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'argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue fortement. Si j'avais un budget extensible à volonté, je m'empresserais de remplir mon garage. Faut dire qu'il y a des voitures comme ça qui vous inspirent plus que d'autres, qui laissent, passé l'émerveillement de la première rencontre, une certaine fascination. Je vous propose une petite visite dans ce garage utopique.

Mise en situation

Aujourd'hui, Lancia c'est un peu la laissée pour compte du groupe Fiat. Aucune personnalité, aucun modèle fort et une mauvaise réputation qui tend à s'améliorer cependant. Pourtant au début du XXe siècle et jusqu'au début de la WWII, Lancia était ce qui se faisait de mieux en Italie. La Lancia Lambda de 1923 en sera la parfaite incarnation grâce, entre autres, à ses essieux avant semi-indépendants ou son châssis autoporteur. Du jamais vu pour l'époque.
Je vous raconte tout ça alors que je n'en savais rien jusqu'a ce que je commence ce billet. Lancia pour moi c'est quatre voitures. La Delta (de 79 à 93), la Stratos, la Fulvia et la 037. Point commun, toutes couronnées en rallye. Et si je devais en choisir une, sans hésitation, la 037.
En 1983, la FIA décide d'uniformiser les catégories en championnat du monde des Rallye et créer ainsi les groupes A, N et B. Ce dernier connaitra un fort succès populaire, notamment du fait de sa réglementation technique très peu restrictive qui permettra aux constructeurs d'aligner des monstres de puissance. Multiple champion du monde en titre en groupe 5 avec sa Montecarlo, Lancia décide de se lancer dans la bataille groupe B (78-81). La marque à la lance décide de se lancer dans l'élaboration d'une voiture spécialement pour cette catégorie. La recette avait déjà fonctionné pour la Stratos, il suffisait de recommencer.

Rien que pour la course
 
Trois voitures sont sélectionnées pour servir de base à ce nouveau projet. La Fiat Ritmo et les Lancia Delta et Montecarlo. La Ritmo est vite écartée, Lancia souhaite un moteur central arrière et la Ritmo se prête très mal à ce type d'architecture. De plus, la Ritmo est censée être une petite voiture lowcost et ne colle pas vraiment à une image sportive. La Delta par contre ne rencontre pas ce problème d'image, bien au contraire. Cependant, elle partage la même base que la Fiat et ne convient donc pas au positionnement moteur souhaité. C'est donc sur la base d'une Montecarlo que Lancia, Abarth et Pininfarina commencent à travailler sur leur futur monstre.
La réglementation du groupe B imposait de produire et vendre au moins 200 exemplaires de sa voiture pour être homologuée pour la compétition. Contrairement à ses concurrents comme Audi, Lancia ne va pas construire une voiture de série et la décliner en version course mais faire l'inverse.

Le premier prototype de 037

La conception est résolument classique, on n'y trouve pas d'innovation ou de caractéristique particulière. Il est cependant à noter que Lancia prend le pari d'en faire une propulsion alors que les quatre roues motrices commençaient à afficher de grosses performances, principalement Audi et sa Quattro. Lancia considérait néanmoins que les transmissions intégrales n'étaient pas assez fiable compte tenu, entre autres, des mésaventures d'Audi à cette époque. La voiture reçoit un bloc moteur dérivé du 1800 Lampredi qui équipe déjà les Fiat 124 Abarth en position longitudinale (alors que la Montecarlo optait pour un positionnement transversal) épaulé par un compresseur. Choix étonnant compte tenu du succès de la Stratos et de son turbo. La raison principale vient du fait de l'énorme temps de réponse des moteurs turbo à bas régime, ce qui arrive souvent dans les spéciales tortueuses.
La voiture est pensée pour la course et uniquement pour ça. Ainsi L'accessibilité est un point capital pour Lancia. On peut notamment citer les deux bossages de toit sont destinés à faciliter le port du casque, le choix de positionnement du moteur ou encore la boite de vitesse - 5 rapports - positionnée derrière le moteur dans la partie la plus en recul du compartiment moteur. L'ensemble est recouvert d'une carrosserie en polyester entièrement démontable.

Bref, il y a tellement a dire sur la conception de la voiture, je vous laisse lire ça et ça si vous voulez en savoir plus. Terminons par le bilan sportif de la bête.

Une étoile filante
 
C'est en 1982 que les premiers tours de roue en rallye ont lieu pour la 037. Même si le groupe B n'arrivera que l'année suivante, les constructeurs sont autorisés à aligner leur prototype. Seuls Lancia et Citroën envoient leur groupe B. Le vrai challenge pour Lancia reste l'Audi Quatto aligné sous la réglementation groupe 4 mais qui passera en groupe B l'année suivante.
Après une première apparition anecdotique en avril 1982 en championnat d'Europe, deux 037 arrivent au tour de Corse 1982 pour leur premier rendez-vous international. L'une finira neuvième et la seconde sera victime d'un très gros accident qui permettra de mettre en évidence une trop grande fragilité contre les chocs latéraux.
Au Rally de Madère 82, la 037 reçoit sa première évolution avec, entre autres, des portes en kevlar. La nouvelle Lancia réalisera plusieurs temps scratch lors du tour de France automobile avant d'être inquiétée par des problèmes d'allumage.
En fin de saison, lors du RAC (rallye de Grande-Bretagne), la 037 termine première des GrB et surtout quatrième au classement général. Elle est prête.

Beauty on wheels

La saison 1983 commence sous les meilleurs auspices pour Lancia puisqu'elle réalise un doublé au Monte-Carlo, les 800kg de la bête ayant surement été un avantage en l'absence de neige. La manche suivante est un triplé Audi en Suède. Un ping-pong va s'instaurer entre Lancia et Audi, le revêtement des épreuves favorisant l'une ou l'autre marque. Il est cependant à noter que Lancia ne prend pas part au Rallye du Kenya, laissant échapper de précieux points. Le Rallye d'Acropole est à marquer d'une pierre blanche puisque c'est la première victoire d'une 037 sur un revêtement (gravier) plutôt favorable aux transmissions intégrales. À l'issue de la saison, Audi affiche de meilleurs résultats que Lancia. Mais c'est sans compter sur un règlement tordu qui ne comptabilise que les huit meilleurs résultats sur les douze. Lancia l'emporte du coup de deux points sur Audi notamment grâce à ses deux triplés en Corse et en Italie. C'est la dernière fois qu'une propulsion est championne en Rallye.
La saison suivante, la concurrence se durcit avec l'arrivée des Renault 5 Turbo, Toyota Celica Turbo ou des Peugeot 205 Turbo 16. Même si la voiture a bénéficié d'évolution importante, Lancia doit se rendre à l'évidence, les quatre roues motrices sont l'avenir. Malgré une victoire en Corse, la marque à la lance démarre le développement d'une 4x4.
En 1985, la 037 est à l'agonie. Impossible de faire face aux Peugeot et Audi. Pire, l'équipe italienne sera endeuillée par le mort de Attilio Bettega suite à un crash fatal en Corse. En 1986, malgré deux podiums par des teams privés, la 037 laissera sa place à une Lancia Delta autrement plus compétitive.