Les jeux étant sensiblement différents entre les versions console et la version PC, les tests le sont également.

C'est dans les vieux pots...

Avouons-le, le scénario et l'univers de Dragon Age ne sont pas des plus originaux. Plus emprunt de Dark Fantasy que d'habitude, le monde de Ferelden se veut sombre, avec ses mages régentés, voire lobotomisés, ses Elfes réduits en esclavage, et surtout l'invasion de l'Enclin qui menace. Les Engeances, les méchants pas beaux de l'univers, recommencent à grouiller de partout, et la Garde des Ombres qui est supposée les repousser est un peu tombée dans l'oubli vu qu'elle n'a pas tellement servi depuis un moment. Évidemment, il faudra les rejoindre et sauver le monde, et pour ce faire rassembler les différentes factions et aller tataner de l'archidémon. Mais procédons dans l'ordre dans la découverte de cet univers, qui commence par la fameuse partie "Origins" du titre.

Le choix de création de personnage parait bien limité pour un habitué à Donjons&Dragon et en comparaison avec Neverwinter Nights 2 et sa pléthore de races, sang-mêlés et classes à foison. Ici, Humain, Elfe ou Nain, guerrier, mage ou voleur, et une ou deux origines en fonction de la combinaison race/classe. Cela donne six scénarios d'introduction possibles, qui prendront une heure ou deux chacun si vous voulez tous les essayer. Pour ma part, j'opte pour un Nain roux guerrier nommé Rugnar, comme mon personnage de NWN2 qui m'a accompagné pendant des dizaines d'heures. Arrivent ensuite les attributs classiques : force, constitution etc., puis l'arbre de compétences, qui lui aussi paraît simple de prime abord, mais s'avère au final bien pensé, et permettra de customiser largement chaque classe au fil de l'aventure. Pas d'inquiètude à avoir de ce côté, donc, sachant qu'en plus vous pourrez obtenir deux spécialisations, aux niveaux 7 et 14, si toutefois vous trouvez un maître ou un manuel pour vous les apprendre. Le berserker me fait déjà de l'œil, de même que le psychomancien, j'ai hâte. J'ai choisi l'origine noble, je me retrouve donc fils du roi dans la cité souterraine d'Orzammar.

Du roleplay à gogo

Dès les premiers dialogues, je jubile sur les choix possibles. Untel ne me revient pas, je demande donc à mon fidèle second qu'on lui règle son compte discrètement. J'envoie promener mon frère, héritier du trône, d'un sympathique "kiss my ass", et m'arrange pour passer la prochaine nuit en compagnie de deux courtisanes. Bon, évidemment, quelques trahisons plus tard, je me retrouve exilé et bien contraint à rejoindre les Grey Warden, la fameuse Garde des Ombres, mais au moins j'en aurai bien profité au début.

Au passage, notez que le jeu est multilingue - d'où les deux DVDs, et qu'il est très facile a posteriori d'installer les sous-titres ou les voix d'une autre langue, présents sous la forme d'archives qu'il suffit de décompresser dans le dossier du jeu. J'opte pour ma part pour la VO, sachant que BioWare à fait appel à certaines voix de renom, comme Claudia Black (Farscape, Pitch Black) excellente dans le rôle de Morrigan la sorcière des bois, ou Kate Mulgrew (Star Trek : Voyager, oui, ici on appâte le geek). Les voix originales sont généralement d'un bon niveau, même si certains seconds rôles en font un peu trop, et la VF ne s'en sort pas mal non plus en fait : ça ne joue pas subtil, mais on est loin de certaines horreurs. En revanche, graphiquement tout n'est pas si rose.

À la truelle

Exit le moteur Aurora/Electron, ici c'est du tout nouveau : Eclipse (un toolset est d'ailleurs fourni, comme d'habitude, afin de créer du contenu perso, hélas aucun support réseau n'est annoncé). Cependant, ledit moteur fait un peu vieillot. Ce n'est pas forcément moche, mais le pire peut côtoyer le meilleur. Les personnages peuvent être relativement détaillés, mais ils bougent comme des pantins et sont inexpressifs. Dur de croire la mère éplorée quand son faciès de cire se contente de froncer un peu les sourcils et de baisser la commissure des lèvres. Quant aux textures, j'ai du mal à saisir la logique : parfois très fines, parfois horriblement floues et plaquées sur des surfaces énormes. Pourtant, les décors sont assez grandiloquents et le design plutôt bien vu.

On reste cependant en territoire connu à la NWN, avec les transitions de zones aux passages de portes, et les nombreux chargements qui m'ont semblé heureusement moins longs que ceux du prédécesseur de chez Obsidian. Le tout tourne plutôt pas mal. En jouant en 1920x1200 tout à fond (sans Anti-Aliasing), je n'ai eu que de rares ralentissements sur ma carte graphique, qui n'est plus toute jeune, principalement sur les scènes avec beaucoup d'arbres. Au niveau des combats, là c'est assez classe. Les effets pyrotechniques sont de la partie, et ça pête de partout : feu, glace, éclairs, et surtout plein de sang ! Bon ok, ce n'est pas la classe de la bande-annonce, mais il ne fallait pas trop rêver non plus.

Un joyeux bordel

Tiens, parlons-en, des combats. Il est possible de mettre le jeu en pause en appuyant sur la barre espace, afin d'assigner des ordres, avec le bénéfice d'une vue reculée (classique sur PC, et tellement plus confortable par rapport aux versions console). Enfin, UN ordre, car contrairement à NWN2, impossible de prévoir un enchaînement de plusieurs actions... Bon, je règle l'option afin que la pause se déclenche automatiquement dès le début d'une altercation. Revenons à ma première rencontre avec une araignée géante dans les souterrains nains d'ailleurs : une fois l'arachnide occis, il droppe... une potion de soin. Bien joué, *clap-clap*. C'est moins horrible que des rats sur lesquels on récupère des pièces d'or - souvenir douloureux de T4C, mais tout de même, niveau réalimse, ce genre de trucs me déprime au plus haut point. Le record, pour l'instant, je l'ai eu avec un loup qui avait sur lui une armure de cuir. Fort heureusement, ces loots (butins) débiles sont assez rares.

Croyez-moi, vous aurez besoin du bouton pause : même en mode normal, le jeu est dur, et il est impossible de se reposer sur ses lauriers. Cliquer droit nonchalamment sur un ennemi et attendre que ça se passe ? Que nenni, votre groupe sera oblitéré en quelques secondes. Il faudra jouer astucieusement des capacités spéciales de chacun, que vous pourrez mettre dans une (seule et unique, encore une fois, hélas) barre de raccourcis. Celle-ci s'avèrera assez rapidement bien remplie, surtout pour les mages, car dès que l'on doit cumuler les soins, les potions de mana et les sorts, les emplacements de base ne suffisent plus. Fort heureusement, on peut l'étirer, mais du coup, fini les raccourcis clavier. Dommage, le système de alt/shift de NWN2 était pourtant pas mal.

Le comportement automatique de chaque membre du groupe peut être customisé aux petits oignons, grâce à des "emplacements tactiques" plus ou moins nombreux, du type "si [condition] faire [action]". Vous pourrez ajouter des emplacements au fil du jeu en augmentant les compétences stratégiques des compagnons, et sauvegarder plusieurs profils, afin d'avoir des configurations du genre soutien, attaque frontale, tir de loin etc. Sur le papier donc, il est possible de prévoir des combos dévastatrices en optimisant les interactions entre personnages.

En pratique, en revanche, il faut constater que l'IA est assez débile ! Vos persos n'hésiteront donc pas à marcher dans les flammes, ou pire, les pièges que la barde vient tout juste de détecter, et à rester sans rien faire pendant plusieurs secondes au milieu d'une mêlée, à attendre bien sagement de se faire trucider la tête pour réagir. Or, vu le niveau de difficulté, quelques secondes suffisent à perdre la bataille. Le quicksave sera donc votre ami, de même que le fait que les personnages décédés se relèvent à la fin du combat s'il reste au moins un survivant. Ils écopent toutefois de blessures graves permanentes, une autre bonne idée du système de jeu, qui conféreront un malus tant qu'elles ne seront pas soignées adéquatement.
Il reste évidemment la possibilité de tout contrôler manuellement, mais vu qu'on n'assigne qu'une commande à la fois par personnage, c'est vite fastidieux.

Liberté, liberté chérie...

Cette IA un peu à l'ouest me fait regretter le manque de liberté global du jeu. C'est hélas monnaie courante depuis le passage à la 3D, mais c'est assez flagrant pour être signalé. Hérité des MMOs, les personnages ayant trait à une quête ont un symbole au dessus de la tête, histoire de ne pas les rater. De même, une pression de la touche TAB mettra en évidence tous les objets avec lesquels ont peut interagir. Et on doit bien se rendre à l'évidence, il n'y en a pas des masses. Le fait que tous les dialogues du jeu soient doublés y est probablement pour quelque chose, du coup beaucoup de petites quêtes secondaires du genre livraisons/courses sont réduites à des listes cliquables sur des panneaux ou dans des coffres. Les autres PNJs (persos non joueurs) restent la plupart du temps plantés à leur emplacement initial, sans jamais bouger d'un pouce. J'ai fait une expérience rapide : à l'orée de Lothering, une meute de loups rôde. Après m'être fait occire plus que de raison, je décide de fuir dans le village, voir ce qui va se passer. Et bien, rien du tout. Les loups ont continué à me poursuivre sans relâche, ignorant tous les PNJs, qui n'ont de leur côté absolument pas bronché. Il n'y a bien que quelques gardes dans le jeu qui pourront vous prêter main forte.

Il est généralement impossible d'attaquer le premier, vu qu'on ne peut déclencher une attaque que sur une cible déclarée "hostile". Or, la distance d'aggro (c'est à dire la distance à laquelle l'ennemi vous repère et déclenche le combat) est parfois faible, ce qui fait que vous pouvez dans certains cas voir depuis un moment des ennemis, sans pouvoir déclencher en toute discrétion des attaques à distance avant d'être repéré. Et de même, à part là où c'est prévu dans les options de dialogue, impossible de tuer de sang froid le premier venu. Et là, je dépoussière Baldur's Gate, et dès le tutorial... ah ben oui, on rentre dans une auberge, il y a des gens qui dorment dans les lits, et on peut les attaquer si on veut. Dans DAO, il n'y a même pas de lit dans les auberges...

Au niveau des décors, on est la plupart du temps dans des couloirs, au sens propre comme figuré, avec des portes irrémédiablement fermées de partout, et des murs invisibles. La progression dans les tours / châteaux / donjons est donc linéaire, et on se retrouve dans un classique enchaînement porte / monstre / trésor, jusqu'au boss de fin.

De l'action, de l'aventure, de l'amûûûr

À me lire comme ça, on pourrait me croire assez aigri (ou psychorigide, NdRaHaN), mais dans l'ensemble, pas du tout. L'univers de DAO est riche et détaillé, et on sent que BioWare a l'intention de continuer un certain temps les aventures dans Ferelden et ses environs. Au fur et à mesure des découvertes, un Codex semblable à celui de Mass Effect se remplira de nombreuses fiches de background et d'informations. Libre à vous de le consulter au calme et d'y trouver des indices et des réponses. En revanche, sa présentation laisse franchement à désirer : classée par catégorie, chaque entrée porte un simple numéro, et il faut donc cliquer comme un dératé pour retrouver celle qui nous intéresse.

Les membres du groupe possèdent chacun un passé chargé, avec des quêtes associées, et bien entendu des romances seront possibles, on nous a suffisamment vendu les scènes de sexe comme ça. Entre la sombre et mystérieuse Morrigan, et la nunuche (et bi) Leliana qui m'a raconté des histoires de chaussures et de femmes de pouvoir pendant des plombes, mon cœur n'a pas balancé bien longtemps. En plus de vos choix, qui impacteront le respect et l'affection que les membres de votre équipe vous porteront, certains pouvant éventuellement partir, vous pouvez leur faire des cadeaux. Un moyen de corruption simple pour s'assurer leurs faveurs.

Du côté de la trame principale, on reste dans du classique, mais bien fichu. On regrettera que les 3/4 du jeu soient basés sur la même structure répétitive du "J'ai besoin de l'aide de [untel]. Arrivé sur place, gros problème à cause d'un [créature malfaisante]. Il n'y a que moi qui peut sauver tout le monde. Basher du monstre, confrontation finale, fin de la quête". Mais bon, ce n'est pas comme si on ne nous avait pas déjà fait le coup. En revanche, on pourra décider d'agir de plusieurs façons assez différentes, quitte à décider de condamner des enfants, ou faire ami-ami avec des démons. Mais au final, les grosses décisions n'auront qu'un impact assez faible sur tout le déroulement de l'aventure.

Des microthunes pas si micro

Enfin, pas moyen de terminer ce test fleuve sans évoquer le phénomène des DLC. D'office, il y a deux extensions fournies avec la boite du jeu : The Stone Prisonner et l'Armure du dragon de sang (qui sera aussi utilisable dans Mass Effect 2). Évidemment, si vous revendez le jeu, l'acheteur suivant devra repasser par la case raquage, histoire de pouvoir en profiter. C'est dommage, surtout quand on sait que la première extension coûte 14€ et ne dure qu'une demi-heure linéaire, avec toutefois une fin amusante et une recrue de choix pour votre groupe, le golem Shale et ses répliques acerbes.

C'est encore plus dommage quand on découvre que l'autre extension, offerte seulement avec la version collector, The Warden's Keep (7€), est le seul moyen pour l'instant de pouvoir stocker de l'inventaire en surplus. En effet, autre grand moment de solitude : l'inventaire de Dragon Age est hérité de Mass Effect. Vous avez donc quelques dizaines d'emplacements en commun pour tout votre groupe, et un objet = un emplacement, que ce soit une armure ou une bague... et vous ne pouvez pas déplacer depuis l'inventaire vers un coffre lambda, jamais. Seulement détruire ou revendre. Oubliez donc le "je laisse ça la planqué, je reviendrai le chercher plus tard" traditionnel !

Ne boudons pas notre plaisir, Dragon Age : Origins est un très bon jeu, dans la lignée de ses prédécesseurs. On reste accroché des dizaines d'heures et on ne bougonne (presque) jamais à devoir recommencer un combat où on s'est fait laminer la face tel un béjaune. Le scénario est épique à souhait, avec des cut-scenes bien bourrines, des sacrifices, des trahisons, on sent la machine bien huilée. Mais il manque tout de même trop, à mon sens, pour le transcender en chef-d'œuvre. La diminution de la liberté, la faute à la fois aux contraintes techniques et à la simplification du gameplay, me font regretter le temps des jeux en 2,5D où on avait l'impression qu'on pouvait vraiment tout faire. Le JdR, c'est comme dans les légendes, les temps glorieux semblent toujours révolus.

Config de test : core2duo E8400 @ 3.6GHz, Windows 7 64bits, 4Go de ram, Radeon HD3870