Remasterisation

J'ai eu ces trois jeux sur la gen précédente, Silent Assassin sur Gamecube, les deux autres sur Xbox. Pas grand-chose à dire sur Silent Assassin, le jeu était déjà très propre sur télé cathodique, et il l'est encore aujourd'hui (évidemment il est plus propre encore, mais rien de bouleversant). Les deux qui ont changé, ce sont les autres.

Blood Money est plus beau, plus propre et plus détaillé, les textures sont un peu plus fines et les personnages ont plus de polygones. Les éclairages sont plus jolis. Le frame-rate est également meilleur. Après, ça ne change rien au jeu en lui-même, rien n'est bouleversé, et l'expérience est la même que sur Xbox, mais un peu plus plaisante visuellement.

Contracts était déjà propre sur Xbox, ça ne change pas ici (ou pas fondamentalement). Le seul reproche que j'aurais à faire à la remasterisation de celui-ci, c'est que les textes et diverses informations sont toutes petites, façon sous-titres des jeux Rockstar.

On notera pour Silent Assassin et Contracts des cinématiques mal compressées. Jouant sur un écran 26 pouces, les défauts de l'image sont tout à fait supportables, mais cela peut probablement varier avec des écrans plus grands.

L'arrivée des trophées est aussi une bonne occasion de renouveller l'expérience. Personnellement je n'aime pas ce système car je le trouve toujours très con, mais ici ils sont sympas. Il y a des trophées qui vont nous pousser à nous perfectionner (pour obtenir le rang le plus élevé), d'autres où on va avoir des défis annexes sympas (pour récupérer toutes les armes) , et des trophées cons dans le bon sens du terme, comme obtenir un rang spécial, ou faire exactement 47 victimes. Pour celui qui aime platiner ses jeux, la compile ne se transformera pas en travail ingrat et pénible, et pour celui qui généralement s'en fout (comme moi), les défis sont attrayants.

Une histoire pas si mal

J'y joue pour la première fois en français. Le doublage n'est pas génial ni très convaincant, mais ça fait le boulot (la VO est meilleure). L'histoire est très série B, avec beaucoup de clichés qui auraient pu être évités, mais je trouve que pour un jeu de ce genre, ça ne gâche rien.

Dans Silent Assassin, 47 veut se retirer du crime, et s'isole dans un église en Sicile. Son ami le prêtre se faisant kidnapper par la mafia, il va reprendre les armes. On note donc une histoire assez bateau, mais avec une mise en scène plutôt sobre et jolie. Le jeu commence sur une tomate (je crois) en gros plan qu'une main vient arracher de la branche, ce qui pour moi change radicalement des accidents vertigineux des intros de la PS360.

Dans Contracts, 47 se prend une balle dans la tête et se remémore des contrats du 1 (c'est un remake avec quelques nouvelles missions). Encore plus bateau et même très inconsistant, ici c'est surtout un joli travail de transition visuelle entre le présent et les souvenirs.

Pour Blood Money, un journaliste va rencontrer le directeur du FBI (je crois) qui aurait mis la main sur une légende urbaine, 47 ! Quoi ? Il existe vraiment ? Incroyable. Ainsi, le journaliste consulte chaque dossier en rapport avec des contrats de 47. À noter une originalité dans la narration ; des articles de journaux récapitulent vos missions après chaque contrat, et s'adaptent à votre façon de jouer. Mieux vous jouez, plus ils seront courts, et c'est presque un encouragement à jouer salement juste pour le plaisir de découvrir comment cela va être rédigé.

Le tout est englobé dans une histoire de clonage, 47 étant le clone parfait. S'il tombe entre de mauvaises mains, y'aura des clones tueurs partout, des armées entières. Mon Dieu, c'est terrible !

Donc dans l'ensemble tout ça sent la série B qui a parfois tendance à virer vers la série Z. Seulement le scénario est toujours en retrait et la mise en scène des cinématiques est sobre. Les personnages sont clichés, les dialogues pas fameux, mais ce n'est pas débile non plus. C'est de la scénarisation old-school ; ce qui prime, c'est l'expérience de jeu, la narration se fait en jouant, et le scénario est là pour présenter les enjeux. Si on décide de sauter les cinématiques, le jeu conserve quand même une histoire, celle d'un tueur à gages qui remplit des contrats, le jeu étant suffisamment bien pensé pour qu'on comble les trous par son imagination, un peu comme Splinter Cell. Même en ne faisant que jouer, ça raconte quelque chose, certes plus abstrait sur les enjeux, mais très concret sur les faits.

Une licence qui a vraiment évoluée

Habituellement les séries de jeu n'évoluent pas ; elles s'améliorent. On peaufine le gameplay, on ajoute des nouveaux mouvements, mais la base reste la même. Hitman, depuis le 1, n'a cessé de changer sa formule, de la chercher à tâtons, et de la trouver avec Blood Money, trouver la bonne formule, celle qui n'aurait eu besoin que d'être améliorée.

Silent Assassin et Contracts sont des jeux d'infiltration, avec généralement une cible (ou plusieurs) à abattre. La différence avec Splinter Cell, c'est qu'on ne sait pas comment on doit faire. Dans Splinter Cell on avance dans des couloirs jusqu'à nos objectifs en neutralisant des gardes. Lorsqu'on se perd, c'est plus à cause d'une carte qui n'a jamais été vraiment claire que par volonté des devs.

Dans Hitman SA et Contracts, on a des objectifs, mais on ne sait pas comment les atteindre. On doit être discret, mais sans forcément neutraliser tout le monde ; il faut même neutraliser le moins de gens possible. Dans Splinter Cell, on passe inaperçu en se cachant dans l'ombre. Dans Hitman, on peut rester invisible, mais la discrétion passe surtout par des déguisements avec lesquels on est tranquille dans Contracts (même si l'IA a parfois des tendances sacrément paranoïaques), et généralement suspect dans SA (il vaut mieux se tenir loin des gens) même si certaines missions sont plus tolérantes que d'autres, selon le contexte.

Dans ces deux jeux, il n'y a pas vraiment de choix ou de multiples possibilités. On peut tuer quelqu'un avec un couteau, une corde à piano, un pistolet silencieux, mais ce sont des choix superficiels car au fond ça revient à la même chose. Il y a généralement une seule manière d'atteindre la cible, même si on peut trouver plusieurs chemins.

Dans Blood Money, ce sera différent. On pourra la tuer de manière classique (flingue, étranglement), simuler un accident, ou tout simplement la faire disparaître en la balançant dans le vide. La cible ayant généralement un pattern, on peut aussi la tuer à divers endroits. Le gameplay s'enrichit d'une bombe à déclencher, qu'on peut cacher dans une malette, une caisse à outil, etc., mais surtout de mouvements de corps-à-corps, ainsi que d'une poussée qui permet, si faite dans le dos, d'assommer quelqu'un en lui envoyant la tête dans le mur. Tout cela va multiplier les possibilités. Le level-design en propose davantage qu'auparavant, et le gameplay permet la créativité. C'est le point culminant de la série.

Parce que si Hitman SA et Contracts sont des jeux d'infiltration, la licence elle est celle d'un jeu de tueur à gages. Et les devs le savent, ils cherchent depuis le 1 la bonne formule. Si je ne me trompe pas, ils ajoutent la possibilité dans le 2 de tuer la cible discrètement. Dans Contracts le jeu essaye de se séparer du côté dirigiste de Silent Assassin en offrant une liberté de mouvement appréciable. Dans Blood Money, la formule est complètement décontractée, le jeu est plus lisible que Contracts (où la solution est parfois assez obscure) et multiplie les choix pertinents. On ne cherche plus la réponse à une énigme posée par la mission, on élabore la nôtre à tâtons, on fait des choix. Est-ce que je me contente de cette méthode plutôt bruyante, avec dommages collatéraux, mais simple à mettre en place ? Ou est-ce que je fais l'effort de chercher une plus belle solution ?

Cette dimension est déjà présente dans SA et Contracts, mais dans une moindre mesure, et avec du dirigisme.

Des jeux qui ont vieilli ?

Pour moi les jeux n'ont pas vieillis. Silent Assassin est le moins bon des trois (de mon avis), mais ses défauts ne sont pas dû à sa vieillesse. Je n'aime pas son côté jeu d'espionnage militaire international insipide façon Tom Clancy, et son incohérence non plus. Quand 47, un homme blanc, enfile un kimono et peut passer inaperçu au milieu des Yakuza, personnellement j'ai du mal, et cela n'a rien avoir avec l'époque de sa sortie, c'est juste pas crédible. Les décors ne sont pas fameux non plus, avec souvent des salles vides copiées/collées et mises les unes derrière les autres.

À noter que pour la crédibilité douteuse des déguisements, on trouvera aussi ce problème dans Contracts.

Contracts et Silent Assassin ont des jouabilités plus capricieuses et exigeantes que Blood Money, mais rien de pénible. Cela demande juste de se ré-adapter. Personnellement il y a pour moi un plaisir à devoir me réhabituer à des IA parfois imprévisibles, et à des timings sérrés. L'infiltration PS360 à base de myopes sourds me gave. Je préfère un jeu parfois injuste (ou qui semble l'être) à une passoire qui tolère les erreurs grossières. J'aime aussi ne pas toujours comprendre ce qui foire. Un exemple :

Dans Contracts, il y a une mission où on démarre avec un boucher assommé à nos pieds. Je prends ses vêtements, je m'introduis dans la boucherie qui accueille un gros party sado-maso assez glauque. Plus tard on me signale à l'écran que les gardes cherchent un gars chauve suspect. Hein ? Qu'est-ce que j'ai fait ? À un moment je vois un mec en caleçon qui se balade dans la boucherie. Hein ? Puis là ça fait tilt ! Le boucher assommé s'est réveillé, et c'est à cause de lui que je devenais suspect dans mes trois autres tentatives échouées.

Et bordel que ça fait du bien de penser par soi-même, de comprendre par soi-même, de ne pas avoir le boulot pré-mâché, pré-digéré. Marre des réponses tellement évidentes que tu n'as plus l'impression de jouer, mais juste de suivre des panneaux.

On pourra aussi noter des comportements de l'IA pas toujours crédibles, mais encore une fois pour moi ça ne concerne pas l'âge des jeux, mais tout simplement son principe. Hitman, même sur PS360, ne peut pas embrasser tout le champ du possible des réactions humaines, donc parfois l'IA paraît simpliste. Par exemple dans Blood Money, lorsqu'on arrive dans une clinique, l'une des sections est gardée par trois infirmiers. Si on prend l'identité de l'un, il est certain que les deux autres devraient nous confondre. Ce système qui fonctionne lorsqu'on s'infiltre au milieu de 20 policiers devient moins crédible lorsqu'il s'agit de trois collègues de travail. Seulement pour moi l'important c'est que le système est pensé pour fonctionner globalement, c'est-à-dire que la plupart du temps il est crédible (sans être parfait), mais que sur certains passages il répondra plus à une logique de jeu vidéo.

Personnellement ça me convient dans le sens où cette IA me semble en harmonie avec le visuel. Les jeux datent graphiquement, l'IA a des limites qui me semblent acceptables pour les époques où les jeux ont été développés. Si on compare leur système à Hitman Absolution où même un déguisement intégral ne suffit pas à passer inaperçu, on peut même trouver cette vieille IA plus pertinente malgré moins de lignes de codes.

Sur les trois jeux de cette compilation Haute Définition, personnellement j'aurais des difficultés à me remettre à Silent Assassin, en dehors de certaines missions plus ouvertes et plus crédibles (car il y a trois ou quatre missions assez prenantes). Le jeu a des errements graphiques sur la composition des décors et l'univers espionnage militaire n'est pas très attirant. Les deux autres sont encore un vrai plaisir, un plaisir de gameplay old-school et exigeant sur Contracts où l'on subit parfois quelques cruelles injustices comme au bon vieux temps des jeux où on jouait encore par nous-mêmes, et le plaisir sur Blood Money d'un jeu abouti comme peu de jeux le sont, d'un chef d'oeuvre de level-design, le plaisir de se sentir libre d'élaborer son propre crime, quand en réalité le jeu nous guide subtilement (même si parfois de manière un peu trop évidente). Pour ceux qui aiment le jeu vidéo au point de réfléchir à comment ça fonctionne, c'est aussi l'occasion de voir sur trois épisodes comment une licence s'est cherché, et a évolué pour atteindre son but ; une simulation de tueur à gages.