Le sport qui tendrait à se rapprocher de l'eSport? Même si Patrice Behague s'en défend - "il ne s'agit pas de faire une école d'eSport", notamment - le pas est tout de même franchi. Et il est conséquent. Du moins sur le papier. Il s'agira dans les jours prochains, semaines prochaines, mois prochains, d'en évaluer la portée.

Le mercredi 17 mai, le maire de Grand-Poitiers, Alain Claeys et le directeur, donc, du CREPS ont entériné un concept : l'ouverture de ce centre sportif de haut niveau aux joueurs évoluant dans des structures esportives.

Le but : offrir un lieu pendant une durée déterminée aux équipes souhaitant concilier leur entraînement dit "classique" avec une approche plus sportive de leur préparation. "Chacun peut avoir chez soi un préparateur physique, un préparateur mental. Au CREPS, ils peuvent tout avoir, avance le directeur des lieux, Patrice Béhague, dans les conditions d'un sportif de haut niveau. Par exemple, le petit-déjeuner, c'est celui d'un sportif de haut niveau."

"Pas de la rigueur. Mais de l'hygiène de vie"

Et le couvre-feu est de rigueur. Extinction des écrans à 23 heures, heure négociée avec le coach. Oui, car outre les installations propres au CREPS - situé à Vouneuil-sous-Biard - les joueurs disposeront d'une salle à eux. Avec un logo bien représentatif de ce mariage entre sport et eSport. Une salle équipée de PC derniers cris et de sièges gaming, fruit des partenariats signés avec le constructeur Acer et la marque Maxnomic. Et ce n'est pas tout.

On a une offre globale, avec de l'entraînement sportif que l'on adapte, détaille le patron des lieux Éventuellement de l'accompagnement psychologique, éventuellement de l'accompagnement d'un coach, du kiné... Les joueurs sont tenus à une activité physique le matin. Ce n'est pas de la rigueur mais de l'hygiène de vie. Par exemple, on ne mange pas à côté de son ordinateur. On fait des pauses. Les joueurs sont obligés d'aller manger à l'heure du restaurant du CREPS.

"C'est le prix d'une villa !"

En tout, ce sont une à quatre équipes qui pourront bénéficier des installations du CREPS de Poitiers, qui ont vu fleurir bon nombre d'athlètes français de très haut niveau, comme Jo-Wilfried Tsonga, Arnaud di Pasquale, ou encore, et pour rester dans le giron du tennis, Lucas Pouille.

"Cela se fera durant une à six périodes qu'on a identifiées dans l'année. Sous la forme de stages", poursuit Patrice Béhague. "Le but serait de pouvoir accueillir deux équipes en même temps, de façon à ce qu'elles puissent s'éprouver durant ce stage."

Prix global de ce dernier ? "Pour six jours, cinq nuits, et la mise à disposition de tous les intervenants du CREPS, 3 200 euros, pour 8 personnes, donc 6 joueurs et 2 cadres. C'est le prix d'une villa", nous répond-t-on.

Un package complet, avec une pension toute aussi complète mais qui peut être dégressif en fonction des besoins et des désirs des équipes. Un prix jugé "abordable" par les acteurs présents sur place, notamment compte-tenu de l'encadrement de ces stages, portés par des professionnels du haut-niveau sportif, comme Sylvain Nouet, entraîneur-adjoint de l'équipe de France masculine de handball entre 2001 et 2014.

"On est comme un sportif de haut niveau"

Justement. Une équipe a eu le privilège d'inaugurer ces lieux, du 14 au 19 avril derniers : il s'agit de la structure semi-professionnelle GameWard Team. Si ce stage new-look ne leur a pas permis de remporter le tournoi Overwatch le lundi suivant, lors de la Grande Finale de la Gamers Assembly, il les a bien aidés à accéder à la finale. Et ses membres gardent un excellent souvenir de leur passage dans les locaux du CREPS.

"Il y a eu quelques problèmes techniques mais rien d'énorme. Et le rythme de vie et l'encadrement qu'il y a derrière, c'est le top, nous a confié "YounaCha", ancienne joueuse désormais manager de l'équipe.

"On est dans un rythme de vie hyper sain, insiste-t-elle. On est comme un sportif de haut niveau. On se lève à 8 heures, on a nos deux séances de sport le matin, on déjeune le midi et on a nos entraînements à nous l'après-midi."

Si elle reconnait que certains détails méritaient plus de soin - "le logement. C'est peut-être un peu petit. Il faudrait que ça évolue et encore... ce n'est pas le plus important. Le sommeil est important mais peut-être pas le grand confort" - "YounaCha" sait que la pérennité du projet, finalement, se jugera avec les retours d'équipes plus huppées.

Prochain cut : l'avis de structures plus grosses, professionnelles

"On sait très bien que nous sommes les testeurs. Qu'on dégage l'image du joueur professionnel d'eSport dans sa globalité. Ici on vit bien. On sort des clichés du joueur qui joue la nuit et ne sort pas de sa chambre ou de chez lui. Pour le coup, pour nous c'est positif. Nous, c'est notre premier event en mode "bootcamp". Il faudra voir avec les autres équipes qui arriveront. Je pense que cela peut être cool, même pour une grosse équipe ayant déjà fait des bootcamp ou joué dans des gaming-house."

En espérant que ce dispositif, très ambitieux et porté une nouvelle fois par une agglomération qui se revendique elle-même comme la capitale de l'eSport, évolue positivement dans le temps.