Après l'inoubliable Lost Odyssey (mon coup de cœur définitif pour 2008), le beau mais moins estimable Eternal Sonata, le carton nippon de Tales of Vesperia, et en attendant The Last Remnant, Star Ocean 4 et Final Fantasy XIII... pas de doute, entre les exclusivités et le multi-support, la Xbox 360 s'impose bien comme la console du RPG japonais ! Un constat d'importance tant ce genre s'est jadis révélé Ô combien stratégique. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Le RPG japonais a-t-il gardé son lustre d'antan ? Ne souffre-t-il pas aujourd'hui de la comparaison face aux titres occidentaux ? Les RPG japonais n'auraient-ils pas tendance à tous se ressembler, peinant à se renouveler ? Infinite Undiscovery porte en lui nombre de réponses à ces questions. Pour le meilleur parfois, mais aussi souvent pour le pire. Explications.

Parti pour décrocher la Lune

Comme c'est la tradition, chers amis : pitchons ! Voici donc un royaume au bord du chaos. Asservi par l'Ordre des Chaînes, le peuple subit en silence, tandis que la Lune a été littéralement enchaînée à la Terre. Oui. En toute sobriété et plusieurs milliers de kilomètres d'acier. Tout débute alors dans les bas fonds d'une prison, dans le cachot numéro 28347, où croupit le faible Capell, ménestrel de son état. Et là, tout s'accélère. Mission commando, quiproquo (Capell ressemblant comme deux goutes d'eau au légendaire héros Sigmund), course poursuite aussi longue que peu rythmée, infiltration, réunion, et début de l'histoire en fanfare parfois dissonante. Car oui, autant être clair d'entrée : sa force, Infinite Undiscovery ne viendra jamais la puiser dans la qualité de son histoire, somme toute banale et peu enlevée. Et c'est d'ailleurs là une véritable déception. Habitué aux RPG d'ampleur comme Valkyrie Profile ou Star Ocean, Tri-Ace peine à plonger le joueur dans une aventure au souffle pourtant résolument épique. Les situations s'enchaînent donc à grand renfort de musiques héroïques et de surprises surprenantes mais qui ne surprennent plus, tant elles ont déjà été vues ou jouées ailleurs, avant. Si pour vous un RPG se juge avant tout sur la qualité de son immersion, la force des sentiments qu'il suscite (c.f. Lost Odyssey), soyez prévenus : Infinite Undiscovery risque d'être pour vous d'une infinie lourdeur. Accablant ? Pas forcément. En effet si Tri-Ace n'a jamais vraiment fait preuve d'un talent narratif particulier, le studio a toujours su s'illustrer par la fougue de son action, par la richesse de ses systèmes de combat.

Croiser les fers

Dès la scène d'ouverture, maladroitement entrecoupée d'une constellation de tutoriaux, le ton est donné. Dans Infinite Undiscovery, les affrontements se voudront directs et dynamiques. Tout s'effectue donc en temps réel, sans transition entre phases de recherche et de combat. Il vous suffit d'appuyer sur une touche pour brandir votre arme et engager la joute. Au cours de votre progression dans l'aventure, vous serez rejoint par différents partenaires (au look assez classique). Il s'agira alors de constituer des équipes de 4 personnages, certains passages vous demandant même de couper votre troupe en 3 groupes distincts à jouer en alternance. Bien sûr chaque personnage bénéficiera de compétences propres. Et c'est là qu'intervient le Connect System. En effet si vos alliés se débrouilleront généralement très bien lors des combats (l'IA répond admirablement), vous pourrez librement en prendre le contrôle temporairement pour vous sortir d'une situation dangereuse ou utiliser l'une de leurs capacités.

Mais là, attention, je le répète : tout s'effectue en temps réel. Je dis bien tout. Que vous entriez dans un menu pour chercher une potion, ou que vous vous emmêliez dans le Connect System... vous devrez toujours rester sur le qui-vive car vos adversaires ne vous regarderont pas les doigts croisés. Non. La navigation dans les menus n'active aucune pause dans les combats, vous obligeant à la jouer un minimum tactique. Si dans un premier temps cela engendra une jolie dose de stress, ce système est l'indispensable source de la nervosité et de la profondeur des combats. Vous devrez donc battre en retraite temporairement ou jouer avec la topographie des décors en profitant d'abris naturels. Autre subtilité, les coups ont été conçus en suivant une arborescence de combos. Vous pourrez donc envoyer des attaques faibles mais rapides, des violentes mais plus lentes, puis les combiner, les faire évoluer et combotter à souhait. A noter qu'en fonction de votre style d'attaque, vous récupérerez des orbes différentes : de la vie, de l'expérience, etc. Idéal pour vous obliger à adopter un style plus panaché, et probablement la plus grande force du titre.

Le malaise nippon

Habitué des productions à l'esthétique soignée, voire enchanteresse (Valkyrie Profile !), Tri-Ace était bien évidemment attendu avec ce premier Action RPG sur 360. Autant le dire, le bilan se montre malheureusement assez mitigé. Comme c'est de plus en plus souvent le cas, le bon alterne avec l'abyssal, le tout manquant cruellement de cohérence aussi bien esthétique, que technique. Ainsi les environnements souvent gigantesques (déserts, cavernes, citadelle...) manquent trop souvent de patine. Les textures sont globalement propres, c'est une certitude, mais le tout manque d'éclat. L'ensemble n'a rien d'organique, et on se retrouve avec une froide présentation HD. D'autant que la mise en scène pèche vraiment. Animations classiques, cinématiques des plus correctes et cut scenes plutôt ratées. Pas immersives pour un sou en tout cas. Et encore, je ne parle pas de la synchro labiale catastrophique (le jeu est d'ailleurs intégralement en anglais). A noter aussi que, parfois, les héros s'exprimeront de vives voix... et parfois ils bougeront les lèvres totalement dans le vent avec comme seule expression de sympathiques sous-titres. Ok. Je vous dis pas combien l'ambiance générale se montrera vide. Je parle, je parle plus. Je parle encore... hop, je parle plus ! Le découpage est parfois un rien surréaliste. Enfin, Tri-Ace oblige, le très bombastique Motoi Sakuraba a ressorti ses accords les plus explosifs. Le style Sakuraba, vous le reconnaîtriez à 12 millions de kilomètres. C'est généreux, c'est fiévreux, c'est cuivré, c'est cosmico-héroïque... mais c'est aussi un peu toujours pareil. Un sentiment d'autant plus perceptible qu'il est difficile de croire dans des envolées musicales alors qu'il ne se passe pas grand-chose de formidablement épique à l'écran. Je parle ici de grandes séquences... car il faut avouer qu'une fois de plus les combats envoient du lourd, servi par moult effets lumineux suffisamment nombreux pour parfois faire ramer la console. C'est désormais une certitude, les productions japonaises qui émerveillent par leur maîtrise technique se comptent désormais sur les doigts d'une main. Infinite Undiscovery ne relèvera pas le défi. Les temps changent.

Dernier avertissement avant sanction ?

Inutile de s'appesantir. A l'heure du bilan célesto-cosmique, Infinite Undiscovery renferme donc les germes d'un Action-RPG solide, rigoureux, mais trop aride en termes d'émotions et d'immersion. Vous l'aurez compris, voici donc une quête nerveuse qui, s'il elle ne réinventera clairement pas le genre, permettra de passer une vingtaine d'heures plus prêt de la Lune. Ceux qui avaient espérer tutoyer les étoiles pourront donc repasser, mais les plus guerriers d'entre vous apprécieront sans nulle doute la richesse de ce titre qui confirme l'identité de Tri-Ace. Un studio définitivement atypique dans l'univers du jeu de rôle nippon. Un particularisme qui lui vaut peut être aujourd'hui d'être respecté. Mais attention, jamais une légende ne perdure sans constamment réinventer ses exploits.

A la lumière de cette aventure, les jeux de rôle japonais vont devoir réellement se remettre en question s'ils ne veulent pas finir par scléroser un genre qui commence définitivement à faire du surplace. En attendant, avec espoir, que Final Fantasy XIII mette tout le monde d'accord... en 2009/2010. Ou pas. Oui, j'avoue, elle est loin l'époque des 3 RPG d'exception par an.