Article publié ce week-end, en compagnie de Rayman Legends.

 

Saints Row IV n'aurait jamais dû voir le jour. En tout cas, pas sous cette forme. Alors que le studio Volition travaille sur un gros DLC « Enter the Dominatrix » pour Saints Row III sorti l'an dernier, Jason Rubin, fraichement mis en place au poste de Président de THQ annonce avoir été impressionné par la créativité de l'équipe. Jugeant que leurs idées étaient trop bonnes pour n'en sortir qu'un DLC, l'ancien co-fondateur de Naughty Dog leur offre l'opportunité de pondre Saints Row IV. Aujourd'hui, THQ est liquidé et c'est Koch Media qui a racheté à la fois Volition et son Saints Row IV. De tout ce processus créatif chamboulé en est sorti une sorte de chant du cygne pour un studio qui n'était pas sûr de rester debout après les misères financières de THQ.

SR4 ça rime avec ID4

Saints Row III avait marqué la série dans le registre de la caricature. Déjà pas bien sérieux dans SR2, le troisième volet partait en freestyle déconstruisant le trip gangsta d'origine. Le joueur était ainsi pris entre deux eaux : rire un coup devant le ridicule des situations où ça se mettait sur la gueule à coup de bazookas ou s'ennuyer devant la platitude de la situation, se contentant d'être frontal, répétitif et par conséquent lourd. Cette fois, c'est terminé. Volition décide d'y aller à fond sans une once de regret, bien aidé par la bénédiction de leur patron d'alors. Puisque les Saints ne sont plus un gang mais une marque populaire, ces derniers passent à la vitesse supérieure et décident de diriger les Etats-Unis. Rien que ça. Le héros, que vous modéliserez selon le très riche éditeur de personnage issu de SR3, est ainsi Président des USA. Mais à l'instar de Bill Pullman, vous devrez faire face à une invasion extra-terrestre, vous empêchant alors d'agir comme tel, ce qui aurait pu donner des idées de gameplay tournant autour du leadership. Tous vos potes sont enlevés, il va falloir les récupérer un par un pour sauver la Terre. Enfin presque, puisque la Terre a explosé et que les aliens ont asservi les humains en les faisant rêver une vie virtuelle à la Matrix. Saints Row IV est en toute logique basé sur SR3. Vous retrouverez ainsi exactement le même jeu. C'est la même ville pas franchement variée, ni techniquement très belle de Steelport qui vous servira de décors. Les mêmes magasins, les mêmes fringues, avec quelques ajouts rigolo ici et là comme des masques ou des combinaisons de spationaute... Rien de bien amusant. Ce sont aussi les mêmes missions : tout détruire. On a quelques dérivés liés au background, comme par exemple, détruire un maximum de choses soit par vaisseau spatial, soit avec vos pouvoirs de super héros mais au final, quelque soit la forme, cela reste la même mission. Le même défaut principal qu'on avait déjà pointé du doigt sur SR3. Un manque de renouvèlement dans son shoot récurrent mais surtout, ses missions facultatives, celles qui sont censées justifier une ballade en monde ouvert, seront très ennuyeuses. Comme pour pousser le joueur à les boucler, il est possible d'y jouer par l'intermédiaire d'un perso secondaire. En effet, chaque allié libéré vous donnera l'ouverture d'une quête dite « secondaire » enchainant quatre ou cinq missions secondaires redondantes, soit disant indispensables pour détruire la menace ennemie. Évidement, il n'en est rien mais si vous êtes du genre à ne pas aimer voir sur votre menu un défilé de quêtes en cours, vous vous forcerez à les boucler, augmentant ainsi la durée de vie, bien trop courte si l'on ne s'attarde que sur la quête principale. Au final, il ne vous faudra qu'un tout petit vingt heures pour boucler les 100% de SR IV dont plus de la moitié à répéter les mêmes missions : courses, tout détruire, survival, sauter sur des tours, etc etc. Le jeu utilisant le même moteur que son prédécesseur, il est techniquement dépassé avec beaucoup de textures en basse résolution mais surtout une physique au rabais où votre personnage donne l'impression de glisser une route savonneuse tout en ayant le poids d'une plume. C'est à dire qu'au moindre contact sous le feu ennemi, vous pourrez vous envoler comme un chiffon. Même chose pour les objets avec lesquels vous devrez interagir et c'est beaucoup plus gênant puisque si votre objet (ça peut être une voiture que devez voler mais aussi un objet que vous devez transporter) tombe dans l'eau, c'est fini. Et comme la physique de ces items est tout aussi légère que le personnage, il est très désagréable de refaire une mission car en fonçant droit dans votre objet-clé, ce dernier s'est envolé dans la lune.

Powa Rangers

Des voitures qui s'envolent, vous avez bien lu. Parce que non content de repousser une invasion alien, votre héros va gagner des super pouvoirs comme courir super vite, et faire des bonds de plusieurs centaines de mètres permettant de survoler la ville, tout en courant sur les murs rappelant un certain Prototype d'Activision. Puis, lancer des boules de feu, geler l'ennemi, faire trembler le sol, faire de la télékinésie, etc. De quoi varier un peu les combats combinés aux armes à feu. Certaines étant classiques mais on invitera les joueurs à profiter du délire pour ne jouer qu'avec les armes aliens : pas de feeling et des bruits de jouet à base de « piou piou » ainsi qu'une arme à dubstep, faisant danser les ennemis jusqu'à la mort. Ajoutons aussi la possibilité de faire gonfler les têtes jusqu'à leur explosion, vous comprenez que SRIV n'est pas trop à jouer avec des vulgaires uzis ou shotgun... Néanmoins, peu importe leur forme, le feeling vide de sensation d'impact de ces armes ne changera pas grand chose à leur efficacité et plaisir. Les pouvoirs sont aussi à upgrader en récoltant des items disséminés par centaines dans toute la map, sur les toits, dans les rues, plantés dans le sol, histoire de se forcer à visiter cette ville copié-collé. Le point positif avec ces pouvoirs, c'est qu'il devient inutile d'utiliser les auto tamponneuses pour se déplacer. Et heureusement vu que les quêtes aimeront vous amener à faire de longs allers-retours à l'autre bout de la ville, histoire d'étirer encore un peu plus la durée de vie de ce qui n'était qu'à la base un DLC... En dashant, faisant s'envoler chaque voiture ou poteau électrique, le parcours semble moins pénible. Ajouter des pouvoirs, notamment de déplacement dans une ville qui n'a pas été conçu pour, pourra parfois provoquer des petites contradictions. Le fait de faire envoler très facilement des objets, des voitures importants pour une mission en est une. Faire s'envoler des voitures pour ensuite être bloqué par un petit rebord de trottoir en est un autre. Le jeu n'est pas super agréable à manier en soit, démuni de grosses sensations, il faut apprendre à bien gérer ses timings pour sauter de toits en toits, stopper vos courses, etc. On notera parfois des petits problèmes de profondeur de champs vous empêchant de bien calculer vos sauts... C'est ce qu'il se passe quand on modifie les animations et interactions d'un jeu pas prévu pour.

Hots Row !

Ludiquement, SRIV a exactement les mêmes défauts que SRIII donc : répétitif, gameplay basique bien que l'enchérissement en super pouvoirs permet malgré tout plus de fun car le joueur peut combiner comme il le souhaite et attaquer en zone pour un maximum de dégâts. Mais la construction et le game design sont identiques. C'est avant tout son trip sans limites qui permet à SR4 d'être meilleur que SR3. C'est simple, Saints Row IV s'apparente plus à un Hot Shots ! vidéoludique, c'est à dire une parodie de plusieurs jeux vidéos comme le métrage avec Charlie Sheen était une parodie de plusieurs films Cinéma. Les références y sont nombreuses et surtout flagrantes. Le scénario de réalité virtuelle et d'humains enfermés dans des cocons rappelle évidement Matrix mais nous avons une multitude de séries qui sont gentillement moqués. Ainsi, vous pourrez discuter avec votre équipage dans votre vaisseau spatial tout en ayant des « romances »... Comme Mass Effect dont l'acteur Keith David, qui interprétait le Capitaine Anderson du jeu de Bioware, étant ici un personnage allié. Une notion de la romance somme toute décalée moquant le principal intérêt pour ces relations : aller au pieu ! Avec un design générique assez laid rappelant les Locustes de Gears of War, des private jokes où le héros clame « I became Death » référence à Darksiders II du même éditeur THQ, des niveaux entiers inspirés de jeux cultes des 90's (on évitera de spoiler pour garder la surprise), des costumes inspirés d'autres jeux marquants, SRIV assume totalement son délire caricatural. Volition nous concocte un jeu de la dernière chance, où l'avenir de THQ était incertain avec à sa tête, un ancien créateur comme PDG pendant un court lap de temps. Ceci a pu donner droit à un gros lâchage de lest dans l'auto-référence mâtiné de réunion de famille pour les fans de la franchise puisque vous reverrez des éléments issus du premier et deuxième épisode. Moment nostalgie oblige. Tout dans Saints Row IV respire l'adieu. Pas trop sérieux, bien bourrin, on égratigne (sans méchanceté) la concurrence, on fait plaisir aux fans... Nous avons là tous les symptômes du jeu fanservice. Étant donné que les développeurs étalent leurs références de tout horizon, le jeu devient terriblement sympathique malgré son gameplay lourd. De plus, là où SRIII ne savait pas trop où se diriger et comptait sur son humour un peu trop irréfléchi, quitte à être incohérent, SRIV assume ce melting-pot. Les anciens fans seront très déçus de voir que l'on a perdu tout l'univers gangsta mais peuvent se consoler grâce à ses multiples clin d'œils. On ajoutera à ça, une superbe tracklist bien choisie où le morceau d'Aerosmith, I don't want to miss a thing, issu de la BO d'Armageddon est utilisé pour illustré la désactivation d'un missile dans l'espace par le héros, arrachant plaques de métal et fils à mains nues... Évidement, tout ce délire n'a rien de bien fin mais c'est dans l'absurdité des séquences malgré une mise en scène limité techniquement que le jeu réussit à arracher plus d'un sourire au joueur.

Si l'on était pisse-froid, on dirait que SRIV c'est SR3 avec des pouvoirs de super héros. Une sorte de DLC étendu qui ne devrait coûter que 20 euros à tout cassé puisque reproduisant les mêmes défauts avec les même missions facultatives ennuyeuses et le même moteur dépassé et même décors que son prédécesseur. Mais là où SR3 n'était pas franchement très drôle hormis quelques passages car brisant sans l'assumer son univers pour un humour lourd, SRIV s'appuie sur diverses sources d'inspirations pour transformer cette absence de finesse en humour référentiel qui parlera à beaucoup de joueurs. Cette proximité avec le joueur dans la blague, que ce soit pour se moquer d'un jeu d'EA ou pour revivre des missions de SR et SR2, lui permet de faire grimper sa côte de sympathie en flèche. Si le jeu reste, pad en main, lourd, l'humour désarticulé rattrape le tout faisant passé un pur moment de fun. Saints Row IV, c'est moche, c'est inintéressant mais c'est drôle. Et touche en plus au domaine de la parodie pas encore assez exploité jusqu'à aujourd'hui.

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