer à la suite de son naufrage sur cette île mystérieuse et mal fréquentée. On redécouvre le personnage, on vit ses "premières fois" avec lui, on progresse avec lui. Et comme c'est bien fait, on s'y attache beaucoup plus facilement que quand il n'était qu'un sex-symbol sans âme.

Lara Begins

Empruntant tantôt à Lost, Die Hard, First Blood ou The Descent, Tomb Raider se veut avant tout une histoire de survie. Celle d'une jeune femme fragile et pas préparée, bien loin du cliché qu'elle incarnait il y a encore quelques années. Dès le départ, bien qu'elle semble prédisposée à l'escalade (elle peut "double sauter" en appui sur une paroi), Lara en bave. Elle enchaîne gadin sur gadin, s'en sort in extremis mais pas sans y laisser un bout de vêtement, de peau ou de santé mentale, flippe pour son confort bourgeois en traversant un ravin à l'aide d'un arbre branlant, doit se sustenter façon Bear Grylls en dépeçant un cerf qu'elle s'excuse d'avoir abattu, tue un homme ou des loups qui en voulaient à son intégrité physique... Chaque moment passé à lutter contre la mort la renforce un peu et cette idée d'apprentissage se retrouve sur le plan ludique. Toute action occasionne l'acquisition de points d'expérience qui aideront la belle à s'aguerrir. En se rendant sur un feu de camp, elle pourra, selon votre volonté, s'améliorer dans les domaines de la chasse (expertise en armes, possibilité de porter plus de munitions), de la survie (escalade, récupération, orientation) ou du combat rapproché (résistance, esquive, contres). Ce qui, évidemment, changera peu à peu le rapport de force entre vous et cet environnement vaste, riche et totalement hostile. Constater l'évolution, le gain en assurance des deux côtés de l'écran, voilà qui procure une certaine satisfaction.

Girl gone wild

Les armes ont également une importance capitale sur l'expérience. En combat, forcément, puisque ce n'est pas ce qui manque dans Tomb Raider. Ni ce qui déçoit non plus. Même si de manière globale les ennemis s'avèrent un peu cons - les phases où ils laissent leur tête dépasser ou se ruent bêtement en hésitant pas à se placer dans la ligne de mire de leurs potes, ça arrive, y compris en difficulté hard -, l'action, à base de visée libre mais très souple, façon Uncharted, est soutenue, plaisante. Le mouvement se voit préconisé, les éléments de décor derrière lesquels Miss Croft se planque (de façon automatique et sans couac) partant souvent en miettes, ce qui donne des échanges dynamiques volontiers violents. La finesse et la furtivité ne sont pas oubliées pour autant. Vous commencez en effet avec un petit arc dont la particularité est de ne pas faire de bruit. Très pratique, à condition de rester concentré au moment de relâcher la corde, pour se frayer un chemin sans rameuter une petite escouade. Reste que, comme les pétoires que vous trouverez plus tard et pourrez upgrader au feu de camp (visée, puissance, ajout de silencieux, chargeurs agrandis) grâce au matériel de récupération ramassé ici et là, il offrira d'autres aspects réjouissants. Sans trop en dévoiler, je peux vous dire qu'enflammer les pointes ou attacher une corde à une flèche, alors apte à se ficher dans des endroits précis, peut servir à bien des choses. Autant pour faire bobo - indirectement - que pour atteindre des zones jusqu'ici inaccessibles. Même chose avec le fusil à pompe ou un lance-patate adjoint à une mitrailleuse. Certains palissades, bien définies, vont aimer autant que vos opposants.

Les possibilités d'une île

Pas de Tomb Raider sans grimpette un peu partout, sans bonds là où on croit que ça ne passera pas, sans la petite mimine qui s'accroche à l'arrache à dernier truc qui dépasse. Le titre respecte parfaitement le cahier des charges du genre, en enchaînant assez simplement des phases d'escalade variées, spectaculaires, avec parfois un peu de trapèze, de tyrolienne ou de glissades improvisées pour accélérer les déplacements, et en se montrant très permissif concernant les angles et les distances de saut. Sans oublier de souligner, au cas où, par des couleurs placées discrètement, les probables tremplins ou pan de murs praticables. A noter qu'un autre objet, pouvant également servir à frapper une fois renforcé, va trouver son utilité pour l'exploration. Il s'agit du piolet. D'abord prévu pour forcer les mécanismes récalcitrants au moyen d'un button mashing très court, il va révéler sa vraie nature dès lors que vous croiserez des parois blanchâtres dans lesquelles le ficher : la varappe façon bonhomme. Les rattrapages complètement fous au bout d'un saut désespéré vous attendent et vous permettront, eux aussi, d'atteindre des lieux surélevés. N'oublions pas, enfin, les puzzles environnementaux pour débloquer certains passages - ou accéder à des tombes. La physique des objets, les éléments (le feu et le vent notamment) et le timing sont largement pris en compte. Pas forcément complexes ni longs à résoudre, mais toujours bien pensés. Une fois de plus, si vous bloquez un peu, vous pouvez utiliser l'instinct de Lara, qui ressemble un peu à celui de l'Agent 47 dans Hitman Absolution : outre l'endroit où se situe votre objectif, vous avez droit à une jolie surbrillance pour ce qui a de l'importance. Autant les ennemis que le bazar à ramasser, les objets de quêtes annexes ou, et c'est là que je voulais en venir, les mécanismes qui serviront pour un casse-tête. Mais une fois encore, en progressant, quelques automatismes font qu'on peut oublier cette fonctionnalité d'abord destinée aux novices, qui ne devraient rencontrer aucune difficulté rebutante ni même enrager face à un décès, étant donné que l'on est, rapidement, replacé près du lieu de son dernier trépas.

Seule contre tous

Ce qu'on retient de la production de Crystal Dynamics, c'est qu'on ne s'embête pas un seul instant. Ça carbure du début à la fin avec une alternance de rythmes savamment distillée. Bon, peut-être une fois, sur une séquence "aérienne" mal expliquée et un peu raide, on peut pester. Reste que dans l'ensemble, ça pue le sans-faute. Avec un certain talent, l'équipe de développement est parvenue à trouver le bon équilibre entre l'action et l'exploration. Elle a surtout réussi le travail d'immersion. Cette impression de se retrouver seul aux côtés de Lara, aux animations si réussies, passe par l'absence quasi-totale d'interface (seuls les changements d'armes par la croix directionnelle et les quelques actions contextuelles s'affichent) et de chargements, une mise en scène et un placement de caméra ingénieux. Il y a de l'inquiétude à arpenter cette terre où les cavernes lugubres côtoient une montagne gelée, de sublimes zones boisées, des temples mystiques et des bunkers de la Seconde Guerre Mondiale. Tantôt claustro en plan très serré dans des couloirs exigus où elle peine à garder sa torche allumée, tantôt toute petite face à la nature, parfois chahutée par la pluie ou la neige, lorsque l'angle de caméra défini nous oblige à regarder le vide ou l'horizon encombré... Et avec cette ambiance sonore travaillée, notamment lorsque l'on se sait pourchassé ou que l'on entend le premier loup hurler, on cède assez facilement à la panique ! Alors, la voix de Lara, qui aime bien se rassurer tout haut, aide à se motiver... J'en profite pour placer que, pour ce test, nous n'avons bénéficié que d'une version anglaise. Impossible pour moi de parler de la performance de la ravissante Alice David - nouvelle voix française de Lara. Mais je peux au moins vous assurer que la V.O. fait très bien le job. Bref. Je finirai ce paragraphe en confirmant que la recommandation 18+ n'est absolument pas volée au niveau du visuel, parfois bien gore. Aucune concession. D'ailleurs, on se demande parfois si la petite lady, qui en prend quand même plein la gueule, n'évolue pas dans un survival-horror, et si elle parviendra à s'échapper en un seul morceau...

Pourtant, il faut vivre ou survivre

Ce jeu solide, d'une beauté encore plus désarmante sur PS4 et Xbox One et qui prend aux tripes, assure également question contenu. Si l'on s'en tient à la seule campagne solo en ligne droite, on peut déjà compter une petite douzaine d'heures. Si vous décidez de dénicher tous les secrets - même si on vous les indique sur carte, rien ne dit que vous trouverez comment y accéder tout de suite - et tentez d'améliorer toutes les capacités et armes, prévoyez une quinzaine minimum. Mais la vie d'aventurier ne s'arrête pas à la campagne solo. Un petit multijoueur en ligne a fait la route avec la galette. Quatre modes allant du Team Deathmatch au Free for all, avec des persos du jeu, naufragés de l'Endurance et vilains pilleurs. Plutôt anecdotique. Je doute qu'il s'agisse de la principale motivation à acheter ce titre. Et même si c'est le cas, vous devriez largement vous consoler en cas de déception (ou d'absence d'autres joueurs en ligne, très probable) vue la qualité du solo, indiscutable et déjà bien copieux...

Vous n'avez pas eu l'occasion de redécouvrir Lara Croft sur 360, PS3, ou PC ? Si vous possédez une console de nouvelle génération et que vous êtes en mal d'émotions fortes, vous pouvez foncer. L'aventure est toujours aussi mouvementée, prenante, fait correctement appel aux réflexes ainsi qu'à la matière grise et se révèle ultra agréable à jouer. Ce Tomb Raider brille en outre par une réalisation qui, sous ses airs de simple mise à jour, arrive à coller une bonne petite baffe à la version originale, y compris celle des ordis aux configs balaises. Comme dit l'an dernier, espérons maintenant que, si suite il y a, cela débouchera sur quelque chose d'aussi surprenant et que, contrairement à d'autres séries, on ne tombera pas dans la facilité, l'excès d'action ou l'immobilisme, en oubliant tout ce qui fait la force de ce reboot.