Nous voici donc propulsés dans la peau d'Eivor, que l'on pourra à la volée faire changer de sexe en passant par l'Animus, dans l'Est-Anglie du IXème siècle, un territoire morcelé où les seigneurs locaux continuent de régulièrement se chercher des poux. Rompus à l'art de la négociation comme du fracassage de crâne, leurs voisins du Grand Nord y voient là une bonne occasion de jouer les entremetteurs, histoire de profiter avec une perfidie empreinte de realpolitik avant l'heure de la faiblesse des futurs sujets de Sa Majesté.

Un peu plus à l'Est

Cette première prise en main s'ouvre directement sur les terres encore à prendre de l'Est-Anglie, afin d'y placer un roi de notre choix, pour s'assurer les faveurs de cette région côtière pour les batailles à venir. Malgré son absence, Assassin's Creed semble dans un premier temps ne pas avoir subi de bouleversante transformation, tant dans son maniement que dans sa présentation. À cheval, notre héroïne parcourt les plaines rougeoyantes de la côte orientale du continent, pour rapidement tomber nez-à-ne avec l'une des (nombreuses) hordes de bandits de grand chemin qu'il faudra salement occire, preuve s'il en est qu'une tête couronnée serait de bon aloi pour faire revenir l'ordre dans la région.

Le système de combat conserve l'héritage d'Origins, en plaçant les deux niveaux d'attaque sur les gâchettes de droite, alors qu'un bouclier pourra également compléter votre bras gauche, pour peu que l'une des nombreuses armes blanches du jeu ne vous le permette, certaines d'entre elles nécessitant d'être employées à deux mains. Encore plus que lors des précédents épisodes, la gestion de la distance s'avère déterminante pour espérer remporter la victoire sans trop de dégâts. Bien plus mobiles que votre avatar lesté, les barbares locaux font preuve d'une grande habileté à éviter vos attaques, une difficulté que la visée automatique encore assez brouillonne n'arrange en rien, surtout lorsque ces derniers se multiplient. Ce premier aperçu du jeu nous aura malheureusement permis de constater que vos adversaires font encore à l'heure actuelle preuve de bien curieux comportements, et il faudra parfois leur courir après pour vider une zone, une épreuve au vu du poids bien trop présent de votre avatar. En effet, dans les déplacements comme dans les faces-à-face, la lourdeur semble pour le moment l'emporter sur le reste.

Kyd rocks

Une fois les brigands dépecés, nous découvrons la bourgade de Theotford, non sans avoir traversé un sous-bois qui laisse à penser que toute l'équipe de développement a largement eu le temps de digérer The Witcher III et sa plastique amoureuse des plaines sauvages du Continent (avec une majuscule, cette fois). Ce premier lieu offre l'occasion de rencontrer et d'interagir avec les habitants, dont la modélisation semble figée quelques années en arrière, malgré un intérêt affiché pour les coiffes élaborées et l'habillement bien dans son époque. Fort heureusement, les décors semblent avoir fait l'objet de bien plus de soin et d'attention, en témoigne le souci du détail qui donne aux bâtiments religieux et aux murets de pierres sèches typiques du rocher un supplément de crédibilité, à l'instar de ce qui avait déjà été entrepris par deux fois pour la période Antique. La cérémonie de mariage qui peut se ponctuer de bien des façons en fonction de vos choix passés permet d'ailleurs de profiter d'une ambiance assez singulière, mais aussi de remettre pleinement le nez dans toutes les lacunes techniques de la série.

Certes moins renversante que ses équivalents égyptiens et grecs, l'architecture pré-britannique offre elle aussi un dépaysement certain, et compense l'humilité de ses bâtiments par un traitement assez flatteur de la campagne environnante, qui profite d'un soleil sur le déclin pour embraser une forêt quasi-automnale contrastant avec le gris rocailleux. Les phases d'exploration sont par ailleurs servies par des compositions à la hauteur de ce que pouvaient espérer les fans au vu du casting de cet épisode. En seulement quelques heures et autant de thèmes, le trio aura déjà su nous donner envie de partir à l'aventure, le long des côtes, loin du tumulte ambiant. Si l'exploration des bourgades et autres phases de combats s'adaptent sur le plan audio, celle des zones plus naturelles offre aux compositions tout l'espace nécessaire pour pleinement s'épanouir. L'appel de la nature est d'autant plus fort que l'ouverture de ses plaines permet un temps d'oublier les vilains bugs de collision dont la série semble malheureusement incapable de se séparer, sans parler du comportement des PNJ, toujours assez peu prompts à trouver leur chemin, et ce malgré l'apparente simplicité des lieux.

Les gars du coin

Toujours soucieux d'injecter une dose de jeu de rôle à sa formule, tout en se débarrassant cette fois des niveaux explicitement chiffrés, Assassin's Creed Valhalla propose de nombreuses quêtes annexes qui se déclenchent souvent après avoir taillé le bout de gras avec les locaux, et nous profiterons tout de même de cette première occasion de nous les mettre dans la poche, trop conscients du sort qui attend les gouvernants agissant contre leur peuple. Si plusieurs distractions étaient encore absentes de cette première démo estivale, les quêtes secondaires permettaient tout de même de gratter en surface les aspects culturels, religieux ou sociétaux de l'Est-Anglie, un bon point pour ceux qui préfèrent toujours trouver un peu de biscuit historique dans une saga qui a parfois tendance à prendre des libertés avec cette dernière.

Mais avant de partir pour un premier Raid (un relooking des Hordes d'Odyssey) aussi obligatoire que sanguinolent, Assassin's Creed Valhalla nous laisse visiter librement son univers, une nouvelle fois découpé en provinces, dont l'exploration fera le bonheur des mordus de levelling, puisque la découverte de nouveaux lieux rapporte à elle seule toujours de précieux points d'expérience. L'affichage de la carte permet d'ailleurs pour les plus fins observateurs de de découvrir avant même d'y parvenir certains points d'intérêts, sous la forme de pictogrammes accompagnés de caractères nordiques, qui dévoilent villages cachés et autres boss optionnels, tout comme les Bêtes Légendaires qui seront une nouvelle fois de la partie. Le Chien Noir qu'il nous aura été donné de défier illustrait par ailleurs à merveille la nécessité de tester différentes armes pour ne pas faire de notre Viking une bête pâtée pour chien.

La voix rauque

Pour un peu, on en oublierait presque que la licence a construit son évolution sur un jeu de parkour (ces derniers étant pour le moment surtout présent dans l'Animus) et d'assassinats furtifs, tant la synchronisation des points d'observation devient optionnelle, et surtout moins plaisante, la faute à un choix ô combien discutable de game design qui supprime les marqueurs du HUD, pour les cantonner à un simple rôle de boussole, qui permet certes de profiter un peu plus du paysage, mais qui s'avère surtout très peu pratique pour se repérer avec aisance. Dans la liste des choix contestables, notons que Synin, votre fidèle corbeau, ne marque désormais plus les troupes ennemies, mais se contente de repérer les butins environnants. Le marquage s'effectue désormais via la "Vision d'Odin", qui dessine des silhouettes rouges encore peu stables et bien floues pour tenter une approche discrète, et espérer atteindre les sommets si excitants des infiltrations passées.

Il faut dire que la lourdeur encore trop pesante du jeu n'aide pas, et la finesse qui caractérisait certaines phases semble elle aussi avoir fait l'objet d'un étrange tamisage. Les capacités spéciales assignées à la gâchette de droite + un bouton de façade s'orientent clairement vers une course à la brutalité, déclenchant lancer de haches et autres attaques physiques punchy, quand la visée daigne ne pas nous mettre de bâtons dans les roux. Les soldats du camp d'en face semblent d'ailleurs prêts à ce déferlement de violence, et il faudra désormais gérer deux jauges : celle traditionnelle de la vie, et une autre assommant une fois vidée l'adversaire, pour proposer des exécutions bien sales, qui donnent rapidement l'impression que le compteur de gore a été gratuitement poussé à son maximum. Certains objecterons que c'est ainsi que les Vikings ont en partie taillé leur réputation, mais après tant d'hémoglobine en quelques heures de jeu, nous ne pouvons que nous interroger : tout ceci est-il bien nécessaire ?

Les Anglais des barques

Les Raids incarnent évidemment le point culminant d'un titre où l'action dicte sa loi, et ce premier acte propose ainsi de prendre de front une fortification, non sans avoir au préalable expérimenté la navigation de petites embarcations, qui nous donne envie de voir ce dont les drakkars seront capables. La scène tente d'offrir une approche un peu plus cinématographique du genre : après avoir esquivé les flèches enflammés des célèbres archers anglais, il faudra alterner entre massacre au corps-à-corps et progression du bélier, au milieu d'une bataille un peu confuse, mais qui offre tout de même l'occasion de profiter de l'arbre de compétence de notre héroïne, qui emprunte - Ubisoft oblige - une approche animale à Far Cry 4. Les voies de l'Ours, du Loup et du corbeau débloquent autour de noeuds de nouveaux moves, actifs ou passifs, mais aussi des affinités avec certains types d'armes. Quelle dommage que la lourdeur des Vikings se fassent pour le moment aussi pesante, puisque les joutes n'offrent pour le moment pas le fun des opus précédents.

Face à des adversaires divers, il faudra alterner entre le maniement de la classique hache, de la lance ou la mi-distance ou d'un fléau très agréable à manier, qui laisse entrevoir quelques sympathiques affrontements une fois le tout digéré. Il sera de toute façon nécessaire d'en passer par là, puisque Assassin's Creed Valhalla abandonne également le soin automatique entre chaque bataille, pour mieux obliger le joueur à stocker des réserves de nourriture et de plantes pour se restaurer en plein combat. Réaliste, certes, mais les dégâts reçus vident bien vite les réserves, et les points de sauvegarde espacées dessinent déjà une difficulté plus corsée qu'à l'accoutumée.

Assassin's Creed Valhalla sortira le 17 novembre sur PlayStation 4, Xbox One et PC; et plus tard sur PlayStation 5, Xbox Series X et Google Stadia.

ON L'ATTEND... ASSEZ FRAÎCHEMENT !
Difficile de vraiment s'enthousiasmer après ce premier Raid nordique. Avec Assassin's Creed Valhalla, Ubisoft a voulu faire le tri dans les récents développements de la série, mais avec une justesse encore toute relative. Derrière de bien jolis décors servis par de superbes compositions musicales, l'action et la violence de la thématique Viking de ce nouvel opus l'emportent sur le reste, et la recette s'avère pour le moment moins pertinente. Plus lourd et plus gore que ses prédécesseurs, Assassin's Creed Valhalla opte pour une approche différente, qui offre certes quelques moments d'action bien sentis, mais risque de perdre certains habitués en route. Espérons que la suite de l'aventure nous permette de rééquilibrer la balance, mais il faudra faire vite : à seulement quelques mois de sa sortie, espérons que les Vikings profitent de vents favorables pour modifier leur route maritime.