Un temps de développement dantesque, un accouchement compliqué, une communication laborieuse : rarement un jeu vidéo aura connu un parcours aussi chaotique. Ce nouvel opus, longuement attendu, avait pourtant la lourde tâche de redorer le blason d’une saga égratignée par le dernier épisode canonique.

Percluse des stigmates de sa périlleuse genèse, cette quinzième fantaisie ne fait hélas aucunement honneur à la saga. Elle assassine littéralement l’héritage d’une oeuvre dont elle ne semble jamais, au-delà de quelques références racoleuses, comprendre la véritable essence.

Le joueur assiste impuissant à un complet désenchantement du mythe : Final Fantasy est mort !

Univers creux

Ce qui choque le plus, une fois le jeu terminé, c’est la pauvreté de son univers. Alors, bien sûr, certains me rétorqueront que l’animé et le film d’animation compensent cette immense sensation de vide. Si ces œuvres cross-media auraient pu habilement prolonger le jeu, il est clairement inadmissible de constater qu’elles développent des aspects qui sont purement et simplement absents du jeu.

Ceux parmi vous qui ont découvert, comme de nombreux joueurs, la saga avec les épisodes 7 à 10 ne pourront que déplorer la vacuité de ce quinzième Final Fantasy. Ces épisodes-là ont certes divisé les joueurs mais ils avaient au moins le mérite de proposer des univers travaillés. Ils parvenaient à instaurer une mythologie fourmillante. Prenons Final Fantasy 9 (que j’ai eu le plaisir de refaire récemment). Alexandrie, Lindblum, Bloumécia, Clayra, Tréno, Dali, Condéa, Madahine-Salee ne constituent que quelques-unes des destinations variées que les héros parcourent. L’exercice peut sans peine s’étendre aux épisodes 7, 8 et 10. Même l’épisode 13, malgré sa grande linéarité, nous invitait au voyage, diversifiant ses destinations. Réalisez maintenant une comparaison avec Final Fantasy XV. Deux villes et des stations-services. Vous le voyez, le problème ?

Ce FFXV fait certes le choix de zones plus vastes mais elles n’en demeurent pas moins qualitativement très inférieures à tout ce qui a été proposé jusqu’alors dans la série (et, pire encore, dans les mondes ouverts).

C’est fade, c’est monotone, ça transpire la facilité permanente et ça pue le clonage abusif d’éléments ; on est loin du dépaysement habituel dans un Final Fantasy. Alors, vous me rétorquerez qu’il est par exemple normal qu’un désert soit désertique, que c’est un choix artistique et scénaristique. Je vous répondrai que nous avons connu des zones désertiques bien plus inspirées. « Red Dead Redemption », ça vous rappelle quelque chose ? C’était pourtant sur la génération précédente ! Cette paresse prend d’ailleurs toute sa mesure lorsque le joueur parcourt les villes.

Mention spéciale à Altissia. La beauté de la ville n’en cache pas moins une construction en trompe-l’œil (l’essentiel de la map est inaccessible) et un level-design atroce qui fait rapidement tourner le joueur en rond quand il ne lui impose pas des chargements intempestifs au gré des changements de quartier. En 2016, vous auriez imaginé une zone aussi mal torchée dans un RPG ?

Expérience bancale

Nous tenons là un autre problème du jeu : un gameplay daté et archaïque.

Il constitue sans doute le symptôme le plus évident de la longue conception du jeu. Jouer à Final Fantasy XV, c’est revenir dix ans en arrière. Le summum de la ringardise est atteint dans le chapitre 13 qui nous impose une séquence crispante, interminable, d’une nullité ludique sans équivalent actuel (tant et si bien que les développeurs en proposent, dans une mise à jour récente, une version remaniée… plusieurs mois après la sortie officielle du jeu). Final Fantasy XV se transforme alors en Résident Evil du pauvre. Qui aurait pensé, qu’en 2016, un jeu nous contraindrait à un tel obscurantisme ? Cette mécanique, qui fonctionnait très bien il y a dix ans, est désormais caduque. Il suffit de refaire un vieux Resident Evil pour s’en convaincre. Et, pourtant, les développeurs de Final Fantasy XV l’ont copiée sans vergogne et, manifestement, sans se poser la moindre question critique.

De leur côté, les quêtes annexes, en plus d’être fastidieuses, ne présentent généralement pas le moindre intérêt scénaristique.

Et que dire des déplacements soporifiques ? A pied, c’est une véritable galère. Imposer une jauge d’endurance (qui peut certes évoluer) était-il franchement nécessaire dans un jeu de ce genre ? Elle n’apporte strictement rien à l’expérience, si ce n’est une profonde frustration.

En voiture, c’est encore pire ! En mode manuel, on a l’impression d’être à bord d’une voiture d’Autopia à Disneyland. Alors, bien sûr, je comprends totalement que ce Final Fantasy XV n’est pas le nouveau GTA et qu’il n’était pas concevable qu’on puisse faire du hors-piste à tire-larigot avec le véhicule. Mais, dès lors, à quel moment les développeurs ont-ils pu juger que c’était une bonne idée de l’intégrer à l’expérience ?

D’autant qu’en mode automatique, le constat n’est pas meilleur ; on se lasse rapidement de contempler les étendues désertiques en écoutant de vieux tubes de la série et les quelques lignes de dialogues entre les héros qui passent rapidement en boucle.

Il reste bien sûr les Chocobos. De tous les maux, c’est incontestablement le moindre. Malheureusement, ce n’est pas pour autant glorieux, loin s’en faut. Les nombreux murs invisibles irritent rapidement le joueur le plus téméraire, rendant toute exploration exaspérante.

Le pire, c’est qu’en marge des combats, le jeu a oublié de nous proposer quelques événements aléatoires qui n’auraient certainement pas manqué de rendre les voyages plus attractifs.

Mais la palme du mauvais goût vidéoludique revient incontestablement aux séquences en train dans lesquelles il ne se passe absolument rien. Consternant !

N’en jetez plus ! La coupe est pleine ! Détrompez-vous ! Le carnage n’est hélas pas fini. En parallèle à ses mécaniques d’un autre âge, Final Fantasy XV a aussi su copier les pires tendances du jeu vidéo actuel. J’en veux pour preuve la facilité déconcertante du jeu. Mourir est plus que difficile, pour ne pas dire impossible. Alors, soyons clairs ; je déteste les jeux trop difficiles. Je n’étais d’ailleurs pas spécialement fan de la tendance des anciens Final Fantasy à contraindre le joueur au levelling sous peine de se prendre une rouste inévitable sur le prochain combat de boss. En simplifiant outrageusement sa difficulté, Final Fantasy XV ne parvient toutefois pas à trouver un équilibre : les enjeux sont vains. Les combats n’ont plus aucune saveur.

Et les combats, pourtant, ils ne manquent pas de sel. Ils sont même plutôt plaisants, à défaut d’être très subtils. Le joueur comprend rapidement qu’il suffit la plupart du temps de bourriner les touches pour vaincre le plus retors des adversaires. C’est brouillon mais terriblement fun. Assurément l’une des prestations satisfaisantes de ce Final Fantasy XV.

Un peu léger, toutefois, pour éviter le fiasco…

Un scénario bancal, des coquilles vides en guise de héros

Le scénario aurait pu éviter le naufrage. Ce n’est pourtant pas le cas ! Bien sûr, la relation que nous entretenons avec une histoire est un lien très intimiste, fondamentalement subjectif. Ce n’est pas pour rien que les scénarios des précédents FF (l’épisode VIII en tête) ont induit des réactions éparses. Néanmoins, tout le problème de FF XV, c’est qu’il est résolument paresseux. Le scénario est tronqué. On assiste à une succession de scènes taillées à la serpe par des ellipses béantes qui les vident de toute substance. Des ellipses qui se voient par ailleurs progressivement comblées par des DLC à la qualité tout aussi douteuses que celle du jeu de base.

L’intrigue se borne à décrire un univers froid, creux, insipide, et, surtout, sans aucune cohérence. Il y est question de deux royaumes, de deux villes majeures et de stations-services. Le tout mâtiné d’une guerre qui paraît peu crédible dans un univers aussi minimaliste. Pour moi qui suis Belge, c’est un peu comme si la Wallonie envahissait la Flandre (ou l’inverse). Les scénaristes pensaient vraiment pouvoir rendre crédible un édifice aussi fragile ?

Oh ! Il y a bien quelques références racoleuses. Les Chocobos, Cid, Big & Wedge en constituent quelques exemples. Les développeurs ne semblent toutefois pas avoir compris que ces clins d’oeil appuyés ne suffisaient pas à transformer leur jeu brouillon en héritier naturel de la saga. Malheureusement pour eux, ce n’est certainement pas l’ajout d’une bimbo aux seins tapageurs qui change la donne.

Tiens, d’ailleurs, les personnages : parlons-en ! L’idée du quatuor n’est pas mauvaise. Elle est même globalement bien menée. On prend réellement plaisir à écouter les digressions de cette bande de potes durant leurs pérégrinations. Dommage, hélas, que le jeu ne leur accorde aucun traitement psychologique et ne s’attarde nullement à leur passé. Les scènes réellement réussies sont rarissimes et il est clairement compliqué de développer la moindre empathie à l’égard du quatuor. On aura rarement vu des coquilles aussi vides dans un Final Fantasy.

Une communauté envisagée comme un vaste pigeonnier

Mais venons-en à un ultime point qui, pour moi, est aussi essentiel que la médiocrité générale du titre. Je veux parler de l’équipe de développement (ou plutôt des équipes) et de la façon dont elle considère ses joueurs. Certes, FF XV n’est pas le premier jeu à sortir à moitié fini. Mais avouons tout de même que les développeurs ont rarement autant pris leur communauté pour une bande de pigeons décérébrés. FF XV est à mon sens une insulte permanente jetée à la face des joueurs.

Et ce sera, à titre personnel, ma conclusion, lapidaire mais, il me semble, justifiée. Final Fantasy XV est un désastre artistique et ludique. Un gâchis sans précédent dans l’histoire d’une licence aussi forte que Final Fantasy.