En indé, on a plusieurs types de développeurs. Par exemple ceux qui assument leur manque de moyens et cherchent des approches techniques et artistiques différentes pour leurs titres (Pixel Art, graphismes minimalistes, retro-j'm'enfoutisme, etc.) Et puis il y a ceux qui visent le look AAA. Mais comme ils sont effectivement sans le sou, ça fait un peu AA sur les bords au final. C'est un peu le cas de Mars : War Logs, le premier jeu "en solo" de Spiders, qui profite de la bouteille acquise en bossant avec Cyanide en particulier. On retrouvera un peu le style et les idées développées dans des titres comme le RPG Game of Thrones, ou encore Of Orcs and Men, à la différence près qu'ici, la plupart des mécanismes fonctionnent. Ce n'est pas sans défaut : on peut trouver de quoi redire dans le détail. Mais globalement, les bases RPG/action de Mars : War Logs, bien que peu originales, s'avèrent solides. Du coup, on va pinailler, hein !

Sauvez votre peau, pas le monde

Vous jouez le rôle de Roy/Temperance (pseudo/vrai nom), un renégat prisonnier de guerre de la guilde Abondance, bien qu'on ne l'imagine pas non plus combattre du côté de son propre camp, Aurora, qu'il a trahi. Pas très fan de la spiritualité des Technomants, le monsieur. Bref, c'est dans le camp 19, alors que la guerre se termine sur une terrible bataille, qu'il rencontre Innocence, un jeune soldat qui porte bien son nom. Pour eux, pas question d'attendre des plombes que les prisonniers soient libérés après la toute nouvelle "paix" (s'ils le sont un jour). Il faut se barrer vite fait. Le premier acte - qui traîne un peu en longueur - consiste donc en une évasion. Ensuite, légèrement désœuvrés, les deux compères contacteront la résistance qui lutte contre des Technomants toujours plus avides de pouvoir.

Évitons les spoilers

Rapidement, Roy va flairer un complot politique. Pour continuer, il faudra choisir ses alliés et c'est là que Mars : War Logs impressionne, avec un embranchement aux conséquences importantes. Cela rappelle un peu The Witcher 2 d'ailleurs, en un poil plus simple. De plus, même si les quêtes secondaires se montrent assez basiques, c'est toujours l'occasion de prendre des décisions morales dont les répercussions se sentiront ici et là dans le scénario. Rien qui mette sur le cul, mais c'est agréable. Le jeu propose aussi un petit système de réputation peu utile, qui se base surtout sur le choix de Roy d'achever ses victimes ou non. S'il le fait, il passe pour un salaud, mais ça lui fait du fric (puisqu'il extrait des corps du Serum, la monnaie locale qui sert d'ailleurs à fabriquer des soins). Sinon, il ne fait que mettre tout le monde KO. Un peu violemment, certes, mais ils s'en remettront !

Avec des amis comme ça...

Votre pote Innocence fera son propre chemin au bout d'un moment, mais vous rencontrerez trois autres compagnons potentiels. À vous de voir si vous combattez à leur côté, si vous tentez de connaitre leur passé, si vous forniquez avec, etc. Certaines relations se construisent de manière assez étonnante, mais pourquoi pas ? Le seul souci de ces PNJ, c'est qu'ils sont vraiiiiiment nuls au combat. À part se faire buter, à quoi servent-ils ? On peut leur donner quatre ordres tactiques différents, mais en général, ils sont à terre très rapidement. Il faut dire que Mars : War Logs est dur. J'ai dû, en cours de route, passer du niveau "difficile" à "normal" par lassitude, et pour pouvoir vous offrir ce test pas trop tard. Au-delà de l'équilibrage prévu par Spiders, il existe des problèmes de caméra, de réactivité et d'IA, donc, qui rajoutent une couche de frustration malvenue.

Panoplie de combat

C'est dommage, car le reste est très bon. Mars : War Logs nous offre une action à la Batman : Arkham Asylum. On tape dans la direction des ennemis (mais sans toujours couvrir la distance qui vous sépare), on pare, on brise les gardes des malins qui se défendent, on balance des pouvoirs technomants, on tire au pistolet à clou en soutien... Il y a de quoi faire ! Les adversaires, humains ou non, vous demanderont de bien connaitre votre panoplie et de l'utiliser pour survivre. Les niveaux gagnés rapportent des points de compétences que l'on dépense dans trois arbres. On peut donc devenir bourrin au corps à corps, ou fourbe furtif pour ne pas affronter de front une demi-douzaine de soldats, ou encore technomant accompli après la fin du premier acte.

Roule, roule, roule, roule

Le combat n'est pas sans reproche. D'abord, contrairement à un Batman, les adversaires ne vous entourent pas et ils n'attendent pas de vous attaquer à tour de rôle. Ce n'est pas forcément un mal, mais cela entraîne des problèmes. Déjà visuellement, ils se rentrent dedans, ce qui est moche, ensuite parce que cela rend les parades très difficiles à placer. Au contraire, l'esquive par roulade se montre trop facile : elle s'enchaîne à l'infini, de manière assez ridicule. Autre chose : les pouvoirs Technomant ne sont pas non plus très attirants. Ils prennent un temps fou à se lancer, et mieux vaut avoir des points de côté pour monter cet aspect de Roy rapidement, sinon ses petits tours de magie électrique sont bien trop faibles. Néanmoins, jouez comme vous le sentez. Ces styles de combats et les quelques embranchements scénaristiques vous promettent une bonne rejouabilité au besoin.

Mars Gyver

Dernier point RPG, le matos. Côté arme, vous avez votre gourdin de combat, aux effets variables selon la manière dont vous le trafiquez (blessures, critiques, étourdissement, etc). Même un vieux général de guilde se bat avec un pauvre tuyau en fer, c'est un peu ridicule. Un peu plus de diversité n'aurait pas fait de mal. On trouve aussi différentes armures que l'on customise d'après son style de jeu : plutôt bourrin ou technomant. Upgrader son équipement est vital, c'est pourquoi je me demande qui ira acheter des pièces qui ne disposent pas d'emplacements spéciaux. Encore un détail qui sonne un peu inutile... Tout comme le fait de valider une fenêtre de butin à chaque corps ou conteneur fouillé. Il n'y a pas de limite de poids porté, on prend tout, alors pourquoi devoir cliquer à chaque fois ? Le recyclage est aussi important pour créer des consommables (soins, munitions, explosifs), vous passerez donc un certain temps à faire de la récup' et à nettoyer les zones encore plus méticuleusement qu'un Booker DeWitt sous coke. Un poil trop pour que ça soit vraiment confortable au final, surtout qu'il n'y a jamais de surprises à découvrir.

L'art du découpage

On parle de la forme ? Comme vous pouvez le voir sur les screens, Mars : War Logs dégage une bonne ambiance. Spiders a tenté de mettre un peu de vert et de bleu parfois pour nous soulager, mais le design général est plutôt bon. On revoit souvent les mêmes têtes, et on entend les mêmes voix, mais on ne peut pas leur en vouloir. Côté animations, c'est un peu la misère. Tout ce qui touche au combat est correct, mais le reste se montre bien pauvre. Le sprint est clairement embarrassant tant il est raté. Autre étrangeté : chaque carte est découpée en mini-zones qui demandent une petite animation pour être franchies (ouvrir une porte, sauter un mur, etc.). Comme les quêtes provoquent pas mal d'allers-retours, c'est vite fatiguant, même si on peut les abréger en deux clics rapides. Et dans ce cas : pourquoi ? À quoi servent ces séparations ? Un dev pourra peut être nous expliquer, moi je ne vois pas du tout... Enfin, on notera que Spiders n'a pas fait de très gros efforts du côté de la musique.

Quand on n'a pas les moyens de faire un AAA, s'en approcher le plus possible sans se vautrer n'est pas une mince affaire. À quelques détails près, Spiders s'en sort très bien, avec une sorte de mix Mass Effect / The Witcher 2 qui aurait su maîtriser son budget. On y remarque des problèmes techniques, quelques mécanismes pas assez aboutis, des petites erreurs. Mais le projet respire le bon sens et la bonne volonté en général. Donc, filez leur vos 20 euros, pour 15h de jeu environ, qu'ils puissent nous pondre une suite plus peaufinée. Après tout, l'histoire ne fait que se poser dans Mars : War Logs, comme dans le pilote d'une série qui ne demande qu'à devenir épique.

Mars : War Logs est dispo sur Steam, et sortira bientôt sur Xbox 360 & PS3. Il faudra vérifier que les soucis de caméra ne sont pas exacerbés par les mouvements plus lents du pad pour recadrer l'action.