Flashback

Le twist de Deadlight est de transposer un effrayant Seattle des années 80 en un Prince of Persia en 2D, à l'ancienne. Je ne savais absolument pas pourquoi RaHaN insistait tant au téléphone pour que je m'occupe du jeu, si ce n'est mon goût poussé pour la survie en milieu désespéré. Tout est finalement devenu clair à mesure que Deadlight fondait dans l'obscurité. Il y a un respect très profond pour les jeux à l'ancienne jusque dans le staff final où sont remerciés Paul Cuisset, Eric Chahi et surtout Jordan Mechner, pour leur savoir-faire et pour les élégants mouvements rotoscopés, la marque des héros solitaires.

Plateformes à la première personne

Le héros du jour respecte d'ailleurs ce dogme cinématographique repris dans Limbo : ne jamais trop en montrer. Toujours dans le noir, jamais vraiment visible, Randall saute de lignes à haute-tension en corniches semi-clignotantes, histoire de laisser une chance au débutant trop vite harassé par les morts à répétition. Le premier et l'arriere-plan sont merveilleusment utilisés, tantôt bloquant le champs de vision, parfois en laissant entrevoir quelques "shadows" qui viendront si Randall shoote dans une canette. Et pendant ce temps, lui continue de narrer, de narrer... Tout ce qui sort de sa bouche semble être un cliché. Les dialogues semblent d'ailleurs sortir tout droit d'un générateur aléatoire "Walking Dead".

Walking Dead by the book

Évidement, la filiation avec le comics de Robert Kirkman semble toute trouvée, d'autant plus que Deadlight pousse le mimétisme à ne jamais utiliser le mot Zombie. Il y a même une scène qui ressemble à une redite à la lettre de la bédé qui est ce qui se fait de meilleur aujourd'hui. Malheureusement, Deadlight se perd parfois en s'épuisant à mettre en place des mécaniques de pur jeu vidéo. Il y a un passage absolument débile où Randall se fait guider dans les égouts par un fou qui actionne au fur et à mesure des mécanismes abracadabrantesques, avec des dizaines de poulies actionnant des mécanismes beaucoup trop compliqués pour avoir été imaginé par un esprit humain. Ce niveau était si absurde que j'ai failli lâcher Deadlight aussi sûrement que j'ai laissé tomber la série TV Walking Dead, au moment où les héros découvrent un bunker tout confort. Ce genre de nullité.

L'énergie de l'impossible

Heureusement Deadlight a aussi quelques moments de brillance. Il y a ce système de combat qui ne flatte jamais le joueur en le laissant s'imaginer, simplement parce qu'il dispose d'une hache, qu'il va devenir un guerrier légendaire. Quelques moulinets auront vite fait de baisser ses espérances et son Stamina. L'écran devient alors complètement floue. C'est sur que c'est moins glorieux que Dead Rising, moins flatteur que Left 4 Dead, mais ainsi on comprend mieux qu'il faut plutôt courir que de livrer des combats impossibles. C'est justement dans ces courses que Deadlight... brille le plus, quand il se transforme en Canabalt de luxe, poursuivi par un hélicoptère ou par des zombies. Ces passages occupent malheureusement très peu de place dans un jeu qu'à peine une poignée d'heures suffira à boucler, goodies non-inclus. Plutôt que dans son côté puzzle, c'est dans ces moments de fuite que Deadlight prend tout son intensité.

Entre Limbo et The Road de Cormac McCarthy, Deadlight se positionne de manière assez habile dans la longue liste des oeuvres crépusculaires. Rarement un soft n'a donné l'impression d'être un trip de passionnés, nostalgiques d'un autre temps, une époque plus douce où la question de profondeur de champ ne rentrait pas en compte dans les jeux 2D. Ce n'est pas un hasard si son histoire se situe pile au moment où les premieres consoles devenaient mainstream. Et malgré d'étonantes maladresses à un tel niveau de production, il se laisse traverser d'un pas pressant, en rebondissant sur les murs comme dans Batman sur Nes. Finalement, Deadlight arrive à la même conclusion que Walking Dead : quand le chaos viendra, ce sera nous les morts-vivants. La seule chose qui nous différenciera sera la vitesse de nos pas.