L'agenda de Nintendo n'obéit plus aux mêmes dogmes et la disparition de son dirigeant historique ne plongera pas son fringant successeur dans un silence de circonstance. C'est en substance le message que souhaite faire passer Satoru Iwata en participant à la conférence du B Dash Camp Osaka 2013. Une présence inhabituelle qui témoigne d'une certaine inaudibilité de la parole institutionnelle de son actuel président, en dehors des Nintendo Direct dans lesquels il aime se mettre en scène par une gestuelle appuyée (ou risible, c'est selon).
 
Comme pour mieux s'expier de l'emprise spirituelle de son mentor et faire taire les voix discordantes au sein de son conseil d'administration inquiet des ventes atones de la Wii U, l'homme fort de Nintendo fait sien des sages paroles d'Hiroshi Yamauchi : "il a toujours professé qu'en cas d'échec, il ne fallait pas trop accuser le coup". Autrement dit, la conduite d'une entreprise est faite de succès commerciaux comme d'accidents industriels, "c'est toute l'histoire de Nintendo" tient-il à rappeler. Il est vrai que le géant japonais a encaissé de cuisantes déconvenues (Virtual Boy) et autres revers relatifs (N64, GameCube) avant de connaître le triomphe absolu à l'aide du couple providentiel Wii/DS.
 
Tout le secret d'une bonne gouvernance réside dans l'esprit de "rupture", dans la capacité de se tenir à l'écart de tout aventurisme "suiviste". Sous réserve d'une traduction fidèle des propos d'Iwata, Nintendo n'a pas vocation à devenir une société concurrentielle comme l'incarnent Sony et Microsoft. Il ne s'agit plus de se disputer un marché à obsolescence programmée, mais de créer les conditions de différenciation compétitive afin de se démarquer des autres constructeurs. C'est la méthode dite de "Blue Ocean Strategy, travailler sur quelque chose d'inédit".
 
L'été dernier, un inhabituel jeu de chaise musicale au sein de Nintendo a débouché sur un renforcement sans précédent des pouvoirs directionnels de Satoru Iwata. Lui qui ne jouit pas de la même stature que Yamauchi, doit rappeler publiquement à ses détracteurs ses qualités de fin observateur exercé avec beaucoup d'acuité que ce soit en tant que développeur "certaines personnes ont recommandé de muscler Pikachu pour la localisation nord-américaine [...] Pokémon n'aurait jamais rencontré le succès ainsi" ou dans ses plus hautes fonctions : "j'ai proposé de commercialiser Brain Training dans le monde entier [...] en tant que président, personne ne m'a écouté". Un tableau graphique projeté derrière le dirigeant et présentant les courbes de vente régionales de ce jeu de réflexion démontre la justesse de sa décision.
 
Coincé entre l'héritage trop pesant d'Hiroshi Yamauchi et d'un présent inconfortable, Satoru Iwata tente de s'affirmer.
 
C'est pas gagné, hein !